01 mai 2014
Carnet / Comme après une éclipse
Entre hier mercredi à deux heures du matin et aujourd’hui jeudi, longues séquences d’écoute des symphonies de Rimsky-Korsakov, y compris la suite symphonique « Antar » ainsi que la Grande Pâque russe et le Capriccio espagnol, deux œuvres célèbres dont je me délectais déjà dans mon enfance sur de vieux 33 tours. Je n’ai jamais cessé d’aimer la musique de Rimsky-Korsakov, en particulier son concerto pour piano d’un lyrisme flamboyant inversement proportionnel à la physionomie austère de son auteur ! Et son bref opéra, Le Coq d’or, chef-d’œuvre d’étrangeté ironique que j’ai vraiment regretté d’avoir manqué à Genève voici des années...
Autant de fulgurances musicales qui m’apportent de la couleur dans la tête puisqu’il en manque tant dehors.
L’herbe monte autour de la maison et les tontes successives des dernières années ont multiplié les massifs d’une incroyable variété de fleurs sauvages. Malgré les récentes averses nocturnes et le froid, les grillons rythment jours et nuits sans faillir dans ce printemps humide et sombre.
Cette nuit en fermant les volets de la cuisine, j’ai entendu s’agiter les pies qui ont réutilisé un nid ancien bizarrement situé non loin de celui des merles. La chatte Linette qui ne se frotte pas aux pies a inquiété les merles par ses affûts. Heureusement, elle ne grimpe pas très haut dans les frênes mais ils ont préféré s’éloigner et s’installer dans les haies tout au fond de la propriété où elle s’aventure moins souvent. Ces merles plus chétifs que leurs congénères urbains sont très sauvages et très méfiants. Lorsque j’habitais en ville, je réussissais à en tromper quelques-uns en imitant les modulations des mâles et les petits cris secs des femelles mais ici à la campagne, c’est peine perdue.
Seul à table ce soir, après avoir allumé une flambée dans la cheminée, je me suis préparé quelques sandwiches grignotés dehors en regardant s’étirer dans ma direction un long panache de brouillard depuis le petit crêt qui surplombe la maison. En hauteur, des moutonnements de nuages gris et parme se dévoilaient à la faveur d’une brève éclaircie comme cela se produit presque tous les soirs en cette période. Si je n’étais pas oppressé, je verrais de la beauté dans ce ciel en désordre mais là, je le trouve tout simplement lugubre.
Il me faut réapprendre à voir comme après une éclipse.
Photos : dans les collines au-dessus de chez moi. Autoportrait aux faïences.
02:15 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : carnet, campagne, nuage, heures lentes, lenteur, contemplation, mélancolie, journal, note, prairie journal, merle, pie, crêt, herbe, fleurs sauvages, brouillard, flambée, cheminée, sandwiche, feu, blog littéraire de christian cottet-emard
Commentaires
Belle écriture, bel état d'âme...
Écrit par : jacki maréchal | 04 mai 2014
Mon grand-père disait souvent (ne plaisantant qu'à moitié ) : « c'est beau mais c'est triste ! »
Écrit par : Christian Cottet-Emard | 04 mai 2014
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