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29 avril 2014

Carnet / De la fuite

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La soirée s’est prolongée autour d’une bonne table entre amis et artistes qui ont participé aux concerts du week-end. Discussions amicales, drôles, chaleureuses sur la musique, la littérature, la peinture et la danse avec des bonnes blagues et des anecdotes dans l’atmosphère détendue et conviviale qui a permis de fuir quelques heures les soucis quotidiens et l’affreuse grisaille du printemps local.carnet,concert,chromatica,morton feldman,musique,le grand variable,christian cottet-emard,éditions éditinter,éditions orage-lagune-express,bernard deson,blog littéraire de christian cottet-emard,femme-papillon,jardin,motoculteur,note,journal,prairie journal,palais de mari,piano

Au lit, un rêve constitué d’une série de variations sur le thème de la femme et du papillon a visité mon bref sommeil. Sans doute parce que mon livre Le Grand variable (éditions Editinter, épuisé) a été rapidement évoqué dans la soirée et que pour la première édition, le collage de mon ami Bernard Deson incluant une femme et un papillon avait été retenu parmi d’autres pour un projet de couverture. Je crois aussi que je peux classer ce genre de rêve surréaliste dans la catégorie des rêves de fuite.  

Changement d’ambiance mardi matin (à part le ciel toujours aussi bas et sombre). Je n’arrive pas à me concentrer pour écrire car je dois guetter l’arrivée de gens qui viennent retourner le jardin au motoculteur. Il s’agit de personnes qui travaillent dans le cadre d’une association de réinsertion sociale et professionnelle. Depuis mon bureau, j’entends ronfler le motoculteur. Au bout d’un moment, le bruit cesse et l’utilisateur du motoculteur vient me demander si je n’aurais pas un morceau de ferraille à lui fournir pour remédier par quelque bricolage improvisé à un problème technique. Je ne comprends rien à ce qu’il m’explique et je me retrouve à errer dans le garage à la recherche de ce fameux bout de ferraille dont je ne vois même pas à quoi il pourrait bien servir. Je déclare que je ne trouve rien, ce qui semble laisser l’homme perplexe. Je vois bien qu’il ne comprend pas  que je ne comprenne pas. Exactement le genre de situation qui engendre en moi un profond malaise. Pendant quelques instants de silence qui me semblent une éternité, nous nous retrouvons les bras ballants à nous regarder comme deux extraterrestres. Pour une fois, le téléphone sonne au bon moment et me fournit le prétexte de la fuite.

Toute ma vie, j’aurai fui les mêmes choses.

Commentaires

Tu m'as fais bondir mon bon Christian dans ce que tu dis à propos de Morton Feldman. Pourquoi voudrais-tu entendre la musique de Feldman par l'intellect plutôt que par l'affect.... Le pauvre doit se retourner dans sa tombe... La musique de Morton Feldman est profondément et véritablement tout l'inverse d' avoir besoin d'être entendue par l'intellect, ce qui la caractérise en premier lieu c'est la qualité intrinsèque du son (et justement en partie à l'encontre des règles solidifiées de l'harmonie et de la mélodie, qui sont intellectuelles mais inconsciemment digérées par coutume). Ce sont les habitudes mentales qui sont des intellectualismes (inconscients certes) parce qu'on prend les coutumes pour des vérités - Les coutumes sont des habitudes mentales - Pas l'inverse ! Feldman ne suit pas cette voie (de l'intellect mental admis), il ne présente ni vérités, ni certitudes, en réalité il travaille sans filet : il prend ce qui est instinctif en lui pour livrer un profond sentiment d'émotion et de partage sans passer par des constructions convaincantes (ou grandiloquentes pleines d'un faux pathos - à l'extrême je parle du pathos de l'excitation narcissique commune à tous ces compositeurs plus amoureux et aveuglés de la valeur de leurs partitions que de la musique). C'est pour cette raison qu'il dit : "Je n'exige pas d'une œuvre d'art qu'elle soit intéressante" Il parle dans le mot "intéressante" du narcissisme intellectuel et de la rigidité mentale qu'il déteste chez Boulez par exemple (ils se détestaient tous les deux). «Lorsqu’on tend vers un son qui vit on doit renoncer à tout idéal orienté vers la différenciation» le terme « différentiation » signifie dans son langage ne rien ajouter d’illusoire à des fins de convaincre, pour lui un son possède des caractéristiques déjà suffisamment complexe si l’on se donne en toute simplicité la peine de l’écouter. Évidemment son rapport à la mélodie est en partie précaire, ce qui lui donne l'apparence d'être complexe, mais si on laisse aller nos facultés sensibles, sans aller chercher dans la voie unique de nos coutumes, nos assurances mentales, si justement on quitte notre intellect, Morton Feldman nous embarque dans un monde incomparable de largeur et de pureté, indescriptible, ou plutôt qu'il serait idiot de vouloir décrire, surtout en plus après ce que j'ai dit plus haut... Mais pour conclure, je dirais que je peux comprendre que la première écoute peut être déroutante et inciter à l'intellect, il faut insister pour passer de l'autre vaste côté, et crois moi il n'y a vraiment pas besoin de beaucoup insister... pour atteindre ces horizons de pionniers qui ne seront jamais colonisés... surtout avec Palais de Mari par exemple...

Écrit par : jacki maréchal | 04 mai 2014

Rassure-toi, Jacki, pas de quoi bondir !
L'autre soir, j'ai été heureux de découvrir ces œuvres de Morton Feldman jouées par Olivier parce que cette occasion d'écouter de la musique du vingtième siècle autrement que par le disque et par un musicien tel qu'Olivier ne se présente pas tous les jours.
Ce qui caractérise la musique du vingtième siècle, c'est qu'elle est partie dans tous les sens. On devrait dire les musiques du vingtième siècle, en particulier en ce qui concerne la musique américaine... À part ce que j'ai écouté l'autre soir et sur internet, je ne connais pas beaucoup l'œuvre de Feldman. Pour le mélomane classique que je suis, Feldman semble avoir des préoccupations qui me laissent assez froid. Je voudrais bien qu'on m'explique ce qu'est « la qualité intrinsèque du son » (qui me semble plus concerner l'interprète que le compositeur) et « un son qui vit » par exemple !
Pour ce qui est de l'émotion, toute musique en déclenche plus ou moins. Le problème, c'est que cette émotion peut constituer un contresens dans certains cas. C'est ce que je voulais dire au départ dans ma note.
Palais de Mari et les œuvres précédentes, si elles ne m'ont pas déplu, loin de là, ne m'ont pas suscité plus d'émotion que cela. J'ai trouvé cela agréable à écouter mais à l'évidence, cette musique ne me parle pas beaucoup. C'est aussi simple que cela.
Je vais essayer d'aller vers d'autres œuvres de Feldman pour ne pas limiter mon jugement à quelques-unes mais en général, dans mon approche personnelle et subjective d'une œuvre d'art, quand cela commence de manière si tiède, c'est mauvais signe pour la suite.

Écrit par : Christian Cottet-Emard | 05 mai 2014

Chacun a une nature qui fonde ses sensibilités... et j'entends bien ton point de vue... En dernier recours essaye ce Rothko Chapel : https://www.youtube.com/watch?v=D0B74tkxI2I

Tu y verras d'ailleurs (peut-être !) ce que peut être "la qualité intrinsèque d'un son" (pense à la qualité intrinsèque du son d'un simple "la" sur un Stradivarius et du son de ce même "la" sur un violon d'étude : le timbre n'est pas le même. Feldman s'attache à faire ressentir la qualité des timbres entre autre) et "un son qui vit" en écoutant la qualité et la vie du son qui sort du violon, surtout lorsqu'il est sublimé par le timbre des percussions et des chants (les timbres de ces deux là eux même sublimés par le contraste de timbre avec le violon)... Je précise si besoin que Feldman ne dit pas que les autres n'y parviennent pas, il dit simplement qu'il s'y attache particulièrement. Il se distingue ainsi par exemple de Boulez qui lui s'intéresse en premier lieu à la composition, avant le son. Boulez est plutôt intellectuel et Feldman plutôt sensible, ils se disputaient beaucoup là-dessus.

Ce morceau "Rothko Chapel" a été composé pour inaugurer l'extraordinaire Chapelle Rothko (lieu de recueillement a-confessionel situé au Texas). Des lieux de ce type nous manquent cruellement en France (et dans le monde) : http://www.rothkochapel.org/index.php?option=com_content&view=article&id=11&Itemid=14

Écrit par : jacki maréchal | 05 mai 2014

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