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02 novembre 2008

Qu’un oiseau, qu’un simple oiseau

 

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— une seule pie — soit dépositaire du vol, du franchissement du monde auquel je suis, moi, jeune humain, rivé, n’est-ce pas incroyable ?
Les formes de vie les plus infortunées pourraient se gausser de mon absence de libre arbitre, jusqu’au voile de Chine qui tourne dans son bocal sur le comptoir du buffet de la gare.
La seule distraction de cet être étrange, au milieu de ses huit cailloux, se résume aux variations du jour. Il s’en contente cependant car la porte-tambour qui déroule son ruban d’aigres voyageurs ne signifie rien pour lui.
Pour moi, en revanche, cette porte peut s’avérer lourde de menaces ou claquante d’espoirs selon le sens dans lequel elle bascule.

Extrait de : Le Grand variable, éditions Éditinter, épuisé.

Dessin de Frédéric Guenot.

14 juillet 2008

Pourquoi Mhorn s'appelle-t-il Preben ?

Pourquoi Mhorn s'appelle-t-il Preben ? Parce que sa mère, venue du Nord, habite désormais sur le flanc d'une montagne du Sud-Est, du côté des forêts d'épicéas où craquent volontiers les orages d'été.

Un de ces jours de canicule, la mère de Preben Mhorn, dans les derniers mois de sa grossesse, avance péniblement dans le parc public de la petite cité industrielle. Elle finit par s'asseoir sur un banc, au bord de l'étang, et elle regarde l'eau aussi lisse et opaque que le ciel vert-de-grisé. Pas une feuille ne bouge dans les grands frênes autour de l'étang.

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Un parc dans une ville déserte, un été de plomb, un banc au bord d'une flaque d'eau huileuse et ce gros ventre si lourd à transporter, ainsi s'écoulent ses journées. La voilà qui somnole dans la chaleur. Un gros poisson de vase a effleuré la surface du plan d'eau. La mère de Preben sent ses yeux se fermer sur les cercles qui trahissent la présence de l'animal.

L'étang devient un fjord et les forêts, plus sombres, se rafraîchissent sous le ciel bien lavé du Grand Nord. Et voici que la jeune femme rêve à son pays, au Septentrion... Quel voyage ! Elle voyage beaucoup... Dans sa tête. Et lorsqu'elle se retrouve à la maternité, en salle de travail, avec son ventre secoué comme la mer dans une terrible tempête, la canicule est toujours là.

Tout est trempé, il y a de l'eau partout, mais de l'eau tiède et rien que de l'air chaud à respirer. La jeune femme dévale un torrent puis un fleuve en crue. Un enfer de bouillonnements et de gargouillis. Un fleuve fangeux, le fleuve des Enfers, le Styx, l'Achéron ou le Cocyte. À moins que ce ne soit le Phlégéton et son flot de flammes. Alors, lui revient en mémoire l'arrêt devant l'étang. Dans sa descente des eaux en furie, elle agrippe les nageoires du poisson de vase et elle l'enfourche. Le poisson saute d'un gigantesque bon et projette partout de l'écume boueuse. Il retombe au milieu d'un cercle qui se répercute à l'infini à la surface paisible d'un fjord bordé de fraîches et sombres forêts. Le Nord ! Le Septentrion ! Un enfant d'une grande beauté sort de l'eau du fjord. Un enfant avec un prénom du Nord : Preben.
- Et comment l'appelons-nous ce beau garçon ? demande la sage-femme.
- Preben. Il s'appelle Preben, répond la jeune femme dans un souffle.
Et voilà pourquoi l'enseigne de vaisseau Mhorn s'appelle Preben. À cause de la canicule dans les montagnes orageuses et du poisson de vase.

(Extrait de : Le Grand variable, éditions Editinter, 2002. Épuisé)
Photo MCC

14 février 2008

Jeux marins des arbres la nuit

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La nuit, quand le vent souffle très fort dans les arbres, je sors sur le pas de ma porte, dans la petite rue déserte, et je peux entendre la mer.
Au bord de la mer, c'est pareil. J'entends le vent dans le feuillage.
Rien n'est plus facile. Il ne faut que de l'air dans des feuilles ou dans de l'eau pour s'offrir à sa porte la mer ou la forêt.
Alors pourquoi partir, pourquoi bouger ? Qui pourrait bien me le dire ?

(Extrait de : Le Grand variable, éditions Editinter, 2002).
Gravure de Jacki Maréchal (pour cet extrait en ligne).