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22 mars 2016

Rap et culture à Oyonnax : y a-t-il un pilote dans l’avion ?

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Ma récente petite dispute à propos du rap me semblait close mais un hasard assez piquant vient hélas apporter de l’eau à mon moulin.

Alerté mardi par un ancien collègue, j’ai lu un article de l’hebdomadaire Voix de l’Ain qui m’a atterré. Il s’agit d’un article remarquable et courageux de Monika Borowitch qui relate l’intervention d’un auteur, rappeur et slameur au centre culturel Aragon d’Oyonnax le 9 mars dernier.

Préalablement informé de sa venue par une note assez laconique dans le programme du centre culturel, je me suis renseigné sur ses livres. Indifférent à leur thématique, j’ai choisi de ne pas me déplacer pour assister à sa rencontre avec son public, conforté dans ma décision par un détour sur YouTube où j’ai trouvé un exemple de plus de l’indigence que je dénonçais dans un précédent article consacré au rap et à tout ce qui gravite autour de la « culture hip-hop » .

Tout aurait pu en rester là si la lecture du compte-rendu de Voix de l’Ain ne soulevait pas d’épineuses questions sur les choix culturels énigmatiques de la mairie d’Oyonnax.

Première question : y a-t-il un pilote dans l’avion pour qu’un individu officiellement rémunéré pour s’adresser à un très jeune public puisse impunément faire l’apologie du chaos dans un contexte local et national tendu à l’extrême ?

D’autres questions découlent de la première : qui et selon quel critère et quelle procédure a proposé le choix de ce personnage pour intervenir dans des établissements scolaires et des centre sociaux ? (!)

Si l’article relate bien le contenu de la rencontre au centre culturel (ce que semble indiquer la réponse officielle et manifestement gênée des services culturels dans ces mêmes colonnes) le public est en droit de savoir de quoi il retourne exactement face à la gravité des faits. Lorsque je parle du public, je précise que le contribuable est concerné. L’intéressé est en effet un auteur en résidence à Oyonnax pour plusieurs mois. Je suppose donc qu’il ne vient pas bénévolement.

Mais le plus préoccupant dans cette affaire est plutôt de savoir quel degré d'inconscience ont atteint un ou des décideurs pour offrir une tribune à un représentant typique de ces pseudo-artistes qui n'ont pour but que de régler des comptes avec le pays où ils prospèrent sur les ruines de la misère culturelle et sur les plaies à vif de la société.

À cet égard, la réponse des services culturels est édifiante : « Ça va complètement à l'encontre de ce qu'on a cru accueillir » . Une naïveté pour le moins étonnante ! Les responsables culturels locaux vivent-ils sur une exoplanète pour méconnaître à ce point le registre habituel des « auteurs rappeurs slameurs » ? Et cette remarque réjouissante : « Quant on dialogue avec lui (l'auteur résident), il n'est pas dans l'appel à la violence » (!) Nous voilà rassurés !

En apprenant l’existence de cette résidence d’auteur, j’avais été étonné de constater que la mairie, d’habitude si férue de communication, n’était guère loquace à propos d’une initiative d’envergure puisqu’elle s’étale sur plusieurs mois.

Avant le 9 mars, j’avais vainement cherché dans la presse et sur les sites internet municipaux la réponse à ma question : que vient faire cette personne à Oyonnax ? En quoi consiste le projet qui préside à cette initiative ? Pourquoi une telle discrétion ?

J’attends toujours la réponse bien qu’une partie de celle-ci soit mise en lumière au fur et à mesure du développement des réactions à ce qui prend progressivement la tournure d’un scandale.

P.S. : compte tenu de la réaction molle et embarrassée des responsables culturels à cette affaire alors que cet « auteur » persiste et signe, il serait judicieux que les parents d’élèves des établissements scolaires concernés et les usagers des centres sociaux se montrent particulièrement attentifs et réactifs en cas d’autres éventuels dérapages dont certains, répétons-le, peuvent relever des tribunaux.

Pour de plus amples informations concernant le contenu inadmissible des propos tenus par l’auteur en résidence officielle à Oyonnax, le mieux est de se procurer en kiosques l’hebdomadaire Voix de l’Ain daté du vendredi 18 mars 2016. Pour qui ne le trouverait pas, on le consulte, si ma mémoire est bonne, à la médiathèque municipale d’Oyonnax.

 

04 novembre 2015

Carnet / De la patate chaude de la culture

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Oyonnax et la culture, c’est un feuilleton, un psychodrame, pas passionnant je le concède, mais dont certains épisodes méritent parfois quelques minutes d’attention. Cette histoire de patate chaude est révélatrice du vieux clivage existant entre les municipalités de droite et la culture.

Personnellement, je veux dire en tant qu’usager, je n’attends plus rien depuis longtemps de l’action culturelle à Oyonnax, non pas parce que les professionnels font mal leur métier mais parce qu’ils travaillent dans une ambiance à mon avis délétère.

À ce contexte négatif que je veux bien être gentil de qualifier de conjoncturel, s’ajoute une double hostilité oyonnaxienne à la culture, aussi bien de la part d’une classe dominante soucieuse depuis les origines du développement industriel d’Oyonnax de maintenir les électeurs dans des distractions plus ou moins infantiles que de la part d’une population économiquement et sociologiquement fragile, conditionnée depuis des générations à la méfiance et au mépris à l’encontre des « intellos » , en d’autres termes, des artistes, des écrivains, de celles et ceux qui aspirent à être au monde autrement qu’en simple producteurs consommateurs.

Ces deux courants de la petite société oyonnaxienne se sont toujours rejoints dans leur rejet commun de la culture comme on a pu le voir lors des échanges souvent imprécatoires qui ont marqué le débat politique dès que la construction du centre culturel a été décidée.

À peine inauguré, le centre Aragon a ployé sous la pression politique, son fonctionnement focalisant en permanence les affrontements idéologiques déclarés ou sous-jacents caractéristiques de l’enclavement géographique et culturel d’une bourgade ouvrière en proie à l’interminable gueule de bois de la fin des Trente Glorieuses (pas si glorieuses que ça d’ailleurs si l’on veut bien relire 325000 francs de Roger Vailland). Dans ce roman plus sociologique que littéraire, Roger Vailland dépeint une communauté essentiellement structurée par le passage de l’artisanat à l’industrie et composée d’une petite bourgeoisie d’origine ou parvenue présidant aux destinées d’une population d’ouvriers, de contremaîtres et de petits employés chichement divertis en bals musette, concours de boules et courses cyclistes. Entre ces deux groupes, pas encore de classe moyenne en quête de culture autre que cinématographique.

Cette classe moyenne qui se constituera par la suite au rythme du développement du plein emploi et des services administratifs et sociaux connaîtra les concerts classiques et les pièces de théâtre montées dans la salle omnisports et autres gymnases qui ont toujours été les équipements prioritaires des différentes municipalités oyonnaxiennes. La bonne vieille recette du sport pour contrôler et endiguer le temps libre d’une population à laquelle le travail en usine eût éventuellement laissé un petit surplus de vitalité.

Autre avantage de l’embrigadement sportif, la constitution d’un semblant d’identité pour une ville qui a toujours peiné à s’en trouver une, ce qui explique l’addiction de ses décideurs à la reconnaissance médiatique nationale à tout prix, véritable obsession se traduisant aujourd’hui par l’hystérie autour du ballon et une frénésie de communication illustrée par une débauche d’affichage grotesque défigurant l’espace public. Je ne sais pas avec quelle officine de reprographie travaille la ville mais je pense qu’elle doit bénir Oyonnax.

L’équilibre fragile et assez laborieusement maintenu au moyen de cette identité artificielle ne pouvait intégrer sans problème l’aspiration à la culture qui est toujours une volonté d’élévation, d’épanouissement individuel et parfois de rupture avec l’ordre établi si celui-ci se montre trop étroit ou trop coercitif. C’est pourtant ce processus qui a permis à la culture d’irriguer lentement Oyonnax jusqu’à l’arrivée de la gauche à la mairie à la faveur d’une faible mobilisation électorale d’une droite trop sûre d’elle. C’est aussi lors de cette courte alternance politique que fut construit le centre Aragon, à la grande fureur de ses détracteurs les plus acharnés dont les enfants et petits-enfants sont aujourd’hui bien contents d’utiliser les services.

Il n’en reste pas moins vrai que la création de ce bel équipement est restée en travers de la gorge des gestionnaires purs et durs, notamment ceux qui ont toujours pensé qu’Oyonnax n’avait besoin que d’une salle des fêtes. Même si le centre Aragon ne sera jamais une salle des fêtes, le danger n’a jamais été plus grand de le laisser devenir une coquille vide.

Le risque existe dans un contexte qui cumule les menaces sur la culture à Oyonnax : rétrécissement de la classe moyenne (habituellement demandeuse d’offre culturelle exigeante et dotée d’un budget pour se l’offrir), précarisation financière croissante des populations à revenu modeste, vieillissement du public éduqué et cultivé, conflit de générations éloignant une forte proportion de jeunes d’une culture jugée bourgeoise et, phénomène inquiétant, émergence de formes identitaires et religieuses d’un rejet de la culture occidentale.

Ces tendances lourdes de la société sont particulièrement visibles dans des villes telles qu’Oyonnax. Envisager de répondre à ces problématiques par des mesures financières d’incitation et d’encouragement à l’accès à l’offre culturelle locale, ainsi que l’évoque dans la presse l’adjointe à la culture d’Oyonnax, n’est pas proportionné à l’ampleur des clivages, pas plus que cette dérive consistant à transformer les centres culturels en annexes de centres sociaux. L’action culturelle et l’action sociale n’ont pas à se mélanger même si de fait, l’une et l’autre profitent de leurs bénéfices respectifs là où le système fonctionne encore dans les grandes villes.

Enfin, persister à rogner toujours plus la variété et la qualité des animations et des programmes de spectacle sous le fallacieux et démagogique prétexte de les adapter à une supposée demande locale ne fait qu’entériner le renoncement à tous les objectifs et les espoirs suscités à ses débuts par le centre culturel Aragon.

À ce rythme, ce n’est plus une patate chaude que les différents décideurs se refileront mais quelques épluchures.

19 août 2015

Carnet / De la poésie qui va se nicher dans des petits films de rien du tout, de l’envie de changer de pays et d’un cauchemar

En rêvassant dans l’air tiède, assis devant la maison sous les nuages de la nuit, ces mots ont remonté je ne sais pourquoi de ma conscience : « Histoires vraies qui ressemblent à des contes, contes qui ont l’air d’histoires vraies, charriées par le grand fleuve... » J’ai passé plusieurs jours à me demander quelle pouvait bien être l’origine de cette réminiscence et j’ai même feuilleté des recueils de poèmes à la recherche de ces bribes. J’ai fini par trouver qu’il s’agissait de la fin du film de Carmine Gallone, Don Camillo Monseigneur

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Le souffle d’un orage lointain a dégagé une partie du ciel et j’en ai vu une en même temps qu’un faible éclair. J’ai donc fait un vœu tout en me disant que j’avais déjà le principal de ce qu’il faut pour être heureux, notamment la chance de vivre bien accompagné dans une nature tranquille où la brise d’été apporte la musique familière des cloches et des clarines, comme en Suisse toute proche de l’autre côté de la montagne. La Suisse, un des pays où je me verrais bien vivre, mais aussi en Italie et au Portugal. Évidemment, dans l’espace privé, je me sens bien en France mais c’est de moins en moins le cas dans l’espace public.

Dimanche 9 août, j’étais au deuxième concert de la seizième Académie Internationale de Musique de Nantua Pays du Haut-Bugey, le beau festival porté à bout de bras par le vaillant Guy Dangain. Comme d’habitude, la foule à l’abbatiale Saint-Michel pour écouter des musiciens de grande classe (la pianiste Shoko Gamo, le violoncelliste Sylvain Rolland dans un programme Chopin) et Guy Dangain qui appelle pourtant à l’aide parce que ce temps fort de la vie musicale est menacé. 

J’en reviens à ce que j’écrivais plus haut : comment ne pas être tenté de prendre de la distance avec un pays qui ne soutient plus ses artistes, qui n’établit plus de hiérarchie entre ce qui relève de la culture et de l’animation sous prétexte de je ne sais quel élitisme ? Oui, la vraie culture est élitiste, et c’est ce qui fait son intérêt. Qu’avons-nous à gagner au nivellement par le bas ? Rien. Dans le domaine de la culture, c’est en visant haut qu’on a le plus de chance de faire du social. Oui, la culture c’est l’élite, mais c’est une élite ouverte où chacun est bienvenu dès l’instant qu’il en ressent le désir.

Contrairement à ce qu’on persiste à croire depuis trop longtemps, ce n’est pas à la culture d’aller vers les gens, c’est à l’individu d’aller  vers elle s’il en ressent le besoin. Et qu’on ne me dise plus qu’il s’agit d’un problème financier pour le public car aujourd’hui, ce n’est plus vrai. Un exemple parmi tant d’autres : les trois grands concerts d’été à Nantua animés par Guy Dangain sont gratuits, déplacent les foules et perdent pourtant des subventions. Cherchez l’erreur...

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En plus de la morne épouvante que suscite l’évolution politico-religieuse décrite dans cette fiction, j’ai trouvé dans ce roman une illustration de plus de ce que j’ai toujours pensé : si le fascisme revenait en force, ce serait sous une forme molle, mais ce serait le fascisme quand même. Le tout est d’en être suffisamment conscient pour empêcher que cela ne se produise. 

À cet égard, je suis d’une génération qui doit revoir tous ses modes de pensée et rompre avec toute une batterie de bons sentiments certes utiles en leur temps révolu mais désormais totalement inadaptés au monde de l’après 11 septembre 2001.