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04 décembre 2006

Tu écris toujours ? (43)

À qui me reproche (avec raison) d’être un brin cynique, routinier, paresseux, méfiant à l’extrême, prudent jusqu’à l’absurde, je réponds : savez-vous ce qu’il faut de naïveté, d’initiative, d’énergie, de folle confiance et de témérité pour prétendre écrire et oser montrer ce qu’on écrit après avoir lu les livres qu’on admire ?

(À suivre)

23 octobre 2006

Comment tu t'es transformé en érable champêtre

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Tu arrivais contre le vent le chevreuil ne t’a pas senti (une chevrette avec son faon)

Lorsqu’elle t’a vu il était trop tard le faon se risquait trop loin pour qu’elle puisse le récupérer tout de suite et bondir avec lui dans le monde des chevreuils

Tu ne bouges plus elle te fixe dresse les oreilles tu ne bouges plus elle ne bouge plus

Son réflexe de détaler mélangé avec l’idée de récupérer le faon l’immobilise

Elle te fixe et guette le moindre de tes mouvements un battement de paupières une respiration et son faon pas très loin mais trop loin d’elle

Elle te jauge elle s’inquiète mais ne fuit pas elle te fixe toujours tu n’as pas bougé d’un cil

Elle cherche à t’impressionner par toute une série de bruits comiques elle souffle chuinte jappe elle veut t’intimider tu ne bouges toujours pas

Tu sais très bien faire ça ne pas bouger pendant longtemps

Et au-delà d’un certain temps elle va t’oublier

Car pour elle une créature qui ne bouge pas pendant longtemps disparaît tout simplement de la circulation

La chevrette t’a oublié parce que tu ne bouges plus et comme tu es arrivé contre le vent elle ne te sent pas tu n’es plus pour elle

Tu n’es plus pour elle qu’un détail de la forêt peut-être cet érable champêtre sous lequel tu ne bouges plus et que pour cette chevrette tu es devenu

L’érable champêtre n’est pas un arbre qui se donne en spectacle il a peu d’ambition comme toi si ce n’est celle de vivre et d’éviter les ennuis

Te transformer en érable champêtre tu aurais bien aimé y arriver plus tôt dans les premières périodes pénibles ou stupides de ta vie

Devant la haute porte fermée de l’école primaire Sainte-Jeanne d’Arc qui faillit si souvent devenir la grande porte de la fugue : disparu le gamin en retard à sa place un érable champêtre

Au-dessus du gouffre du cahier de calcul où les baignoires débordent où les trains n’arrivent jamais à l’heure où s’additionnent les retenues : plus personne juste un érable champêtre

Au tableau poésie à réciter par cœur (qu’est-ce que le cœur et la poésie ont à voir là-dedans ?) : hop un érable champêtre

Dommage qu’il ait fallu attendre quarante-six ans mais ça valait le coup quand même ô vaillante et ingénieuse petite chevrette !


Copyright : Orage-lagune-Express, 2006

20 septembre 2006

Note de carnet

À un moment ou à un autre, même pour le plus "classique" des écrivains, se pose ce problème : on n'ose plus employer l'expression ou le mot évidents. À cette prise de conscience, succède presque toujours une période de stérilité plus ou moins longue. Mais il faut en sortir et, après cette nécessaire parenthèse de défiance envers la langue qu'on emploie, reprendre confiance dans les mots, même (et surtout) les plus plats.