18 août 2024
Hommage / Roland Tixier (1946-samedi 17 août 2024)
Roland Tixier. Chaque fois l'éternité
Un mystère Tixier ? Je finirais par le croire. Depuis le temps, comment fait-il pour ne jamais me lasser de l’instant, de la sensation, des cinq lignes par page (je n’ose même pas écrire des cinq vers par page parce qu’il ne prend aucune posture de poète). Il faut pourtant compter Roland Tixier au registre de la poésie, même s’il ne presse pas la langue française comme un citron, même s’il ne la déconstruit pas, même s’il ne la tortille pas dans tous les sens. Se contente-t-il d’un sujet, d’un verbe et d’un complément ? Pas forcément. Souvent, l’énumération suffit. Moins de vingt mots et voici réunis le clair et l’obscur, l’espace et le confinement, le mouvement et l’immobilité dans cet extrait d'un recueil aussi bref que son titre est immense, Chaque fois l'éternité :
La nuit
la veilleuse mauve
les vitres froides
la lumière des gares
où l’on ne s’arrête pas
Poète voyageur Roland Tixier ? Dans le temps un peu, dans l’espace pas beaucoup plus. Le temps d’un voyage d’enfance entre le bitume et le talus, le temps de glisser entre des pages un fragment d’été à la campagne au milieu du vingtième siècle, le temps d’un battement de paupières pendant lequel un monde a succédé à un autre. Comment dire ? Chaque fois l’éternité, évidemment. (Texte extrait de mon recueil d'essais En lisant).
Christian Cottet-Emard
Un de mes articles sur Roland Tixier :
Un piéton de Villeurbanne
Roland Tixier, Simples choses, (postface de Nicole Vidal-Chich) éditions Le Pont du Change, 161 rue Paul Bert, 69003 Lyon. 80 p, 13 €. 2009. Port gratuit.
Villeurbanne, Vaulx-en-Velin et peut-être d’autres confins de ce qu’on appelle le Grand Lyon ont leur poète. Il s’appelle Roland Tixier, marche beaucoup et accorde son pas au rythme de visions fugitives (« n’être autre que ces pas / d’une rue à l’autre / quelques instants insaisissables »). Il en naîtrait presque une moderne épopée, depuis tant de recueils publiés par ce maître de la notation brève, dans le style des haïkus urbains, si ce promeneur ne se souciait comme d’une guigne de jouer le passant considérable.
Ainsi, dans son dernier opus intitulé Simples choses, Roland Tixier persiste-t-il à se fondre dans le paysage urbain ou semi-urbain (« je pars je me fonds / dans le gris léger / à l’est du périphérique ») que nous avons vite fait de juger inhumain alors qu’il est justement chargé d’humanité. Le quai, le square, le bus, le quartier, le bureau de poste, le banc, la gare, le trottoir, le parking, la banlieue, le supermarché, la supérette que les discours convenus relèguent souvent dans un pluriel hostile et lointain retrouvent leur singulier lorsque le poète piéton les nomme. Tel est un des pouvoirs de la poésie. La vie qui semblait vouée à se dissoudre dans l’anonymat des mornes et rectilignes perspectives des « grands ensembles » regagne alors sa dimension quotidienne et individuelle avec ses présences saisissantes (« clochard ravagé / peu de vie dans son caddie / de supermarché »), intenses (« elle au volant il l’embrasse / garée à la diable / warning allumé ») rassurantes (« bonheur d’une journée / être près de vous debout / sur ce quai de bus ») souriantes (« trois pigeons devant la mairie / picorent les grains de riz / lendemain de mariage »). En trois lignes, le collectionneur de « simples choses » peut nous emmener loin (« amoureux perdus / sur le chemin de halage / matinée de brume ») ou restreindre le cadre jusqu’à nous faire éprouver la sensation physique de l’enfermement (« loin de ses repères / petit merle apeuré / entre les haies d’automobiles »).
Lorsqu’il consent à se mettre en scène, c’est à la façon, fugace, d’un Alfred Hitchcock dans les premières images de ses films et l’on se surprendrait presque à s’exclamer : « Tu as vu, au début de ce poème, le type qui monte dans le bus ? C’est Roland Tixier ! » . Mais ce passant de la « bienheureuse marche » au pas aussi léger que son sac à dos peut très bien être vous et moi parce que l’auteur de ce livre nous prend vraiment en sympathie (« ah ! mes compagnons de bus / bonheur d’être près de vous / logé à la même enseigne »).
Christian Cottet-Emard
La réponse de Roland à cet article :
Merci Christian pour ton attention et ta bienveillance.
Grâce à toi, je mesure un peu plus le sens de mon propos,
comme si mon écriture me parlait à moi-même. Ton sentiment fait effet de révélateur. Merci.
Le fait de tant marcher m'exclurait-il du club des Pantouflards? Que j'ai lu pourtant,en son temps, avec bonheur.
Peut-être en novembre, dans le Grand Lyon, à Bellecour?
Amicalement,
Roland
La dernière fois que j'ai vu Roland, en sortant de notre lecture commune à la médiathèque de la Part-Dieu à Lyon voici une dizaine d'années :
De gauche à droite :
Roland Tixier, Christian Cottet-Emard, Frédérick Houdaer, Jean-Jacques Nuel, Patrick Dubost
14:12 Publié dans Hommages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roland tixier, poète, littérature, blog littéraire de christian cottet-emard, lyon, villeurbanne, vaulx-en-velin, promenade, marche, poésie urbaine, passant, piéton, hommage, médiathèque part-dieu lyon
16 août 2024
Légende d'été
Photo © Marie-Christine Caredda
Dans mon rêve l’été est une grande fleur qui s’ouvre et qui contient toutes les autres
comme une légende qui contient toutes les histoires
ou bien un parasol qui fleurit dans les rues du monde et qui contient tous les autres
puis sous l’averse fraîche et parfumée comme une passante inaccessible
un parapluie qui éclot et qui contient tous les autres
et dans sa brève nuit de fête où l’on erre comme une ombre heureuse avant de s’éloigner des lampions
un abat-jour qui veille jusqu’à l’aube et qui contient tous les autres
Mais peut-être n’ai-je pas rêvé
(Extrait de mon recueil Estime-toi heureux
© Éditions Orage-Lagune-Express)
Aaron Copland (1900-1990) : duo pour piano et flûte.
00:07 Publié dans Estime-toi heureux, Photo | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : été, heure d'été, rêve d'été, légende d'été, jour, nuit, fleur, parasol, parapluie, monde, averse d'été, passante, abat-jour, pluie d'été, lampion, ombre, aube, blog littéraire de christian cottet-emard, poésie, littérature, estime-toi heureux, ©orage lagune express, christian cottet-emard, dépôt électronique n°, archive office notarial n°, droits réservés, texte, photo ©marie-christine caredda, lumière
15 août 2024
Aujourd'hui, l'Assomption
Jean-François Dandrieu (1682-1738) : Vêpres de l'Assomption.
Un visiteur de l'Assomption
Le petit buisson des veilleuses votives est dans la chapelle de Marie.
Au cœur de l'été qui rend distrait ou parfois aveugle, on la fête aujourd'hui dans l'ombre fraîche.
Comme j'ai beaucoup à demander, je remercie d'abord pour tout le bon et le bien que j'ai déjà
et puisque je ne sais pas prier, je joins mon humble flamme aux autres, sans oublier l'offrande.
Mon âme est si grise que c'est à Elle que j'ose m'adresser parce qu'Elle sait, accueille et comprend.
Extrait de mon recueil Veilleuses.
00:00 Publié dans Musique, Occident | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : assomption de la vierge marie, fêtes chrétiennes, assomption, occident, musique, vêpres de l'assomption, jean-françois dandrieu, veilleuses, poésie, christian cottet-emard, culture chrétienne, blog littéraire de christian cottet-emard