16 mars 2017
Poèmes du bois de chauffage / L’éclaircie nocturne
Après la pluie du jour le ciel est en désordre dans la nuit
Pauvres troupeaux transis qui soufflent qui soupirent dans l’herbe noire des prés mouillés
Moi je suis sous l’averse de mes vœux pieux et matérialistes provoquée par chaque étoile filante en l’éclaircie nocturne
C’est encore de la vie ces feuilles sèches dans les haies où dorment jeunes et vieux merles
Une drôle de vie qui promet à chaque bois vert un lointain destin de bûche
Au bon plaisir d’âmes inquiètes et grises qui persistent à rêver contre toute évidence d’un feu de joie
Extrait de Poèmes du bois de chauffage, © Éditions Orage-Lagune-Express, 2017.
Ciel nocturne sur les frênes derrière chez moi (photo Marie)
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14 mars 2017
Poèmes du bois de chauffage / La cafetière
Qu'aurai-je à ne pas regretter quand il faudra passer ?
L’école le travail où je suis allé toujours à reculons tout ce qu’il a fallu fuir contourner éviter
Les difficultés techniques de ma vie quotidienne allumer le feu dans la cheminée le calcul le mode d’emploi des appareils le minimum de bricolage tout l’impossible
D’assez nombreuses relations dites humaines (j’y pense en regardant ma chatte dormir dans le fauteuil le matin pendant que je prépare le petit déjeuner — sa petite vie qui vaut mille fois celles de crapules de ma connaissance)
C’est mal de penser qu’une vie de chat vaut plus que des vies humaines mais cette pensée est dans ma tête et il ne sert à rien de mentir dans un poème
Ah oui ma cafetière italienne je la regretterai
En cas de réincarnation ou de résurrection (il ne manquerait plus que ça) si quelqu’un pouvait penser à la mettre dans ma tombe
Ma cafetière
Extrait de Poèmes du bois de chauffage, © Éditions Orage-Lagune-Express, 2017.
Photo : ma vieille cafetière.
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11 mars 2017
Carnet / Des jours variables
Pour aller à Saint-Claude (Jura), je descends la vallée profonde et encaissée de la route de Molinges avant de continuer tout en bas le long de la Bienne qui roule un flot vert et tumultueux en cette saison.
Sous la bruine serrée d’un jour sombre comme ce jeudi, avec les forêts de hêtres et d’épicéas à flanc de montagne, les bouquets de saules sur les berges de la rivière large et rapide et les abords de la route jalonnés de vieux engins de chantiers en proie à la rouille, on se croirait dans le décor d’un roman de Jim Harrison.
Ce jeudi après-midi était entièrement consacré à la boustifaille et au réapprovisionnement en whisky. Après un casse-croûte assez tardif et le café dont j’ai sans cesse besoin pour me doper, direction le caviste de la rue de la Poyat (La Ronde des vins) où je trouve presque toujours ce qu’il me faut.
On y est accueilli par le jeune Florian qui connaît parfaitement ce qu’il vend et qui conseille très bien le client. Mon choix s’est porté sur un Connemara, le Distillers Edition, légèrement différent de L’Original que je prends souvent, aussi tourbé mais plus fin et un peu plus fort (43%Vol. au lieu de 40%Vol.).
En vin rouge, je suis revenu à l’excellent Cabardès que le caviste m’avait précédemment fait découvrir, le vin d’un jeune couple, Stéphanie et Olivier Ramé qui ont repris le domaine viticole familial sur Ventenac-Cabardès près de Carcassonne.
Dans la foulée, je suis passé prendre du Comté à la crémerie Clément. Ensuite, un détour par Dortan chez Larçon où l’on peut se procurer la meilleure mortadelle à mon goût.
Une fois sur le territoire d’Arbent, j’ai remis à plus tard des courses à Oyonnax et suis remonté à Viry par la route habituelle. Par temps gris et sous la pluie, cette région rappelle vraiment des paysages décrits non seulement par Harrison mais encore par Raymond Carver dans ses nouvelles et ses poèmes.
Quant à Saint-Claude, sous-préfecture du Jura (précision pour ceux qui me lisent loin d’ici et qui sont à l’évidence beaucoup plus nombreux que les lecteurs locaux), certains quartiers de la ville fourniraient des décors parfaits pour des polars bien cafardeux. On pourrait le dire aussi, dans une moindre mesure, d’Oyonnax.
Pourquoi suis-je accroché à cette région si peu riante ? Sans doute à cause de mon manque de courage, de mon impérieux besoin de routine et de mon esprit conservateur. Mais d’un autre côté, si je m’étais exilé dans un petit paradis avec trois cents jours de soleil par an, serais-je encore enclin à écrire ?
Conscient de ma paresse, de mon absence de compétence et d’intérêt pour tout engagement social, humanitaire ou politique et de ma lancinante idée qu’il est aussi absurde de vivre que de mourir, j’en doute fort. C’est là qu’un verre de Connemara peut-être bienvenu. Il ne me manquait plus qu’un bourbon américain pour varier. J’ai fait une infidélité à mon Voodford Reserve de chez Labrot & Graham pour essayer un Bulleit qui me faisait de l'œil depuis quelques temps.
Changement radical de temps et de température le lendemain vendredi après des bourrasques nocturnes qui ont suffisamment secoué les frênes pour me fournir de nouvelles brouettes de bois sec. Les crocus violets et jaunes se déplient comme des papiers d'origami. Ce sont les plus sauvages qui s'épanouissent en premier, suivis par ceux achetés dans le commerce, plus gros et moins pressés!
Dans son fauteuil près de la baie vitrée, la chatte Linette s'en fiche. Seule compte sa sieste.
Vers 18h30, la lune risque son œil dans les branchages de frêne et j'en profite pour la photographier. Avant le crépuscule, les merles en sérénade pour confirmer le dicton : quand le merle a sifflé, l'hiver s'en est allé. Espérons.
15:44 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : carnet, note, journal, prairie journal, autobiographie, whisky, tourbe, connemara distillers edition, cabardès, stéphanie et olivier ramé, vignes, ventenac-cabardès, carcassonne, comté, crémerie clément, larçon, mortadelle, bourbon bulleit, bourbon woodford reserve, labrot & graham, blog littéraire de christian cottet-emard, jim harrison, raymond carver, paysages, jura, ain, haut bugey, oyonnax, saint claude, lune frêne, merle