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09 février 2013

Carnet des actualités

L’actualité c’est simple, me direz-vous : « si vous saturez, tournez le bouton » , ce que je fais bien sûr, notamment sur France-Musique dont je choisis les programmes les moins bavards — devinez pourquoi ? — pour écouter de la musique, aussi bizarre que cela puisse paraître, et non pour entendre une énième retransmission des engueulades à l’Assemblée à propos du mariage pour tous. Tourner le bouton, pas si simple.... Pas de problème chez soi, mais à l’extérieur où tout est de plus en plus sonorisé, c’est une autre affaire. Donc, puisque l’actualité s’invite sans vergogne dans l’espace sonore public, laissons-la déborder un peu dans cet espace semi-public ou semi-privé (comme on voudra) qu’est ce petit blog.carnet,information,presse,actualité,radio,france-musique,journal,manifestation,cortège,banderole,mariage pour tous,fermeture de classe,école,politique,économie,horreur économique,viviane forrester,éditions fayard,blog littéraire de christian cottet-emard,village,foot,totalitarisme financier,sdf,sans domicile fixe,leurre,leurre de pêche,mariage gay,mariage homosexuel

J’aurais pu écrire « les actualités » mais en réalité, une seule domine toutes les autres : le mariage pour tous. À chaque nouvelle vague de logorrhée sur ce sujet, une image s’impose à moi, vieille de deux ou trois ans déjà, celle d’un jeune SDF très maigre et très mal en point qui grelottait de froid accroupi contre une vitrine un soir pluvieux de fin d’automne à Lyon. Lui donner une pièce ? Inutile au vu de son degré apparent d’épuisement. Le recueillir ? Évidemment impossible. Comme tout le monde, j’ai donc passé mon chemin en remisant mon malaise dans un coin de ma tête. Le rapport entre ce SDF et le baratin à propos du mariage pour tous ? La grosse manifestation des opposants au mariage pour tous. Voilà des gens qui sont capables de prendre des jours de congé et des autocars avant l’aube en plein hiver, de se taper cinq ou six-cents kilomètres de route et de s’agglutiner dans des cortèges géants pour un motif aussi secondaire que le mariage pour tous.

Pour moi, le vrai problème est que ces foules gonflées à bloc soient apparemment incapables de la même mobilisation pour refuser que des SDF crèvent de froid dans notre société si civilisée, que des citoyens se retrouvent privés de tout revenu et que ceux qui sont encore sur le pont soient tous les jours à la merci de n’importe quel petit chef susceptible de les envoyer sous les ponts. Il faut croire que ces risques les concernent beaucoup moins que les risques du mariage pour tous.

Apparemment, c’est cela la politique, activité à laquelle il me semble impossible de s’intéresser tant que, dans nos pays riches, tout le monde n’aura pas droit à un revenu minimum universel permettant au moins de manger et de dormir à l’abri à celles et ceux qui, de plus en plus nombreux, ne pourront de toute façon plus jamais s’adapter à la loi de la jungle du « totalitarisme financier » (*).

(*) Cf. L’Horreur économique, Viviane Forrester, éditions Fayard, 1996. 

P.S. : Puisque j’en suis à bavarder sur les manifestations géantes, j’en profite pour en évoquer une (plus petite) à laquelle j’ai récemment participé. Je me trouvais moi-même un peu ridicule au milieu de ce cortège dans les rues de mon petit village dont l’école risque de perdre une classe mais le ridicule ne tue pas. La preuve, j’écris et je publie des livres, je tiens ce blog depuis huit ans, je donne parfois mon opinion personnelle et je suis toujours vivant !

Pourquoi me suis-je joint à cette manif de campagne à laquelle, de l’aveu des organisateurs, n’ont pas participé autant de parents d’élèves qu’on aurait pu l’espérer ? Après tout, je n’ai plus d’enfant à l’école primaire et je suis depuis longtemps persuadé que le bonheur est désormais une affaire privée même si j’ai gardé une vieille tendresse pour les banderoles et la contestation. De fait, elle était plutôt sympathique cette manif villageoise mais quelque peu pathétique aussi, notamment lorsque me parvenaient dans le cortège quelques bribes de conversations du plus pur style « entre potes » : « ouais c’est clair, il nous faudrait une victoire. Ça peut pas continuer comme ça. Avec ce qu’ils ont pris comme raclée l’autre jour, va falloir qu’ils mettent le turbo. »
Finalement, tant qu’ils ne ferment pas le stade de foot !

Vignette : leurre de pêche.

09 juillet 2009

Nouvelles du front

J’ai plusieurs fois écrit, de manière directe ou indirecte, dans certains de mes livres, que je me sentais étranger dans la ville où j’ai habité la plus grande partie de ma vie. Au début 2009, j’ai eu l’occasion de m’éloigner sans partir très loin, juste un peu plus haut dans un petit village de la montagne jurassienne, ce qui m’a permis de rompre avec les aspects les plus pénibles d’Oyonnax. Aujourd’hui, dix kilomètres de distance me suffisent pour me sentir à la fois proche et loin de cette bourgade industrielle — peut-être devrais-je écrire « postindustrielle » — qui a toujours été le laboratoire du libéralisme économique sauvage.

Si feu l’écrivain Roger Vailland revenait aujourd’hui à Oyonnax où il a extrait la matière de son célèbre roman 325000 francs qui décrit la condition du prolétariat enchaîné à l’usine à l’époque du « plein emploi » , il trouverait désormais un sous-prolétariat exposé à la violence froide du capitalisme en crise, à ce que l’essayiste Viviane Forester appelait dans un livre fameux « l’horreur économique » . Cette terrible pression sur des populations fragiles, déracinées, n’a fait que monter en puissance au cours des dernières décennies, notamment depuis les années 80 que j’appelle « la décennie de la grande erreur » lorsque s’est produit ce qu’on appelle aussi la « révolution conservatrice » avec les conséquences sociales que nous avons sous les yeux maintenant.

Aujourd’hui dans l’industrie, dans la distribution, dans les services, dans la fonction publique, dans toutes les branches professionnelles, surviennent tous les jours des événements illustrant l’attaque systématique contre la législation du travail, la destruction programmée des acquis sociaux, qui auraient voici seulement quelques années jeté des centaines de milliers de manifestants dans les rues. Mais en ce moment, ce qu’on peut appeler sans hésitation la caste dominante a réussi à installer la peur et la sidération dans les esprits sans avoir conscience qu’il y a grand danger à parier sur la résignation, le désespoir et l’apathie à seule fin de s’agripper à des privilèges aussi exorbitants qu’anachroniques.

Cela n’incite pas à l’optimisme mais mercredi soir, j’ai éprouvé un frisson d’espoir quand le journal d’information de la nuit sur la chaîne de télévision France 2 s’est fait l’écho du combat mené à Oyonnax (eh oui !) par des employés d’un des plus rudes secteurs de la grande distribution, le « hard discount » , où des salariés qui refusent de travailler le dimanche sont lourdement sanctionnés. Selon la propagande du gouvernement, le travail dominical ne concernerait que celles et ceux qui se portent volontaires, or on sait très bien que dans ce cas, les volontaires risquent fort d’être désignés, soit directement par la hiérarchie, soit plus insidieusement, par toutes sortes de pressions sur les salariés qui préfèrent encore leur vie de famille, leur vie privée, à quelques euros de plus. On sait aussi que ces maigres bénéfices seront engloutis dans des frais liés au travail le dimanche (transports et garderies supplémentaires).

Dans l’océan d’insignifiance du journal télévisé (Michael Jackson, tour de France, chiffres du chômage manipulés jusqu'au délire) les images toniques de ces employés en résistance — une procédure est en cours d’après ce que j’ai compris — montrent que le front peut s’élargir à mesure que l’ennemi tombe le masque.

Lire, ici, l'article d'Émilie Chaumet.