07 août 2014
Carnet / Du sport comme anéantissement
(Extrait de notes pour un essai polémique en préparation sur ma vision du sport)
Mon aversion pour le sport est non seulement d’ordre politique et idéologique, mais encore d’ordre esthétique.
Je trouve que tout est laid dans le sport : les endroits organisés où il est pratiqué (stades, salles de gymnastique), les vêtements, les chaussures, le matériel, le corps harnaché, sanglé, moulé dans ce qui n’est ni plus ni moins que des uniformes, les sons (cris, coups de sifflets, clameurs, hurlements, vociférations).
Ce qu’on appelle pompeusement « l’esthétique du sport » relève en réalité d’un authentique fétichisme de la trivialité. Cette trivialité apparaît souvent dans la littérature sportive, notamment dans le livre d’Haruki Murakami, Autoportrait de l’auteur en coureur de fond (éd. 10/18).
J’y pensais l’autre jour en voiture en attendant qu’un troupeau de cyclistes consente à me laisser un peu d’espace sur la route pour le dépasser. On y distinguait à peine les hommes des femmes, casqués, le visage barré de lunettes noires, tous les corps étant boudinés dans ces horribles combinaisons avec un renforcement ridicule (en forme de cœur !) sur les fesses.
Que reste-t-il comme sensations à un cycliste ainsi enfermé dans son armure de polyester ? Certainement pas la brise d’été sur la peau et encore moins l’émotion du paysage, non, les seules ivresses, les seules qui restent, les seules qui comptent, ce sont la vitesse, le temps chronométré et la quête frénétique du mouvement pour le mouvement.
On a ici affaire à l’obsession de s’oublier, de ne plus penser, à une volonté de dispersion de soi-même dans l’effort qu’on produit. Une des nombreuses et banales variantes de la pulsion de mort, pierre angulaire des activités sportives et militaires régies par les mêmes prétendues «valeurs».
01:34 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : sport, coureur de fond, cycliste, cyclisme, sport et pulsion de mort, anéantissement, polémique, blog littéraire de christian cottet-emard, haruki murakami, autoportrait de l'auteur en coureur de fond, éditions 1018, trivialité, laideur
20 avril 2013
Journée sous contrôle
Aujourd’hui d’un point de vue économique et social tu ne fais rien de ta journée
Si ce n’est lire des poèmes de John Ashbery Frank O’Hara Ron Padgett Geoffrey Young Elaine Equi Jim Harrison et Paul Auster
Si ce n’est écouter des œuvres de Michael Tippett Benjamin Britten Aaron Copland et William Walton
Si ce n’est photographier l’ombre des ustensiles de cuisine
Si ce n’est remonter trois grosses pierres calées avec des plus petites pour colmater une brèche dans ton muret jurassien
Si ce n’est comprendre l’hésitation du forsythia
Si ce n’est conclure qu’il vaut mieux entendre un critique affirmer que les tableaux d’Edward Hopper sont mal peints plutôt que d’être sourd
Si ce n’est boire un verre de Sauvignon d’Ardèche accompagné d’un sandwich à 13h30 ainsi que le font souvent les vieux ados de cinquante ans en recherche de consolation
© Éditions Orage-Lagune-Express, 2013. Droits réservés pour texte et photo.
01:55 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : journal, note, poésie, journée, quotidien, trivialité, ustensile, cuisine, john ashbery, frank o’hara, ron padgett, geoffrey young, elaine equi, jim harrison, paul auster, michael tippett, benjamin britten, aaron copland, william walton, forsythia, muret, mur, muret jurassien, pierres sèches, edward hopper, peinture, tableau, toile, sauvignon, ardèche, blog littéraire de christian cottet-emard