06 juin 2009
Tu écris toujours ? (50)
aux écrivains qui s’installent à la campagne
Les villes connaissent un tel développement qu’on finit par y rencontrer trop d’êtres humains. Le contact humain est comme toutes les bonnes choses, il ne faut point en abuser. Aussi avez-vous décidé d’écrire à la campagne. Bien, mais n’oubliez pas que les êtres humains peuplent aussi les zones rurales. Vous pourriez en croiser un lors de vos promenades, y compris dans les forêts les plus profondes.
Lors d’une rencontre inopinée avec un autochtone, préférez le classique « bonjour » au problématique « holà mon brave ! » peu prisé des ruraux du 21ème siècle et encore moins des néo-ruraux, vous savez, les citadins en rupture qui construisent à côté de leurs fermes rénovées des yourtes, des wigwams ou des tipis pour y animer des stages avec hébergement Feng shui tels que Développement personnel et lombriculture, Tondre la chèvre angora ou Reconnaître une empreinte de dinosaure. Si l’autre promeneur ne vous a pas détecté, vous pouvez toujours vous carapater dans un taillis ou vous dissimuler derrière un buisson mais j’attire votre attention sur les risques d’une telle stratégie en période de chasse, surtout si vous avez jugé opportun d’étrenner ce jour-là Loden et chapeau tyrolien à plume. La vie à la campagne ne nécessite pas d’habit particulier mais ce n’est pas une raison pour survoler tout nu le potager comme des néo-ruraux de ma connaissance qui proposent un stage Accro-branche et sauna finlandais. N’en rajoutez pas trop dans l’élégance rustique. Le costume de tweed n’est pas indispensable, au comptoir de la supérette locale, à l’achat d’une baguette, d’une bouteille de rouge et d’un fromage surpris en flagrant délit de tentative d’évasion. Misez plutôt sur de bonnes chaussures adaptées aux longues soirées d’hiver pour lesquelles je recommande les pantoufles à motifs écossais de la marque J’y vais (100 % laine avec semelles antidérapantes) bien que les dérapages en pantoufles soient assez rares. À la campagne, la tentation est grande de chausser les pantoufles en permanence. Si vous avez tendance à les porter même pour les courses à la supérette, reprenez-vous tant qu’il est encore temps. Peut-être avez-vous besoin de vacances en ville ?
Venons en maintenant aux problèmes de voisinage auxquels vous pouvez être confronté car le voisin est une espèce humaine si répandue qu’il a conquis même les territoires les plus reculés avec, évidemment, une prédilection pour votre espace vital personnel. Ces problèmes portent le plus souvent sur des aspects triviaux de l’existence que je m’excuse par avance d’avoir à traiter dans une aussi littéraire, estimable et distinguée publication que ce magazine.
Ainsi que cela se produit aussi en ville, les animaux de compagnie sont à l’origine des tensions les plus fréquentes mais la vie en zone rurale doit vous conduire à une plus grande circonspection. Par exemple, dans le cas d’une pollution organique de votre pelouse, avant d’accuser votre voisin le plus proche, je veux dire l’animal domestique de votre voisin, inspectez avec attention l’objet du délit dont le coupable n’est peut-être qu’une bête sauvage. Pour l’identifier, je ne connais pas de meilleur ouvrage que le Guide des traces d’animaux de messieurs Preben Bang et Preben Dahlström (éditions Delachaux & Niestlé) que vous ouvrirez en dehors des heures de repas aux chapitres intitulés « Laissées, crottes et fientes » et « pelotes de réjection » comportant des doubles pages avec des illustrations grandeur nature.
Puisque nous évoquons les animaux, admettons une fois pour toutes que l’auteur campagnard n’a pas obligatoirement besoin d’un chien. Si vous tenez absolument à vous faire photographier en compagnie d’une de ces créatures en vue de la publication de votre portrait dans le hors-série Écrivains et terroirs d’un célèbre magazine animalier, empruntez ou louez le canidé. C’est ce qu’avait fait mon proche voisin, jadis auteur à succès, qui s’était ainsi entiché après usage d’un Saint-Bernard excessivement baveux dont les vieux jours furent gâchés par l’arrivée à la maison du chat Sir Alfred. Je pense que la principale qualité du Saint-Bernard se limite au tonnelet d’eau de vie qu’on lui attachait au collier dans le bon vieux temps. On doit pouvoir aisément se procurer le tonnelet sans le Saint-Bernard.
La campagne, source d’inspiration ? Voyez les réactions de votre éditeur. S’il ne donne plus signe de vie depuis l’envoi de vos nouveaux manuscrits (un recueil de poèmes intitulé Le Vieux biniou, une monographie traitant du hameau de Corneille-en-Désert après l’exode rural et une biographie du justement méconnu Aimé Duchemin, poète à ses heures et rien de spécial le reste du temps), posez-vous la question.
Extrait de Tu ÉCRIS TOUJOURS ? (FEUILLETON D’UN ÉCRIVAIN DE CAMPAGNE). (Cet épisode a été publié dans le Magazine des livres n°16, mai 2009. La suite du feuilleton Tu écris toujours ? dans le n°17, juin 2009, actuellement en kiosques).
20:53 Publié dans FEUILLETON : tu écris toujours ? | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : magazine des livres 16, feuilleton, christian cottet-emard, blog littéraire, presse, édition, écriture, aparté
26 août 2008
Un pas en avant, deux en arrière
Retour sur certains labours laissés depuis quelques temps en jachères. J’avais vite et bien débuté avec une bonne centaine de feuillets pour chaque manuscrit. Passé la journée à couper et à tailler. Résultat, plus de trente feuillets écrits dans la douleur supprimés mais un blocage surmonté. L’écriture demande beaucoup de travail mais n’aime pas ce qui est laborieux. Aujourd’hui en reculant, je peux dire que j’ai bien avancé. Heureusement que je suis mon propre patron en ce domaine. Comment faire comprendre cela à une hiérarchie ?
18:36 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : carnet, écriture, fiction, feuillets, littérature, blog littéraire, ciseaux
25 juillet 2008
Effaré
En ces somptueuses journées d’été, rien ne devrait me distraire de la lumière dans les corolles de mes fleurs sauvages préférées, toute la famille des campanules le long des talus et contre les roches chatouillées de lézards aux gorges flamboyantes et pourtant... Je visite mes chantiers d’écriture, notamment deux romans bien avancés et deux recueils de nouvelles déjà conséquents. Je ne parle pas de tout ce que je garde sous le coude en attendant le moment opportun... Lorsque j’évalue la somme de travail qui reste à fournir, je suis purement et simplement effaré.
Voilà ce qu’il faudrait faire :
00:35 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : romans, nouvelles, chantiers, écriture, travail, fatigue, sieste