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21 avril 2011

Tu écris toujours ? (63)

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Conseils
aux écrivains qui ne veulent pas se lever.

Longtemps, je me suis couché de bonne heure et ne m’en suis pas pour autant levé le lendemain dès l’aube à l’heure où blanchit la campagne. Oui, je peux donc vous comprendre ô fainéants dans la vallée fertile de la couette en pur coton biologique garantie commerce équitable et rembourrée de poils de Paresseux d’Amérique tropicale (recueillis un à un à la main avec un peigne en buis d’Oyonnax), que vous soyez best-sellers mondiaux ou plumitifs de sous-préfectures, allez, je ne vous hais point, vous qui ne fûtes et ne serez jamais des écrivains du matin.
Ah, ça oui, il en faut de bonnes raisons de se lever pour assumer la condition d’auteur et se dire chaque jour en tombant du lit du pied gauche : « s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là car autant que ce soit moi plutôt que vous, chers confrères. » Si une aussi mauvaise pensée peut vous donner du courage, n’hésitez point à vous en imprégner, quitte à la répéter dix fois à voix haute devant ce miroir qui ressemble à une photo de vous prise juste avant votre retour tardif ou matinal de quelque bamboche. De toute façon, à cette heure et dans cet état, soir ou matin ne sont que de vagues notions sans importance si vous les comparez à la seule et dure réalité, cette malédiction qui condamne le genre humain à se lever en sachant que ce sera pour finir un jour ou l’autre couché pour l’éternité.
Bien avant cette prise de conscience définitive, lorsque je fréquentais l’école primaire, j’avais déjà de ces réveils difficiles et je ne devais pas être le seul puisque l’institutrice, après la prière, éprouvait le besoin de nous faire chanter ce couplet : « hop, dès le matin lève-toi, lève-toi ah ! Hop, dès le matin lève-toi gaiement... » rengaine que j’aurais pour ma part volontiers transformée en : « hop, dès la récré lève-toi, lève-toi ah ! Hop, dès la sortie lève-toi gaiement... » Vous me saurez gré, frères et sœurs hypersomniaques, de vous faire grâce de la suite de cette chanson dans laquelle il est question de petits lapins et de toutes sortes de bestioles inexplicablement heureuses de sortir de leurs terriers dès potron-minet.
Cependant, si vous insistez, grands procrastinateurs devant l’Éternel, je peux toujours vous conseiller de moduler bien haut ce refrain dès votre réveil pour vous encourager à retrouver l’héroïque position verticale. J’ai quant à moi renoncé à ces vocalises en raison des miaulements déchirants qu’elles inspiraient, les soirs de pleine lune et, il faut le dire même en plein jour, à Sir Alfred, le matou de mon voisin. C’est que j’aime beaucoup les chats et les animaux en général. Jamais je ne ferais de mal à un animal. À un être humain, peut-être, mais pas à un animal.
Ceci dit, revenons à ces moutons que nous autres, gros dormeurs, n’avons jamais besoin de compter pour glisser dans les bras de Morphée dont il nous faut pourtant nous échapper pour écrire nos livres et, hélas, nous astreindre à toutes les misérables activités alimentaires destinées à entretenir cette danseuse qu’est la littérature ou, pire encore, la poésie. Croyez-vous en effet sérieusement, chers lymphatiques, que le projet d’envoyer des manuscrits à des éditeurs qui n’ont rien demandé puisse suffire à vous faire abandonner vos draps soyeux ? Me diriez-vous les yeux dans les yeux, poètes, que la déprimante perspective de proposer des recueils à des éditeurs de poésie puisse vous inspirer autre chose que le désir de vous faire prescrire deux ou trois de ces bonnes vieilles cures de sommeil à la Villa Lysanxia réputée pour la sérénité de ses grandes chambres blanches aux murs capitonnés ?
Ah, tenez, je ne saurais trop vous recommander d’abandonner toutes ces chimères et de ne plus vous concentrer que sur votre œuvre, que sur ce grand livre à écrire debout au pupitre et non vautré sur l’édredon ou dans les coussins comme mon voisin auteur d’un unique best-seller dont il se vante auprès des journalistes d’avoir produit chaque page au lit. Depuis, il a certes gardé l’habitude de la sieste mais perdu pour toujours celle d’écrire. Je peux aussi vous parler d’un autre cas d’auteur campagnard adepte de la rédaction en chambre.
Un jour que sa boîte aux lettres avait explosé sous la pression des prospectus, ses voisins décidèrent de lui rendre visite pour prendre de ses nouvelles, ce qu’aucun éditeur, je le souligne au passage, n’avait malheureusement songé à faire. Eh bien, vous allez rire, il était mort depuis quinze jours. Non, je plaisante. En réalité, les voisins le trouvèrent au lit avec son ordinateur et fort contrarié d’être dérangé par cette bande d’illettrés qui n’avaient qu’à s’occuper de leurs affaires. C’est en effet bien la peine de s’installer à la campagne si l’on ne peut même plus se faire oublier tranquille.

Extrait de TU ÉCRIS TOUJOURS ? (FEUILLETON D’UN ÉCRIVAIN DE CAMPAGNE). Précédents épisodes parus en volume aux éditions Le Pont du Change, Lyon.magazine des livres,feuilleton,tu écris toujours ?,lafont presse,christian cottet-emard,blog littéraire,humour,éditions le pont du change,écrivain,édition,écriture,littérature,paris,lyon,tabloïd,presse 
Cet épisode est paru dans le Magazine des Livres n°29. (Couverture ci-contre)
La suite du feuilleton dans Le Magazine des Livres n°30 (mai 2011)  qui vient de sortir en kiosques.


        

06 juin 2009

Tu écris toujours ? (50)


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aux écrivains qui s’installent à la campagne

Les villes connaissent un tel développement qu’on finit par y rencontrer trop d’êtres humains. Le contact humain est comme toutes les bonnes choses, il ne faut point en abuser. Aussi avez-vous décidé d’écrire à la campagne. Bien, mais n’oubliez pas que les êtres humains peuplent aussi les zones rurales. Vous pourriez en croiser un lors de vos promenades, y compris dans les forêts les plus profondes.

Lors d’une rencontre inopinée avec un autochtone, préférez le classique « bonjour » au problématique « holà mon brave ! » peu prisé des ruraux du 21ème siècle et encore moins des néo-ruraux, vous savez, les citadins en rupture qui construisent à côté de leurs fermes rénovées des yourtes, des wigwams ou des tipis pour y animer des stages avec hébergement Feng shui tels que Développement personnel et lombriculture, Tondre la chèvre angora ou Reconnaître une  empreinte de dinosaure. Si l’autre promeneur ne vous a pas détecté, vous pouvez toujours vous carapater dans un taillis ou vous dissimuler derrière un buisson mais j’attire votre attention sur les risques d’une telle stratégie en période de chasse, surtout si vous avez jugé opportun d’étrenner ce jour-là Loden et chapeau tyrolien à plume. La vie à la campagne ne nécessite pas d’habit particulier mais ce n’est pas une raison pour survoler tout nu le potager comme des néo-ruraux de ma connaissance qui proposent un stage Accro-branche et sauna finlandais. N’en rajoutez pas trop dans l’élégance rustique. Le costume de tweed n’est pas indispensable, au comptoir de la supérette locale, à l’achat d’une baguette, d’une bouteille de rouge et d’un fromage surpris en flagrant délit de tentative d’évasion. Misez plutôt sur de bonnes chaussures adaptées aux longues soirées d’hiver pour lesquelles je recommande medium_clubdespantouflardslyon.JPGles pantoufles à motifs écossais de la marque J’y vais (100 % laine avec semelles antidérapantes) bien que les dérapages en pantoufles soient assez rares. À la campagne, la tentation est grande de chausser les pantoufles en permanence. Si vous avez tendance à les porter même pour les courses à la supérette, reprenez-vous tant qu’il est encore temps. Peut-être avez-vous besoin de vacances en ville ?

Venons en maintenant aux problèmes de voisinage auxquels vous pouvez être confronté car le voisin est une espèce humaine si répandue qu’il a conquis même les territoires les plus reculés avec, évidemment, une prédilection pour votre espace vital personnel. Ces problèmes portent le plus souvent sur des aspects triviaux de l’existence que je m’excuse par avance d’avoir à traiter dans une aussi littéraire, estimable et distinguée publication que ce magazine.

Ainsi que cela se produit aussi en ville, les animaux de compagnie sont à l’origine des tensions les plus fréquentes mais la vie en zone rurale doit vous conduire à une plus grande circonspection. ece1e10e22a07e6021d0e110.L._AA240_-1.jpgPar exemple, dans le cas d’une pollution organique de votre pelouse, avant d’accuser votre voisin le plus proche, je veux dire l’animal domestique de votre voisin, inspectez avec attention l’objet du délit dont le coupable n’est peut-être qu’une bête sauvage. Pour l’identifier, je ne connais pas de meilleur ouvrage que le Guide des traces d’animaux de messieurs Preben Bang et Preben Dahlström (éditions Delachaux & Niestlé) que vous ouvrirez en dehors des heures de repas aux chapitres intitulés « Laissées, crottes et fientes » et « pelotes de réjection » comportant des doubles pages  avec des illustrations grandeur nature.

Puisque nous évoquons les animaux, admettons une fois pour toutes que l’auteur campagnard n’a pas obligatoirement besoin d’un chien. Si vous tenez absolument à vous faire photographier en compagnie d’une de ces créatures en vue de la publication de votre portrait dans le hors-série Écrivains et terroirs d’un célèbre magazine animalier, empruntez ou louez le canidé. C’est ce qu’avait fait mon proche voisin, jadis auteur à succès, qui s’était ainsi entiché après usage d’un Saint-Bernard excessivement baveux dont les vieux jours furent gâchés par l’arrivée à la maison du chat Sir Alfred. Je pense que la principale qualité du Saint-Bernard se limite au tonnelet d’eau de vie qu’on lui attachait au collier dans le bon vieux temps. On doit pouvoir aisément se procurer le tonnelet sans le Saint-Bernard.

La campagne, source d’inspiration ? Voyez les réactions de votre éditeur. S’il ne donne plus signe de vie depuis l’envoi de vos nouveaux manuscrits (un recueil de poèmes intitulé Le Vieux biniou, une monographie traitant du hameau de Corneille-en-Désert après l’exode rural et une biographie du justement méconnu Aimé Duchemin, poète à ses heures et rien de spécial le reste du temps), posez-vous la question.

 

couv-mdl16-hdef.jpgExtrait de Tu ÉCRIS TOUJOURS ? (FEUILLETON D’UN ÉCRIVAIN DE CAMPAGNE). (Cet épisode a été publié dans le Magazine des livres n°16, mai 2009. La suite du feuilleton Tu écris toujours ? dans le n°17, juin 2009, actuellement en kiosques).

26 août 2008

Un pas en avant, deux en arrière

ciseaux.JPGRetour sur certains labours laissés depuis quelques temps en jachères. J’avais vite et bien débuté avec une bonne centaine de feuillets pour chaque manuscrit. Passé la journée à couper et à tailler. Résultat, plus de trente feuillets écrits dans la douleur supprimés mais un blocage surmonté. L’écriture demande beaucoup de travail mais n’aime pas ce qui est laborieux. Aujourd’hui en reculant, je peux dire que j’ai bien avancé. Heureusement que je suis mon propre patron en ce domaine. Comment faire comprendre cela à une hiérarchie ?