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08 mars 2018

Septième poème du bois de chauffage

En mauvaise lune

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J’ai pensé que mon bois avait été coupé en mauvaise lune

 

En y songeant dans la voiture j’étais mal luné

 

J’ai aboyé contre un bénévole fluorescent qui bloquait la circulation à cause d’une course cycliste vous n’aviez qu’à partir plus tôt m’a-t-il répondu en m’expliquant par où je devais passer pour faire un détour de vingt kilomètres

 

Je lui ai répondu que je n’avais pas besoin d’un dessin car j’étais d’ici On dirait pas a-t-il sifflé à quoi j’ai rétorqué je le prends comme un compliment

 

Cet incident m’a au moins montré pourquoi je ne serai jamais un auteur local authentique

 

Parce que ce genre de type ne gueule pas contre les courses cyclistes et ne se fait pas refiler du bois coupé en mauvaise lune

 

Photo : la lune à ma fenêtre, récemment.

© Éditions Orage-Lagune-Express, 2018 

 

 

05 mars 2018

Patrick Dubost en lecture à la médiathèque d’Oyonnax

Auteur d’une vingtaine de livres de poésie et habitué des lectures en scène, Patrick Dubost est l’invité de la médiathèque municipale d’Oyonnax au centre culturel Aragon vendredi 29 mars 2018 à 20h (entrée libre en fonction des places disponibles). Il propose, dans le cadre du printemps des poètes, une lecture poétique intitulée Manisfeste pour habiter la lune.

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Premier plan : Roland Tixier. Deuxième plan de droite à gauche : Patrick Dubost et moi. Arrière-plan : de droite à gauche : Jean-Jacques Nuel et Frédérick Houdaer après la Scène poétique du 12 mai 2010 à Lyon

 

Patrick Dubost est un des premiers à m’avoir publié lorsque j’avais une vingtaine d’années, notamment dans le cinquième numéro de sa revue de poésie qui portait un nom d’étoile, Fomalhaut. Je me souviens aussi, dans ces mêmes années 80, d’une journée littéraire qu’il avait organisée en Beaujolais dans une belle maison de maître où j’avais rencontré entre autres poètes Roland Tixier.

 

Bien des années plus tard, en mai 2010, Patrick Dubost m’avait invité à lire mes textes à son fameux cycle de la Scène poétique à l’époque où celle-ci avait lieu à la bibliothèque de la Part-Dieu à Lyon. J’en garde un très bon souvenir (organisation professionnelle, contrat de travail, affiches, tracts et information dans Topo, le magazine de la bibliothèque). Les lectures de la Scène poétique étant enregistrées et archivées, il existe une vidéo de ma lecture qui se balade sur internet mais je n’en fais pas la publicité car je trouve ma prestation très mauvaise, notamment à cause de mon affreux accent d’Oyonnax.

 

Patrick Dubost a quant à lui une belle présence sur scène, acquise au cours des nombreuses années à pratiquer cet art difficile de faire passer, comme le disait Jean Tardieu, le mur du son à la poésie.

 

21 février 2018

JEAN PÉROL, L'INFINI VA BIENTÔT FINIR, poèmes, éditions La rumeur libre, décembre 2017, 136 pages, 16 €.

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sur son vélo au bruit de vent

il fuit toujours vers ses vallées

au fort soleil de ses torrents !

 

Ces quatre vers lumineux et rapides de la dernière strophe de Torrents, l’un des poèmes qui arrivent en fin du récent recueil L’Infini va bientôt finir (éditions La rumeur libre) me semblent au mieux caractériser, pour qui n’aurait pas encore la chance de la connaître, la poésie de Jean Pérol. Peu importe à quels plis du temps et à quelle ligne d’horizon appartient celui qui file sur sa machine / parmi ses peurs et ses forêts.

Acteur ébloui de jeunesse ou narrateur que l’âge tourmente, ce personnage à vélo traversait déjà  les paysages de la précédente brassée de poèmes parue chez Gallimard en 2012, Libre livre. Pour nostalgique qu’elle soit, surtout dans le présent opus composé comme un lamento en cinq chants sur l’ombre du grand âge, l’image du jeune homme à vélo sur les chemins de traverse symbolise l’œuvre poétique et romanesque de celui que Claude Michel Cluny considère comme l’un des meilleurs poètes contemporains.

Engagé dans la vie mais non embrigadé, voyageur mais non sans racines, Jean Pérol a connu les courants des idées et de la création sans se laisser emporter par l’un d’eux. C’est sans doute ce qui peut le rendre si proche à qui le lit aujourd’hui et le lira demain comme un poète certes exigeant mais populaire au sens noble du terme.

Chacun de ses poèmes est une expérience qui peut être intimement partagée parce qu’elle va, comme toutes les grandes œuvres, du particulier à l’universel, y compris dans cet Infini qui va bientôt finir presque toujours écrit à l’encre vraiment très noire quand il évoque les coupeurs de têtes d’hier et d’aujourd’hui (perruque blanche ou barbe noire). Ils peuvent s’embrasser sur la bouche / leurs salives / ont le même goût fétide des vieux sanguinaires écrit-il dans le poème Justiciers qui commence par le nom de Robespierre et continue par ce mot hélas de notre actualité djihadiste.

Depuis son âge et sa campagne qui ne sont pas pour autant des tours d’ivoire, le poète trouve encore un peu de réconfort : passe le vent dans ma prairie / loin des footeux loin des maffieux / j’ai pour tableaux les plus grands cieux. Cependant le paysage, toujours très présent dans la poésie de Jean Pérol, ne fait pas l’économie du trivial contemporain : Passent et passent les joggeurs / lent cinéma de leur supplice / sous leurs baskets les allées crissent / le long des grilles qui les gardent. {...} venus prouver que sans blabla / ils ne font pas que de bouffer / que leur grand ventre reste plat / et qu’au bureau ça va cheffer.

Malgré l’ironie sombre au fil des pages, soulignée par l’emploi de la forme fixe et de la rime, (C’est par la rime et l’assonance / que vient se dire un jour le monde / par la rythmique et la cadence / qu’une parole un jour se fonde / c’est par le son uni au sens / c’est par la règle et c’est par l’ordre / que sur l’absurde on saura mordre / que se dégage enfin l’essence ) L’Infini va bientôt finir s’inscrit dans le grand élan vital des autres recueils. Le désespoir en embuscade ne peut vieillir cette poésie qui, comme Jean Pérol me le dit dans sa dédicace, continue de vouloir bouger...