08 mai 2012
Carnet de la gauche et de la droite
Arrivé très en avance à l’audition d’orgue et de chant dimanche 6 mai à Châtillon, j’ai déjeuné d’une chiffonnade de jambon cru et d’un verre de Valpolicella près de l’église Saint André, flâné sur les rives de la Chalaronne en grignotant du chocolat, fumé un Partagas Mille Fleurs et écouté des œuvres de Charpentier, Monteverdi, Dandrieu et Bach.
Au retour, dans le soir ensoleillé sur les petites routes de Bresse, j’ai été surpris de constater que parmi tous les arbres ayant revêtu leur feuillage, les frênes sont aussi en retard que dans ma campagne du haut-Jura où ils commencent à peine à déployer quelques prudentes folioles. Bien que les frênes attendent parfois juin pour s’habiller, je trouve étrange que ceux de la Bresse présentent le même dépouillement que leurs semblables jurassiens alors qu’on peut observer plusieurs semaines de décalage entre « les printemps » de ces deux régions.
En allumant la télévision dès mon retour à la maison, j’ai vu apparaître le portrait du nouveau Président de la République. Je n’attends rien de plus de cet épisode que de celui du 10 mai 1981, date à laquelle je m’étais égaré dans la foule parisienne en liesse alors que je tentais de rentrer dans ma province après une semaine de stage au salon du livre ou de la papeterie, je ne sais plus. Je me souviens juste de nos équipées sauvages dans les allées de ces deux salons, avec certains camarades de promotion de l’Institut de Promotion Commerciale, d’où nous avions fini par nous faire signaler en tant que personæ non gratæ, malgré nos revers fièrement badgés, en raison de notre énergie à collecter des sacs remplis à ras bord « d’échantillons » pour un usage qu’on devinait plus personnel que professionnel.
Avec mon plateau télé, pour échapper à la logorrhée des journalistes, des notables et des piégés au micro-trottoir, je me suis régalé d’Hibernatus, film opportunément choisi par la troisième chaîne pour illustrer le proche destin de l’ancien Président et de toute sa bande.
La politique étant presque hors-sujet dans ces carnets, je n’ai qu’une image fugace à retenir de ce soir d’élection télévisé, celle d’une très jeune femme n’ayant connu que la droite au pouvoir et qui exprime son espoir, ce qui est bien normal, après la victoire de François Hollande. Elle me rappelle une étudiante née en 1981 qui, voici quelques années, m’avait confié son vote par procuration et qui m’avait déclaré tout net éprouver de l’espoir après n’avoir rien connu d’autre que le règne de Mitterrand. Lors de ce scrutin, j’avais fait cette curieuse expérience d'arriver au bureau de vote avec un bulletin pour la gauche (le mien) et un bulletin pour la droite.
Comme beaucoup de monde, je place quant à moi depuis longtemps mes espoirs ailleurs qu’en politique même si je me réjouis de constater que la droite et sa vision désespérante de la vie consistant à ne voir en chaque individu que le concurrent de l’autre (comme dans le sport) peut encore chuter lorsqu’elle tire trop sur la corde. Comment cette droite-là peut-elle en effet demander sans cesse à la classe moyenne qui rétrécit, aux populations qui se précarisent et aux jeunes de plus en plus fauchés de se serrer la ceinture, de consentir à toujours plus « d’efforts » et de « sacrifices » alors que le marché du grand luxe ne connaît pas la crise et qu’il ne s’est jamais vendu autant de yachts ? N’est-ce pas cette simple question qui, à l’avenir, plus que tout le verbiage des analystes politiques, peut nous permettre, espérons-le, de distinguer encore notre gauche de notre droite ?
02:18 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : droite, gauche, carnet, politique, élection, élection présidentielle, scrutin, françois hollande, frêne, chatillon sur chalaronne, bulletin, vote, ain, jura, rhône-alpes, orgue, chant, charpentier, monteverdi, bach, dandrieu, chocolat, partagas, cigare, mille fleurs, chiffonnade, jambon, valpolicella, vin, mitterrand, 10 mai 81, 6 mai 2012, blog littéraire de christian cottet-emard
21 septembre 2011
Tu écris toujours ? (67)
La suite de mon feuilleton Tu écris toujours ? vient de paraître dans le bimestriel Le Magazine des livres n°32 (septembre/octobre 2011) actuellement en kiosques. Titre de cet épisode illustré par le dessinateur Miège : Conseils aux écrivains qui ont des problèmes.
Précédents épisodes parus en volume aux éditions Le Pont du Change à Lyon (Un recueil de 96 pages, format 11 x 18 cm. 13 € port compris. ISBN 978-2-9534259-1-8). En vente aux éditions Le Pont du Change, 161 rue Paul Bert, 69003 Lyon. BON DE COMMANDE
21:30 Publié dans FEUILLETON : tu écris toujours ? | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : feuilleton, tu écris toujours ?, christian cottet-emard, littérature, humour, lafont presse, écrivain, auteur, magazine des livres, éditions le pont du change, lyon, paris, voisin, fête des voisins, cyclisme, vélo, véloyo, cafard, babarotte, sardine, suisse, coucou, chocolat, banque, e330, chips, bière, mouche, tartiflette, ordinateur
16 septembre 2011
Tu écris toujours ? (66)
Conseils aux écrivains gênés par les voisins
Cher
Vous m’écrivez cet Emile dans lequel vous m’informez de votre désolante découverte dans votre boîte aux lettres : une invitation à la fête des voisins.
Comme je comprends votre fureur d’être obligé, en prévision de ce jour funeste, de descendre relever votre courrier à deux heures du matin puis de vous barricader jusqu'à ce qu’il ne reste plus de cette kermesse qu’un local à poubelles saturé de sachets de chips, de gobelets en plastique, de flacons de E330 et de canettes de bières. J’ai bien de la chance, me dites-vous, d’habiter dans une campagne avec pour seuls voisins quelques sangliers de la même humeur que vous et moi lorsque nous sommes dérangés dans nos écritures. Je dois pourtant placer un bémol sur la partition de votre bucolique vision de l’habitat rural. Des voisins, ma campagne en est aussi infestée que votre grande ville, la seule différence étant leur répartition dans l’espace et leurs habitudes. Sachez qu’au moment où je tape ces lignes, j’ai aussi tapé pour la vingtième fois sur la mouche qui vient déposer ses déjections sur mon ordinateur. Pour l’instant, elle est indemne mais pas mon ordinateur. Savez-vous d’où vient cette mouche ? Comme vous l’aurez compris j’emploie ici un singulier qui désigne aussi l’infâme multitude de ces petites sœurs avec lesquelles elle copule frénétiquement jusque sur la pointe de mon nez. Eh bien cette mouche est la conséquence directe des activités de mes voisins agriculteurs qui répandent au printemps dans les champs le fumier produit tout l’hiver en circuit fermé par leurs bovins. Dès les beaux jours, le troupeau s’esbaudit es champs comme dit Rabelais et c’est reparti pour notre malheureuse couche d’ozone mitée en musique, pour peu qu’il y ait des clochettes, par les flatulences de ces ruminants. Vous me rétorquerez que le même phénomène peut se produire pendant la fête des voisins à ceci près que les vaches, elles au moins, donnent du lait.
Allons ! Foin des vaches et des diptères qui me donnent au moins l’illusion d’être un auteur suisse (j’ai toujours rêvé d’être un auteur suisse, premièrement parce que ça fait chic et deuxièmement à cause de tout ce que je n’ai pas, à savoir, un compte dans une banque de Genève, l’heure exacte, un coucou qui sort de sa mansarde pour me la donner et du chocolat sans lécithine de soja et sans arôme de vanille.
Nous en étions donc à comparer les nuisances occasionnées par nos voisins urbains et ruraux. Ainsi que vous le soulignez vous-même dans votre message, vos voisins ont une fâcheuse tendance à devenir les miens lorsqu’ils se paient des vacances au vert voire une ancienne écurie à transformer en résidence secondaire. Même s’ils ont, Dieu merci (ou plutôt merci mon aïeul qui a bien choisi les terres où je me suis réfugié) peu de chance de m’infliger de la mitoyenneté, je peux hélas les voir longer mon tas de bois lorsqu’ils se promènent le dimanche, la panse repue de tartiflette en se prenant pour Paul-Émile Victor parce qu’ils ont dépensé tout leurs sous pour s’équiper chez Gogosport au lieu d’acheter nos livres, les mufles. Et je ne vous parle pas du vététiste au derrière turquoise ou mauve fluo cloné à des millions d’exemplaires qui compromet sans cesse la chasse à la taupe du matou Sir Alfred, en poste depuis une heure devant la taupinière dans l’attente d’en voir émerger un museau qui disparaît aussitôt parce qu’un peloton de ces fessus choisit ce moment pour surgir.
Ne croyez surtout pas que nous retrouvons notre tranquillité, Sir Alfred et moi-même, lorsque ces voisins d’un week-end ont fermé les persiennes de leur pittoresque maisonnette pour ouvrir les volets de leur appartement situé dans l’immeuble où vous organisez la résistance contre la prochaine kermesse de palier. Même si l’essentiel de mon espace vital est protégé, mes voisins permanents éprouvent la constante tentation d’en franchir les limites. Vous le savez, le voisin est une espèce grégaire et invasive qui menace gravement la nôtre, celle des auteurs à ne pas déranger. Une de mes parades les plus efficaces contre ces fâcheux est la sardine grillée dont une très faible quantité dégage un épais panache odorant provoquant en un rien de temps la fermeture de toutes les fenêtres ennemies dans un rayon d’un kilomètre. Puisque je ne peux guère vous conseiller cette arme de dissuasion sans grand effet dans votre immeuble, je vous recommande l’utilisation d’un autre animal, la babarotte, vous savez, ce gros cafard dont les légions tourmentent le narrateur du petit Chose d’Alphonse Daudet. Vous en disposez une dans un bocal et vous allez sonner chez vos voisins en prenant un air étonné et en leur demandant s’ils connaissent le nom de cette bestiole que vous avez capturée dans votre salle de bains. Ça les éloignera.
Extrait de TU ÉCRIS TOUJOURS ? (FEUILLETON D’UN ÉCRIVAIN DE CAMPAGNE). Cet épisode est paru dans Le Magazine des livres n°31 (juillet/août 2011), illustré par le dessinateur Miège. Précédents épisodes parus en volume aux éditions Le Pont du Change à Lyon (Un recueil de 96 pages, format 11 x 18 cm. 13 € port compris. ISBN 978-2-9534259-1-8). En vente aux éditions Le Pont du Change, 161 rue Paul Bert, 69003 Lyon. BON DE COMMANDE
Suite de mon feuilleton dans le Magazine des Livres n°32 qui vient de sortir dans les kiosques.
Photo déguisement cafard empruntée ICI
23:51 Publié dans FEUILLETON : tu écris toujours ? | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : feuilleton, tu écris toujours ?, christian cottet-emard, littérature, humour, lafont presse, écrivain, auteur, magazine des livres, éditions le pont du change, lyon, paris, voisin, fête des voisins, cyclisme, vélo, véloyo, cafard, babarotte, sardine, suisse, coucou, chocolat, banque, e330, chips, bière, mouche, tartiflette, ordinateur