12 juin 2010
Carnet des notes
Bien que peu enclin aux déplacements, j’ai plutôt sillonné les routes ces temps-ci. Le 31 mai dernier, ce fut d’abord en réponse à une invitation de Christian Lux qui anime sur Radio Tropiques son « Bazar culturel » où il m’a très gentiment reçu en compagnie de Marie-Ella Stellfeld pour présenter mon petit dernier, Tu écris toujours ? paru aux éditions Le Pont du Change.
Juin étant souvent un mois assez chargé dans les affaires familiales, je n’ai guère la concentration nécessaire à la lecture, c’est donc la musique qui m’aide à ne pas trop me disperser, notamment celle d’Aaron Copland (1900-1990) de qui j’écoute en ce moment la deuxième symphonie (Short Symphony) dans un enregistrement Naxos avec Marin Alsop à la direction du Bournemouth Symphony Orchestra. Cela me change radicalement de sa monumentale troisième, découverte il y a plusieurs années. Mais je ne me contente pas seulement de musique en conserve.
En effet, mercredi 9 juin en accompagnant ma fille à sa classe de maître d’orgue avec Benjamin Alard à Orgelet où se trouve en l’église Notre-Dame un étonnant petit orgue du dix-septième, j’ai pu bénéficier de beaux moments musicaux, suivis le lendemain 10 juin par un superbe concert à Longchaumois par cet organiste titulaire de l’orgue de l’église de Saint-Louis-en-l’Ile qui jouait ce soir-là à deux clavecins en compagnie d’Elisabeth Joyé à l’église Saint-Jean-Baptiste. Il y a quelques années, j’avais assisté à un concert inoubliable en cette même église de Longchaumois, ce fameux soir où la claveciniste Blandine Rannou avait joué aux chandelles après avoir donné elle aussi une classe de maître à laquelle ma fille avait participé, grâce à l’enseignement de premier ordre que reçoivent les élèves au Conservatoire d’Oyonnax. Ce samedi matin, dans quelques heures, j'aurai mon petit concert personnel à l'abbatiale Saint Michel de Nantua où ma fille répétera à la tribune de l'orgue Nicolas-Antoine Lété en vue de sa prochaine prestation à la fête de la musique *. Ce soir, j’irai écouter les Sacqueboutiers de Toulouse et l’ensemble Ludus Modalis qui donneront Les Vêpres de la Vierge de Claudio Monterverdi à la cathédrale de Saint-Claude. Tous les concerts dont je parle ici, excepté celui de Nantua, sont ceux du Festival de Musique du Haut-Jura qui fête cette année son vingt-cinquième anniversaire. Un bel âge et une longévité à la mesure de la richesse de ce festival.
À part ça, en jetant un coup d'œil par la fenêtre en cette nuit orageuse, j'aurais pu dire qu'il fait un temps de chien mais j'ai tendance à ne plus trouver de sens à cette expression puisque depuis quelques années, je me surprends à aimer tous les temps, même ce qu'on appelle à tort le « mauvais temps » , cette pluie joyeuse au parfum d'herbe et de feuillage qui est aussi un bonheur de la vie.
* Prochain concert organisé par les Amis de l’orgue de Nantua : dimanche 20 juin 2010 à 17h, fête de la musique, orgue et bande de hautbois par Véronique Rougier, Olivier Leguay, Laurent Boutaine et les élèves du Conservatoire à Rayonnement Départemental d’Oyonnax. Visite de l’orgue historique à 18h. Entrée libre.
Photo : Aaron Copland (veste à rayures) et Leonard Bernstein
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27 avril 2010
Carnet du deuxième printemps
Personne ne semble moins fait que moi pour vivre à la campagne où l’on est toujours contraint d’effectuer un minimum de menus travaux. Ces tâches me sont pénibles car mon manque d’habileté manuelle me les rend aussi dangereuses. Je ne peux guère utiliser un outil ou une machine sans les détraquer voire les casser, et je ne parle pas du risque de me blesser de la manière à la fois la plus idiote et la plus complexe qui soit, même en brisant d’un coup de talon des branches sèches pour la réserve de petit bois. N’étant pas vacciné contre le tétanos, j’ai toujours à portée de main un flacon d’eau oxygénée dont je vide la moitié sur la moindre plaie, sur la moindre écorchure. Gare à la rupture de stock ! Enfin, il y a toujours le bar et ses alcools...
Et c’est pourtant là, dans cette campagne, que je suis heureux, loin de la ville et de sa compétition. Juste derrière chez moi, où plus aucune maison n’est visible, je ne vois que les grands frênes et des vallonnements qui s’emboîtent jusqu’aux prochains plis du Jura. Toutes les créatures qui se croisent ici se craignent entre elles et me craignent. Il en résulte un équilibre, une sorte de pacte de non agression qui est de l’intérêt de chacun. Même situation avec les voisins. Personne n’a intérêt à trop de proximité et cette absence de promiscuité crée une entente tacite, une distance polie que j’apprécie. Seul le gros chat semi-sauvage qui a adopté la propriété vient à ma rencontre si je l’appelle mais c’est parce que je le nourris. C’est ainsi que je suis heureux ici comme je ne pourrais plus l’être en ville. Suffisamment heureux pour risquer d’arrêter d’écrire ? Non, car on n’est jamais assez heureux.
Avant que ne se déclenche le deuxième printemps, somptueux, celui des fleurs des fruitiers et des haies, celui qui succède au printemps discret des jardiniers, celui de la primevère et de la violette, j’ai vécu une étrange période durant laquelle j’ai dû organiser les obsèques d’une personne de ma connaissance. J’en ai ressenti un malaise accentué par le choix de ses proches en faveur de la crémation que je considère comme une pratique totalement étrangère à notre culture occidentale. Même si je respecte ce choix, je n’arrive pas à comprendre que cette idée s’impose de plus en plus dans les esprits. J’espère en tous cas, pour ma part, que la providence me laissera encore assez de temps pour organiser mes funérailles de telle manière que ma dépouille ne s’embrase pas dans un four « performant » ainsi que l’employée des pompes funèbres me l’a décrit, mais repose dans un caveau dans le petit cimetière du village. Je suis allé voir les prix et cela reste abordable. Tous mes chers défunts sont dans des tombes et des caveaux dont certains remontent au dix-neuvième siècle et j’aimerais bien qu’il en soit de même pour moi le moment venu. Finir dans une machine (encore une) et « performante » de surcroît, non vraiment, très peu pour moi.
Fermons cette parenthèse et revenons à ce printemps qui me permet aussi de voyager dans le temps. En effet, en petite montagne, les lilas pointent à peine leurs feuilles et leurs fleurs en enfance alors qu’en plaine, ils sont déjà bien épanouis et odorants. Ainsi ai-je l’impression, en remontant dans ma campagne après quelques courses en ville, de remonter aussi le cours du temps. « Notre besoin de consolation est impossible à rassasier » écrit Stig Dagerman...
Photo : lune du matin dans les frênes (photo C.C-E)
02:53 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : carnet, journal, printemps, ville, campagne, crémation, obsèques, lilas, stig dagerman, blog littéraire, lune, matin
04 décembre 2009
Carnet de la première neige
Peut-être un peu plus futée ou chanceuse que ses pauvres congénères,
la poule faisane a élu domicile dans les hautes herbes derrière la maison durant la période de chasse. Elle est grassouillette, gracieuse et ne semble pas craindre grand-chose des chats mendiants que je ne peux pas m’empêcher de nourrir, une minette aussi élégante que peureuse et un matou d’un certain âge, dominant redoutable, énorme, glouton, mais débonnaire à mon égard. L’autre jour, la minette m’a filé un coup de patte. Elle m’avait pourtant bien fait comprendre que la distance entre nous ne devait pas être inférieure à cinquante centimètres. Avertissement reçu cinq sur cinq.
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J’entends parfois des gens se plaindre d’avoir « raté leur vie » . Comment peut-on rater (ou réussir, d’ailleurs) quelque chose que l’on n’a pas entrepris ? Je me suis quant à moi senti beaucoup plus léger le jour où j’ai réalisé qu’en ce monde, les mots échec ou réussite n’étaient que du jargon de capitaine d’industrie.
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Matin blanc. Je lève les yeux de mon bol de café pour regarder à travers les vitres le grand nuage envelopper la maison, la petite route, et, dans quelques secondes, le clocher. Que demander de plus ?
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L’œuvre du compositeur britannique Ralph Vaughan Williams (1872-1958) me tenait à distance depuis de nombreuses années, comme s’il me manquait une clef pour y entrer. J’ai trouvé cette clef en écoutant ces dernières semaines sa très élégiaque et majestueuse Norfolk Rhapsody. En avant pour ses dix symphonies dont je ne connais que la quatrième.
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Le jour de la première neige, la poule faisane s’est approchée de la maison et n’a rien trouvé de mieux à faire que de sortir du pré puis de longer la route en direction du village. Les chasseurs n’ont certes plus le droit de la flinguer mais si peu de temps avant Noël, le risque d’enlèvement paraît sérieux. J’hésitais entre chanceuse et futée. Elle n’était que chanceuse, très provisoirement.
Photo : la poulette faisane photographiée depuis la fenêtre... de la cuisine.
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