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18 octobre 2022

Feuilles mortes et pages décollées

(Une nouvelle extraite de mon recueil Mariage d'automne, nouvelle édition reliée)

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Dans l’automne joyeux et futile de la grande ville, Suzanne ajusta le col de son trench, vérifia le résultat sur son reflet dans une vitrine et se mêla à la foule qui entrait à la Fnac. Au rayon Littérature, elle feuilleta quelques nouveautés qu’elle reposa sur leurs piles respectives. Son regard s’arrêta sur un nom qui la projeta vingt-cinq ans dans le passé. Elle lut rapidement la quatrième de couverture d’un roman dont l’intrigue lui parut insignifiante et en conclut que l’auteur ne pouvait pas être Charles. À l’époque de sa rencontre avec lui au cours d’une soirée d’étudiants, Charles publiait à grand peine quelques poèmes dans des revues confidentielles. En souvenir de lui, elle avait conservé au fond d’un tiroir une plaquette éditée à compte d’auteur. Un jour, elle avait emporté ce recueil à la plage. Le soleil avait fragilisé la reliure de mauvaise qualité et provoqué le décollement de plusieurs pages. Avant de reposer le roman sur la table des meilleures ventes, Suzanne chercha tout de même une notice biographique dans les premières pages. Finalement, l’auteur était bien Charles.   « Pour-quoi n’écris-tu pas un roman ? » lui avait-elle demandé à force de le voir jeter les lettres de refus des éditeurs à même le sol de leur deux-pièces.

 

Vingt-cinq ans après, Suzanne se reprochait d’avoir posé cette question idiote. Le problème avec Charles, c’est qu’on avait toujours l’impression de lui poser des questions idiotes en évoquant son activité littéraire mais ce travers n’avait guère entamé l’attirance de Suzanne. Charles et son austère veste à chevrons, Charles et son éternel shetland noir à peine rehaussé par le col Mao d’une chemise de coton blanc, Charles avec ses allures de jeune séminariste. À quoi pouvait-il ressembler aujourd’hui ? Ce n’était pas la notice biographique dépourvue de photo qui allait renseigner Suzanne. Elle tenta sa chance avec d’autres romans de Charles, certains en format de poche, mais ne trouva aucune photo. Elle reprit son dernier roman sur la table des meilleures ventes et le lut tard dans la nuit. Écriture paresseuse, intrigue sentimentale ténue, personnages sans grande épaisseur, Suzanne n’arrivait pas à réaliser que cette bluette était l’œuvre de Charles Hansen, le jeune poète qu’elle avait connu. Après deux heures de sommeil, elle se leva et relut la plaquette de poèmes aux pages décollées.

 

Dès le lendemain matin, elle lança une recherche sur internet concernant Charles mais elle n’obtint qu’une liste de pages renvoyant à des sites d’éditeurs et de libraires. Les résumés et les couvertures des romans de Charles s’y succédaient sans interviews ni photos. Elle téléphona au secrétariat du principal éditeur de Charles pour s’entendre dire sans surprise qu’aucun renseignement personnel concernant les auteurs ne pouvait être communiqué. Pour revoir Charles, il ne lui restait pas d’autre piste que sa ville natale, une bourgade nichée dans une vallée du département voisin. Pouvait-il y résider encore ? Suzanne se souvenait de l’aversion de Charles pour les déplacements, notamment professionnels. En tous cas, Charles n’était pas dans l’annuaire. Suzanne eut alors l’idée d’appeler le journal local. Une secrétaire la mit en relation avec un rédacteur. Le localier accepta de communiquer une adresse et un numéro de téléphone. «mais vous perdez votre temps, ce type ne reçoit pas la presse » ajouta-t-il. Suzanne téléphona en fin de matinée et demanda à parler à Charles Hansen. « Pour quel motif ? répondit sèchement une voix de femme âgée. Suzanne hésita.
— Eh bien, je souhaiterais le rencontrer.
— Vous êtes journaliste ?
— Pas du tout, je suis une amie. Puis-je lui parler ?
— Monsieur Hansen ne prend aucun appel direct. Veuillez m’épeler votre nom et me laisser votre numéro de téléphone après quoi vous serez éventuellement rappelée. »

 

Une semaine plus tard, Suzanne trouva un message sur son répondeur. Elle reconnut la voix de femme âgée. «Monsieur Hansen peut vous recevoir jeudi après-midi à partir de 14h. Veuillez confirmer votre visite au plus tard mardi. » Suzanne confirma et demanda l’adresse précise.

 

Dans le rétroviseur, Suzanne vit s’envoler une brassée de feuilles mortes. Elle ralentit brusquement. Elle venait de quitter l’autoroute et roulait maintenant sur une départementale bordée de bouquets de grands hêtres agrippés à flanc de collines. Après une longue ligne droite, elle freina juste à temps pour négocier un virage en épingle à cheveux rendu très glissant par des amas de feuillage humide. En haut d’une côte, la forêt désormais clairsemée cédait la place à des prairies vallonnées obscurcies par un ciel sombre et bas. Un panneau mitraillé par les chasseurs annonçait la ville natale de Charles à une quinzaine de kilomètres. Suzanne n’avait qu’un souvenir médiocre de cette bourgade industrielle sans autre intérêt que la vallée aux pentes recouvertes d’épicéas dans laquelle elle était enclavée. L’idée de revoir Charles après toutes ces années lui paraissait maintenant aussi absurde que celle de faire demi-tour et de rentrer chez elle en jetant la clef du tiroir où elle conservait le recueil de poèmes aux pages décollées.

 

C’est dans cet état d’esprit qu’elle gara la voiture juste devant le numéro 22 inscrit sur la haute façade rénovée d’un immeuble à l’architecture datant du début du vingtième siècle. Suzanne sonna au visiophone incrusté dans un des piliers qui encadraient un étroit portillon dans une grille ouvragée surmontant un fort mur de clôture. Un déclic indiqua l’ouverture et Suzanne marcha dans une courte allée de gravier entre des buissons de buis odorants et très serrés. Elle monta quelques marches aboutissant à un perron protégé par une verrière. Face à une porte massive, elle dut de nouveau sonner et attendre. Un battant s’ouvrit. Une femme vêtue d’un ensemble bordeaux sombre et coiffée d’un chignon gris lui fit répéter son nom. Suzanne reconnut sa voix. La femme au chignon invita Suzanne à s’asseoir dans un petit fauteuil, lui demanda de patienter et s’éloigna. Dans ce hall vaste et clair à la décoration impersonnelle, Suzanne en arrivait à se demander si elle était bien au domicile de l’homme avec qui elle avait vécu quelques mois dans un meublé, le temps de finir ses études. Évidemment, Charles avait dû changer, ce qui était tout à fait normal après un quart de siècle mais décidément, cette maison silencieuse, ce bon goût contemporain, conventionnel, cet accueil guindé et ce Cerbère en chignon, tout cela ne ressemblait pas à Charles pour la simple raison que Charles, comme la plupart des gens après tant d’années, était certainement devenu quelqu’un d’autre et qu’elle n’avait rien à faire ici. «Idiote» pensa-t-elle en attendant le retour du chignon gris.

 

Quelque part, une pendule tinta. Il s’agissait en réalité d’un carillon posé sur un dressoir qui constituait le seul meuble du deuxième hall, plus petit,  que Suzanne traversait maintenant  à la suite  de la femme au chignon. «  Par ici » indiqua-t-elle en ouvrant une porte donnant sur un corridor obscur qui sentait la poussière. le corridor débouchait sur quelques marches.   «  Attention aux escaliers » prévint la femme au chignon en allumant une minuterie. En effet, les marches se terminaient sur un étroit palier d’où partait un escalier en pierre assez raide à descendre. Par une ouverture dans le mur à peine plus large qu’un hublot, Suzanne distingua les arbres du parc qui était situé au-dessous du niveau de la rue. Il fallut encore venir à bout d’une volée de marches avant d’accéder à une antichambre au fond de laquelle se découpait sur le mur blanc le bois lustré d’une haute porte. La femme au chignon frappa trois coups discrets et entrouvrit la porte sans attendre de réponse. Elle fit signe d’entrer et se retira en silence. Une forte odeur de tabac s’imposait, celle de la fumée de cigare refroidie. Les pas de Suzanne faisaient craquer les lames d’un plancher ancien. La décoration de cette pièce en rez-de-jardin qui servait à l’évidence de bureau et de bibliothèque contrastait avec celle, aseptisée, anonyme, du reste de la maison.

 

Derrière une grande table en merisier que Suzanne reconnut tout de suite parce qu’elle avait été le seul meuble qu’ils avaient installé dans leur garni au temps de leur brève vie commune d’étudiants, la silhouette de Charles apparaissait à contre-jour à cause d’une large fenêtre ouvrant sur le parc où l’on voyait des feuilles jaunes s’envoler des grands arbres. Sur la table, Suzanne reconnut aussi un presse-papier en résine en forme de chouette, un lourd cendrier noir et une lampe en pâte de verre bleue. Par la fenêtre, Suzanne vit ployer les arbres sous un coup de vent. Le ciel s’assombrit et la pénombre enveloppa toute la pièce. Charles alluma la lampe en pâte de verre et son visage émergea du contre-jour. À la place de l’homme transformé par la maturité qu’elle s’attendait à découvrir, Suzanne retrouva son ancien compagnon, mais il était à la fois le même et un autre. Il portait un pull en laine sombre d’une vague couleur lie de vin et un pantalon anthracite en toile. Le col de chemise qui dépassait légèrement du pull rappelait la tenue passe-partout des adolescents des années quatre-vingt. Suzanne se demanda comment Charles la voyait en ce moment. Elle savait qu’elle ne trouverait pas la réponse dans son regard qui n’avait en rien changé, toujours légèrement voilé, comme si Charles avait sans cesse les yeux fixés sur quelque chose qu’il était le seul à voir. C’était d’ailleurs en lui ce qui l’avait séduite puis lassée.

 

Dans le silence à peine troublé par le balancier d’une horloge comtoise que Suzanne reconnut aussi pour l’avoir vue chez les parents de Charles, trois coups discrets frappés à la porte précédèrent l’entrée de la femme au chignon. Un plateau dans les mains, elle traversa la pièce en direction de la bibliothèque et servit le thé sur un guéridon disposé près d’un sofa et de deux fauteuils en cuir râpés. Suzanne n’avait jamais vu Charles boire du thé. D’ailleurs, il n’en prit pas et invita Suzanne à goûter aux biscuits. Il demanda si la fumée la dérangeait, ouvrit un vaste humidor, en sortit un fagot de cigares reliés par un ruban de soie bleu et en alluma un après l’avoir délicatement incisé. Dans sa jeunesse, Charles fumait déjà des cigares de Cuba, de la République dominicaine, du Honduras et du Nicaragua qu’il achetait à l’unité ou en étuis de trois.  « Maintenant, tu peux te payer les boîtes !  » dit Suzanne en désignant les coffrets dans l’humidor. Pour l’instant, elle n’avait rien trouvé d’autre à dire. Elle commençait à redouter le moment où Charles lui demanderait la raison de sa visite après toutes ces années.  « Tu en veux un ? » demanda-t-il en ajoutant «maintenant, on me les offre, un comble non ? » Suzanne saisit l’occasion : « tu te rappelles, quand j’ai tiré quelques bouffées sur un de tes Havanes, comme j’ai été malade ! » Charles écrasa aussitôt le bout de son cigare dans le cendrier noir. « Je suis désolé », dit-il. « Il ne fallait pas, dit Suzanne, je suis moins fragile aujourd’hui.    «  Tu n’as jamais été fragile », dit Charles. Suzanne eut brusquement envie de partir mais Charles n’avait probablement pas eu l’intention de la blesser.

 

Dehors, le vent continuait d’enlever les feuilles. Dans cette grande bibliothèque sombre, Charles ne semblait plus qu’une ombre. Après un échange de pesantes banalités, un silence s’installa. « Tu vas bien me dédicacer un livre ? » demanda Suzanne. Charles ouvrit l’armoire réservée à ses exemplaires d’auteur. « Attends  ! », dit Suzanne. Elle déboutonna son trench pour extraire de la poche intérieure le recueil de poèmes aux pages décollées.  « Je voudrais que tu me signes celui-là ». Elle guetta une réaction, un mouvement de surprise, mais Charles se contenta de saisir le recueil avec précaution et le disposa sur la table en merisier, dans le halo de la lampe en pâte de verre bleue. Suzanne s’approcha et se pencha. Charles écrivit « Pour Suzanne » sur la page de garde. Sa main tremblait un peu. Il signa mais au lieu d’ajouter la date du jour, il inscrivit celle de l’année de leur première rencontre. 

 

Sur la route du retour, Suzanne pensa à la réflexion de Charles : « Tu n’as jamais été fragile... » Comme elle sentait ses yeux s’embuer, elle stoppa la voiture en laissant le moteur en marche à l’entrée d’un chemin forestier. Elle ouvrit le recueil de poèmes, relut la dédicace, s’essuya les yeux, ouvrit la vitre et respira l’air frais traversé d’effluves d’humus et de champignon. Apaisée, elle reprit la route, presque heureuse dans le grand vent d’automne qui éparpillait les feuilles.

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ASIN ‏ : ‎ B0BF2LSRVX

Langue ‏ : ‎ Français

ISBN-13 ‏ : ‎ 979-8352502952

Poids de l'article ‏ : ‎ 263 g

Dimensions ‏ : ‎ 13.97 x 1.5 x 21.59 cm

158 pages

Renseignements, commandes et demandes de services de presse : ici.

Livre également disponible ici.

(Deuxième et nouvelle édition revue par l'auteur)

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13 octobre 2022

Le début de mon roman LE SONGE DE L'HOMME ARMÉ

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Du haut de cette roche poudrée de neige, il avait précédé la meute dont il était l’un des éclaireurs. Le vieux loup vit une forme étrange et mouvante se déployer au-dessus de l’horizon sinueux des collines. C’était vif, rouge et or comme une flamme ou alors comme une fleur menaçante en éclosion ou encore comme le battement d’ailes d’un grand papillon dans le ciel gris et bas. S’il avait eu conscience humaine, il aurait su qu’il s’agissait de l’étendard du seigneur de Bellegarde qui flottait dans la bise et qu’à la seule vue de cette bannière, tout commun des mortels se tenait sagement à distance ou rentrait vite chez lui. L’animal observait maintenant la lente progression du petit groupe de cavaliers, leur étendard et leur léger attelage. Il ne pouvait pas savoir que ces hommes, six archers de la garde du seigneur, son écuyer, son éminence grise l’archidiacre déchu Bruno d’Aoste, un valet et le conducteur de l'attelage étaient menés par Hugues Guillaume Enguerrand de Bellegarde dit Hugues le loup, Guillaume le taiseux et Enguerrand le pieux. Le premier surnom du seigneur de Bellegarde lui venait de sa dentition qu’un rictus d’expression accentué par une vieille cicatrice de guerre rendait partiellement apparente et qu’il avait encore presque complète et saine pour un homme de son âge, quarante-cinq ans. Comme il n’avait guère à parler pour se faire obéir de ses troupes lorsqu’il combattait encore, puis de ses proches et serviteurs une fois retiré dans ses terres où il vivait dans le silence, on l’appelait Guillaume le taiseux, mais c’est par sa prodigalité au bénéfice de l’Église qu’il était maintenant établi jusqu’en haut lieu comme le suzerain à la plus remarquable piété, ce qui faisait désormais de lui Enguerrand le pieux. Sa foi était pourtant secrètement chancelante mais l’afficher par financements, dons et offrandes de toutes sortes au clergé lui avait épargné ennuis et disgrâces en rapport avec la dénonciation par l’Église des excès de brutalité de la chevalerie à l’encontre des populations. Bien que dur au combat, au commandement et à l’administration de ses terres, Hugues le loup n’était pas personnellement compromis dans ces affaires mais il ne pouvait en permanence tenir la bride aux plus crapuleux de certains soudards coupables d’exactions et de rapines au détriment des villageois. Un autre de ses soucis avait été de faire oublier un scandale de moines débauchés et corrompus dont le retentissement avait si durablement affecté la réputation de leur abbaye que la hiérarchie avait dû se résoudre à sévir, certes mollement, notamment à l’encontre de l’archidiacre, confident et aux dires de quelques-uns, âme damnée du seigneur de Bellegarde. Enguerrand le pieux plaidant lui-même en faveur de l’archidiacre et se portant garant de lui était un fait d’une portée considérable qui ne pouvait que contribuer à calmer l’ardeur répressive de ceux qui n’ignoraient rien de ses libéralités. Dans l’étendue de son domaine, qu’il fût question d’entretien ou de construction, chaque église, chapelle ou calvaire pouvaient défier le temps grâce à la fortune du seigneur de Bellegarde.

Le vieux loup observa encore quelques instant les cavaliers et l’attelage puis retourna vers la meute en s’engouffrant dans une haute et sombre futaie.

L’attelage traversait maintenant une combe sous un ciel si épais qu’on eût dit le crépuscule avant l’heure. La température baissait mais c’était surtout la menace de la neige qui inquiétait Bruno d’Aoste. On avançait plus lentement que prévu et se retrouver immobilisé à découvert sans avoir eu le temps d’atteindre au moins la forêt profonde n’était pas une perspective rassurante. Bruno d’Aoste chevauchait au côté du seigneur de Bellegarde parce que celui-ci lui en avait exceptionnellement donné l’autorisation. Il fit part de son inquiétude. Allez voir au chariot si tout va bien avec le seau à braise et épargnez vos grivoiseries au valet, répondit le seigneur de Bellegarde. Et arrêtez de siffloter cette rengaine qui trouble mon attention. Bruno d’Aoste revint rapidement. Pas de problème avec le seau à braise, Messire. Il eut à peine le temps de siffloter de nouveau quelques mesures de la chanson de l’homme armé que le seigneur de Bellegarde le fit taire d’un regard noir. Pardonnez-moi, Messire, j’avais oublié. J’ai sans cesse cet air dans la tête depuis que je l’ai entendu savamment repris par notre grand musicien qui porte un de vos prénoms. Le seigneur de Bellegarde s’irrita. Ça va, l’abbé, vous allez encore m’ennuyer avec votre musique, comme si nous n’avions rien d’autre à penser à l’heure qu’il est ! Bruno d’Aoste avait voulu flatter le seigneur de Bellegarde en soulignant qu’un de ses prénoms était le même que celui d’un aussi grand compositeur que Guillaume Dufay mais il avait manqué son but. Il se risqua tout de même à insister. Vous en conviendrez, Messire, sauf votre respect, cette messe « L’homme armé » que nous avons tous deux écoutée l’année dernière, en nos provinces reculées grâce à votre générosité… Quelle musique ! L’attelage arrivait enfin en lisière de forêt. Pour toute réponse, le seigneur de Bellegarde haussa les épaules et héla deux des six archers. Toi, et toi aussi, allez en reconnaissance. Bruno d’Aoste leur jeta un coup d’œil furtif. On eût dit que ces archers sinistres étaient tous sortis du même ventre et qu’ils n’étaient venus en ce monde que pour décocher leurs flèches qu’on disait partout guidées par le diable lui-même tant elles rataient si peu leur cible au premier coup ; quant au deuxième, plus personne n’était là pour en parler. Avant la nuit, on établit le campement dans une clairière sans avoir besoin de trop entamer le contenu du seau à braises parce que l’air, certes froid, était encore sec et les branchages à l’avenant. Chacun obtint chichement sa ration de salaisons qu’on passait dans les flammes parfumées aux résineux. Les six archers, l’écuyer et le jeune valet mangeaient à part, près des chevaux. Le jeune valet que Bruno d’Aoste poursuivait de ses assiduités dès qu’il en avait l’occasion ne quittait pas des yeux le seau à braises dans le chariot. Bruno d’Aoste regardait sournoisement dans cette direction mais il croisait à chaque fois le regard perçant du seigneur de Bellegarde qui luisait derrière les flammes du feu de camp et qui semblait lui dire : n’en rêve même pas ! Lorsqu’il dardait ce regard, le seigneur de Bellegarde redevenait celui qui sommeillait toujours en lui : Hugues le loup, avec son rictus.

© Éd. Orage-Lagune-Express, 2022.

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La musique qui m'a inspiré pour ce passage et qui correspond aux premières lignes et à la première scène.

05 octobre 2022

Un extrait de mon roman CHARMES

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Lisbonne, parc Principe Real (photo © Christian Cottet-Emard)

Extraits des carnets de notes du rédacteur Antoine Magnard.

Ça ne vous dirait pas de reprendre l’affaire ? Nous étions occupés en silence à brasser des paperasses dans le bureau de Jenkins lorsqu’il me posa la question sans même me jeter un regard. Il ouvrit un dossier, parapha des pages et ajouta : vous savez, Antoine, vous entrez dans la trentaine, vous n’êtes pas encore vieux mais la jeunesse est passée. Ce serait l’occasion de vous caser ou du moins de vous stabiliser. C’était la première fois que Jenkins m’appelait par mon prénom depuis le début de nos années de collaboration. Il rangea le dossier dans un tiroir, leva les yeux vers moi et soupira. Non bien sûr, ça ne vous dit rien, je suis même certain que vous n’y avez jamais pensé. Vous êtes comme l’oiseau sur la branche. Dans un sens, je vous envie un peu, mais que cela ne vous empêche pas d’y réfléchir, assez rapidement si possible. Il se servit un verre de Woodford. Vous en voulez un ?

La dernière fois que je le revis, ce fut un an après à Lisbonne. Il avait pris subitement sa retraite et s’était installé dans un immense appartement dans le quartier du Principe Real. Pour moi, les conséquences ne se firent pas attendre. Mon licenciement me fut notifié par un sous-fifre de la Direction des Ressources Humaines du groupe qui avait absorbé les sociétés de Jenkins. Il m’avait convoqué dans le bureau où Jenkins m’avait proposé de reprendre son entreprise et s’était arrangé pour m’imposer des conditions de travail et de rémunérations que je ne pouvais accepter. Au cas où je serais suffisamment naïf ou impulsif pour le faire, ce petit nettoyeur essaya de me pousser à démissionner de ma propre initiative mais il comprit vite que je ne lui ferais pas ce cadeau. L’affaire se régla donc avec un licenciement économique et une transaction financière dont le montant confortable ajouté aux allocations de chômage pouvait m’assurer au moins deux ou trois ans de répit. Lorsque tout fut signé, je reçus un appel un peu gêné de Jenkins. Puisque vous avez du temps, venez donc me voir à Lisbonne, cela me ferait plaisir. Nous parlerons. Je me demandais bien de quoi nous pourrions parler mais j’acceptai l’invitation. Jenkins voulait m’héberger mais j’ai toujours préféré l’hôtel où je me sens plus à l’aise. Ayant déjà séjourné à Lisbonne lors d’une ancienne escapade dans cet établissement, je réservai une chambre au VIP Executive Éden, un ancien théâtre aménagé en hôtel, place des Restauradores non loin de la place du Rossio. À l’étranger, j’aime loger dans des hôtels pas forcément somptueux mais confortables et anonymes où l’on parle français et où l’on sert des petits déjeuners copieux et standards. Plutôt casanier, je ne voyage pas pour découvrir d’autres cultures, j’ai déjà encore assez à apprendre de la mienne, la culture occidentale. En voyage, je ne cherche pas le contact avec les gens du pays que je visite, ce qui ne m’empêche pas d’apprécier la gentillesse et la courtoisie qu’on trouve beaucoup plus à l’étranger qu’en France. Jenkins me taquinait parfois sur ce sujet et concluait invariablement : décidément, vous me faites penser à moi quand j’étais jeune ! C’était sa manière laconique de me dire qu’il m’aimait bien.

J’arrivai à Lisbonne un jour doux et gris de fin septembre avec une journée d’avance sur notre rendez-vous. Jamais je ne m’étais senti si libre et détendu. Pendant que je flânais l’après-midi vers le Tage entre le quai des Colonnes et le Rossio après un détour dans le Chiado, le temps se leva un peu. Aux terrasses des bars les plus modestes, des routards se faisaient servir un bol de soupe maison, un sandwich et une Sagres ou une Super Bock pour quelques euros. Le soir, je longeai les enfilades des terrasses à touristes où les serveurs vous alpaguent et tournai à l’angle de la petite rue où je me souvenais du restaurant Bonjardim avec son poulet frites et sa morue grillée. Je choisis la morue grillée avec ses pommes de terre vapeur et une bouteille de vin blanc que je laissai au choix du serveur, un monsieur assez âgé d’apparence bourrue qui ressemblait au chef d’orchestre Lorin Maazel mais qui me gratifia d’une petite tape cordiale sur l’épaule quand j’eus ajouté un pourboire conséquent à l’addition. Le lendemain, plutôt que de me faire servir le petit déjeuner à l’hôtel, l’envie me prit de me mêler tout de suite à l’animation quotidienne de la matinée encore grise mais pleine d’entrain. Je pris un grand plaisir à descendre directement sur la place que je traversai avant d’entrer dans un petit bar dont la vitrine était remplie d’étroites bouteilles de Ginja avec leurs étiquettes ornées de cerises. J’accompagnai mon café au lait de brioches et de croissants fourrés à la confiture puis je sortis fumer un petit Partagas Club qui me restait d’une boîte offerte par Jenkins. J’avais rendez-vous chez lui à midi, ce qui me donnait largement le temps de rejoindre à pied les grands cèdres du parc du Principe Real. Puisque j’étais très en avance, j’y trouvai un banc libre où je pus observer à loisir les clients d’une petite librairie ambulante aménagée dans une Estafette Renault bleue et blanche stationnée dans la rue. On y trouvait des livres et plaquettes d’auteurs portugais, certains traduits en anglais et en français.

Comme je l’avais prévu, j’eus des difficultés à repérer l’immeuble de Jenkins. Je réussis à l’appeler avec mon portable qui donnait des signes de faiblesse. Sur ses indications, je trouvai une porte discrète dont l’ouverture se déclencha lorsque j’eus composé le code qu’il venait de me communiquer. Un hall immense, un ascenseur vieillot puis une autre porte en bois, massive, très haute, à double battant. Je sonnai. La porte s’entrouvrit et un jeune type blond habillé assez chic m’invita à entrer. Je le suivis dans de grandes pièces en enfilades, peu meublées. Il ouvrit une porte qui grinça et Jenkins apparut, égal à lui-même, en costume strict avec l’éternelle cravate diplomatique. J’eus droit à une rapide accolade. Heureux de vous revoir, Antoine ! Asseyez-vous, je vous prie. Deux vastes canapés Chesterfield étaient disposés à angle droit. Des boiseries partout et des lampes aux globes en pâte de verre qui luisaient faiblement dans la pénombre. On se serait cru dans un club anglais du dix-neuvième siècle. Nuno, dit Jenkins en faisant signe au blondinet qui disparut et revint quelques instant plus tard avec une bouteille et deux verres à Porto sur un plateau d’argent. Jenkins s’occupa lui-même de déboucher la bouteille. Obrigado, Nuno. Le blondinet se retira et Jenkins servit ce Porto Vintage qui devait coûter les yeux de la tête. Il commença par le goûter puis remplit mon verre. À votre santé, Antoine. J’espère que ce Porto vous plaira. Si tel est le cas, nous devrons lui faire un sort car ces vieux flacons doivent être bus dans les heures qui suivent. Après quelques bavardages, nous passâmes à table dans une salle à manger où tout semblait calculé pour établir le maximum de distance entre les convives. Nuno servit un potage et de simples daurades grillées avec des légumes émincés. Je m’attendais à du vin blanc mais ce fut un rouge sec surprenant dont j’ai oublié le nom mais qui s’accordait parfaitement avec le plat. Le Porto Vintage revint au dessert composé des traditionnels Pasteis de Belém servis tièdes ainsi que d’autres spécialités. Le Porto Vintage nous suivit au salon où nous retournâmes pour le café et les cigares. Jenkins me fit visiter son humidor. Je m’approvisionne à la Casa Havaneza, au Chiado, vous savez, à côté du café Brasileira, juste derrière la statue de Pessoa. Nous coupâmes nos cigares, un Lusitania pour Jenkins et un Rey del Mundo pour moi. J’avais hésité en remarquant aussi une boîte de Joya, des cigares du Nicaragua. Jenkins s’en était aperçu et il insista pour m’offrir le coffret. La bouteille de Porto était vide. Je n’allumai mon Havane qu’après avoir fini mon verre. Jenkins sourit. C’est agréable, mon cher Antoine, de partager un peu de temps avec quelqu’un qui sait apprécier les bonnes choses. Ce n’est pas comme avec Nuno qui ne fume pas et qui ne boit que du thé. Enfin, personne n’est parfait. En vérité, il est honnête et serviable. Je peux lui faire confiance, il me l’a déjà prouvé depuis mon installation ici. Si nous descendions prendre un peu l’air ? Pendant que nous marchions tranquillement sous les cèdres du parc en finissant de fumer, une petite brise tiède se leva. Nous nous assîmes sur un banc. Voyez-vous, Antoine, je me sens bien ici. Dommage qu’il m’ait fallu attendre tout ce temps, toute une vie pour revenir chez moi. J’espère en profiter quelques années. J’allais protester pour la forme mais Jenkins me coupa. Le moment venu, je rejoindrai mes parents au cimetière anglais. Il y a de la place dans le caveau, j’ai renouvelé la concession mais je n’ai aucun héritier, personne pour intervenir en cas de problème avec cette sépulture. En principe, il n’y aura pas de souci mais je serais plus tranquille de savoir que quelqu’un puisse y jeter un œil si cela s’avérait nécessaire. Je ne peux pas demander cela à Nuno, il est trop jeune. Si vous acceptez, je prendrai toutes dispositions pour que, le cas échéant, après ma disparition, cela n’implique aucune dépense pour vous. Je crois avoir tout organisé au mieux pour mes obsèques. Ce sera à l’église Saint-Louis des Français. Je serai sûr d’avoir l’encens et l’orgue. Savez-vous que l’église abrite un petit Cavaillé-Coll ? Ce sera parfait pour moi. Jenkins desserra son nœud de cravate. Je ne savais que lui répondre. Vos parents vivaient à Lisbonne ? Je comprends mieux maintenant, dis-je. Oui, répondit Jenkins. Les affaires m’ayant conduit à Paris, j’ai pris la nationalité française par commodité. Je serai donc enterré au Portugal dans un cimetière anglais après des funérailles dans une église française ! Pour vous au moins, ce sera plus simple mais Dieu merci, vous avez l’avenir devant vous, comme Nuno. Je commençais à trouver cette conversation pesante. Jenkins le devina avec cette manie qu’il avait de lire dans les pensées. Allons, je vous ennuie, enchaîna-t-il, si nous parlions d’autre chose ? Je saisis la balle au bond et lui parlait de Charles Dautray. Jenkins se montra rassurant. Il s’est retiré de toutes ses activités mais il continue de percevoir ses droits sur l’exploitation de ses disques, ce qui n’est déjà pas si mal. J’approuvai mais ne pus m’empêcher d’ajouter : quel parcours étrange, tout de même... À voir Jenkins aussi impassible quand j’évoquais Charles Dautray, j’étais de plus en plus persuadé qu’il en savait plus à son sujet qu’il ne voulait bien le dire. Étrange ? reprit Jenkins, qu’est-ce qui ne l’est pas dans la vie. Je vous accorde que dans le milieu du classique, son cas peut sembler étrange mais pas plus qu’un parcours d’enfant prodige. Par exemple, personne ne trouve étrange qu’un Alexander Malofeev âgé de quatorze ans en 2015, c’est-à-dire à peine sorti de l’enfance, fasse un triomphe dans le deuxième concerto de Saint-Saëns, composé par un homme de trente-trois ans ! Si vous ne l’avez déjà fait, visionnez la vidéo sur You Tube. Tout le monde est saisi d’admiration mais personne ne trouve cela étrange. Nous pouvons pourtant convenir que ça l’est, vous ne trouvez pas ? Que peut-il bien se passer dans l’esprit et dans le corps d’un gamin de quatorze ans lorsqu’il accède à l’œuvre d’un compositeur dans la force de l’âge au point de la comprendre, de la maîtriser et de l’interpréter ? Peut-être la science aura-t-elle un jour la réponse...

Nous quittâmes le banc et marchâmes à nouveau en direction du bar du parc où nous trouvâmes une table libre sous les grands cèdres. J’essayai d’amener la conversation sur Marina mais Jenkins esquiva tout de suite. Mon cher Antoine, vous avez trente ans et moi bientôt quatre-vingt. Nous avons pourtant quelque chose en commun. Nous sommes des esprits rationnels conscients de vivre dans un monde absurde et nous n’avons pas le cœur à en étudier les bizarreries. Jenkins savait que je l’approuvais. C’est un peu ce que j’ai dit en d’autres termes à Nelson Gahern, répondis-je. Jenkins hocha la tête. Vous avez peut-être sauvé sa carrière et pour nous aussi, ce fut une excellente affaire, n’est-ce pas ? Nous commandâmes deux verres de Ginja. Jenkins semblait maintenant rêveur. Dans l’air toujours aussi doux, le soir s’annonçait par nos ombres qui s’allongeaient par terre sur les petits amas de brindilles, d’aiguilles et de feuilles mortes.

Le lendemain dans la matinée, je retrouvai Jenkins à la même table pour boire un dernier café dans le petit soleil avant mon départ. Je tenais à le saluer avant de prendre la navette jusqu’à l’aéroport. Il m’accueillit de son sourire diplomatique, à l’image de ses cravates, mais il y avait plus dans son regard, une sorte d’indulgence amicale assez inhabituelle chez lui. Vous voyez, Antoine, cette heure est une de mes préférées au Principe Real. Si je devais renaître à votre âge, ce serait un beau jour de septembre à dix heures, après avoir abandonné de poussiéreux chagrins, un jour où tout le monde travaillerait sauf moi, bien entendu. Je lui répondis en souriant : décidément, vous me faites penser à moi quand j’étais jeune ! Nous partîmes d’un bon rire. Excellent, mon cher Antoine, excellent ! Jenkins me donna l’accolade, moins brève que d’habitude. C’était un adieu.

Lors de ses obsèques, un matin clair d’avril, je fus surpris par le nombre de personnes rassemblées dans l’église Saint-Louis des Français. Je reconnus quelques relations professionnelles en regagnant ma place après la bénédiction du cercueil surmonté de la croix pendant que l'organiste donnait le Récit de Tierce en Taille extrait de la Messe de Nicolas de Grigny. À la sortie, il joua la Communion de Lefébure-Wély, peut-être un ultime clin d’œil de Jenkins aux puristes. Avant de quitter l’église, je vis Nuno qui se tenait à l’écart non loin de la porte. Je m’avançai, lui serrai la main et lui présentai mes condoléances. Il sembla me reconnaître.

Ce fut à Paris, chez le notaire de Jenkins, que j’entendis parler de Nuno pour la dernière fois. Il était l’un des trois héritiers désignés par Jenkins, les deux autres étant la Société protectrice des animaux et moi-même. Le notaire, une jeune femme aux ongles peints, me présenta quantité de documents à parapher et m’informa que les fonds ne seraient pas disponibles avant six mois, ce qui était un délai plutôt court pour une succession aussi importante. Mais monsieur Jenkins a pensé à tout, ajouta-t-elle en refermant les dossiers dont elle m'avait lu les contenus. Elle leva les yeux et m'envoya un regard matois. Vous voilà prêt pour réaliser des projets d'envergure... Que pouvais-je lui répondre ? Un ange passa. Des projets ? Eh bien oui, des projets qui vous tiennent à cœur... Peut-être, je ne sais pas, en réalité, non, pas de projet particulier. Elle eut une moue incrédule. Elle m'accompagna vers la sortie et me serra la main. Tout le monde a des projets, dit-elle. Je détaillai les motifs or de ses ongles peints. Finalement, si, j'ai un projet, celui de ne rien faire. Vous êtes un peu jeune pour ça, non ? Elle semblait navrée. Oh, guère plus que vous, répondis-je. Elle insista. Mais pourquoi vous ne voulez rien faire ? Parce que c'est ma nature et mon destin.

 

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Les personnages que l'on rencontre dans ce roman  :

Charles Dautray, pianiste.
Aaron Jenkins, agent artistique, producteur.
Antoine Magnard, rédacteur. (Antoine-Marie Magnard Mongins de la Force).
Marina, jeune femme en colère.
Docteur Émilien Bouvardel.
Le Butler, agent immobilier.
Le curé.
Nelson Gahern, pianiste.
La prostituée-voyante extra-lucide.
L'agent de sécurité.
Le barman au nœud papillon de travers.
Nuno.
Reynald Osborne, pianiste décédé.
Constantin Machialys, pianiste décédé.
Oleg Vorodine, pianiste décédé.
Le notaire aux ongles peints.
Une passante de Lisbonne.
Le pianiste du café Florian à Venise.

 

Résumé et critique du roman à lire sur le blog de Jean-Jacques Nuel :

« Le roman se constitue des récits croisés des différents protagonistes, qui forment comme les pièces d'un puzzle. On se déplace à Lyon, Paris, Barcelone, Venise et Lisbonne, on prend quelques détours par Oyonnax et Nantua. L'action progresse vers une fin surprenante. »

Renseignements et commandes :

Éditions Orage-Lagune-Express

Broché ‏ : ‎ 218 pages

ISBN-13 ‏ : ‎ 979-8745269714

Poids de l'article ‏ : ‎ 299 g

Dimensions ‏ : ‎ 12.85 x 1.4 x 19.84 cm

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Pour les personnes de ma région (Oyonnax et Jura), ce livre ainsi que certains de mes autres titres sont disponibles en prêt à la médiathèque municipale d'Oyonnax (centre culturel Aragon).