03 octobre 2023
Carnet / À La Pesse
Je rouspète souvent contre le Jura, en particulier quand je range mon bois, mais en réalité, je m’y sens plutôt mieux qu’ailleurs et très bien chez moi. C’est ce que je me disais encore dimanche en montant à La Pesse pour aller faire un tour au marché qui se tient en même temps que le festival Azimut. Je n’y vais évidemment pas pour la musique qu’on y entend (surtout après avoir écouté une cantate de Bach en prenant mon petit déjeuner grâce à l’émission Le Bach du dimanche sur France Musique) mais plutôt pour acheter des bouteilles de l’excellent Macvin du domaine Christophe Richard (très bon accord à mon avis avec un cigare Rey del Mundo Demi Tasse). Après la dégustation qui ouvre l’appétit, je file tout droit chez le boucher traiteur Grenard qui mérite vraiment le détour. En descendant vers mon village, peu après midi, j’ai vu une lumière inhabituelle qui enveloppait les montagnes, comme un voile très fin de brume orange. J’ai appris qu’il s’agissait des particules fines des fumées des incendies du Canada arrivées jusque dans le ciel du Haut-Jura après un passage sur le Groenland, ce qui me change des épisodes de Sirocco mais me rappelle de la même manière que je ne vis hélas pas dans un coin aussi déconnecté des problèmes du monde que je le souhaiterais. Je me souviens toutefois qu’au temps de la pandémie, je n’ai jamais été confiné puisque je peux me promener dans la campagne sans sortir de chez moi. Pour quelqu’un qui a complètement raté sa vie professionnelle, ce n’est pas si mal !
01:47 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : carnet, note, journal, autobiographie, blog littéraire de christian cottet-emard, jura, bois, marché, grenard, macvin richard, christian cottet-emard, la pesse, jean-sébastien bach, canada, groenland, france musique, le bach du dimanche, cantates de bach, musique
09 juin 2023
Un extrait de CHRONIQUES OYONNAXIENNES (Tome 1, Boulevard de l'enfance), récemment paru
Le complot de la colonie de vacances
Un soir de 1969, mes parents soupèrent plus tôt que d'habitude, me confièrent à ma grand-mère Marie-Rose puis s'habillèrent pour sortir comme ils en avaient l'habitude le samedi pour aller au cinéma. Un détail me chiffonnait, nous n'étions pas samedi. J'étais au lit lorsqu'ils rentrèrent mais je ne dormais pas. À mon chevet, ils m'annoncèrent qu'ils revenaient d'une réunion d'information sur un séjour à la colonie de vacances de Confort, un village de la vallée de la Valserine situé à une trentaine de kilomètres d'Oyonnax (autant dire sur la lune), et qu'ils m'avaient inscrit pour le mois de juillet. J'en fus très contrarié car la première fois qu'ils m'en avaient parlé, j'avais répondu que je n'étais pas intéressé.
Cette colonie de vacances de garçons était à l'époque gérée par l'association Air et Montagne en liaison avec la paroisse et elle jouissait d'une excellente réputation. Aujourd'hui encore, les gens de ma génération qui ont séjourné dans la grande bâtisse au milieu des champs en haut du village en ont gardé de très bons souvenirs. Il n'en fut pas de même pour moi mais je tiens à préciser que cette colonie de vacances n'en fut pas responsable car même dans mon enfance, je n'ai jamais pu m'adapter à la vie en collectivité. Inquiets de ce trait de mon caractère, mes parents avaient voulu bien faire en espérant que je revienne de ce séjour avec un avis différent. Ce fut bien sûr le contraire.
Je pris le lieu en grippe dès que je découvris le dortoir avec ses lits en métal et la vaste salle d'eau équipée de lavabos collectifs disposés en arc de cercle. À côté de chaque robinet, un savon ovale jaune orangé fixé à une tige de métal chromé servait à se débarbouiller le matin au lever. La douche hebdomadaire se prenait dans un local en prolongement du bâtiment des cuisines et du réfectoire, dans une enfilade de cabines aux portes battantes impossibles à verrouiller. Je compris vite que l'organisation du lieu allait me priver pendant un mois de toute possibilité de m'isoler, ce qui relève pourtant pour moi d'un besoin vital. Les cris, l'agitation, l'incessante promiscuité pendant la toilette, les repas et la sieste du début d'après-midi, les activités sportives, les chocs des ballons dans la cour en ciment (un bruit que je ne supporte toujours pas à soixante-trois ans), la bousculade au moment de la distribution du goûter, tout m'exaspérait.
Le soir au coucher, je pleurais en silence en pensant au lendemain et au lendemain du lendemain, en particulier au moment d'enfiler mes souliers que je ne savais pas lacer. Je n'acceptais pas d'être éloigné de mon environnement habituel et de ma famille, ce qui m'amena par la suite à organiser ma vie de manière à ne jamais prendre le risque de revivre une telle expérience. C'est par exemple la principale raison pour laquelle j'ai refusé de faire mon service militaire. Dès que je me déplace seul loin de chez moi du fait d'une quelconque contrainte, le plus souvent professionnelle, j'éprouve vite une panique voisine de celle qui peut étreindre un nageur au moment où il réalise qu'il s'est trop éloigné du rivage.
Au bout d'une semaine, je comptais déjà les jours. Ma famille ayant toujours tout archivé, jusqu'aux cartes postales, j'ai retrouvé deux lettres que j'avais envoyées à mes parents : à Confort, je ne suis pas tellement bien. J'espère que ça ne durera pas. À la fête des parents, je serais content qu'on me ramène à Oyonnax. En relisant aujourd'hui mon écriture de gamin de dix ans, je m'aperçois que le ton de ces lettres était largement en-dessous du malaise que j'éprouvais. Organisée à la moitié de la durée du séjour, la fête des parents consistait en une kermesse d'une journée à laquelle les familles des pensionnaires étaient conviées. Quand mes parents repartirent en fin d'après-midi, je vécus un moment vraiment difficile, bien conscient qu'il me restait encore deux semaines à tirer. Dès le début de cette troisième semaine, mon humeur et mon moral étaient si détériorés que plusieurs incidents s'enchaînèrent dont deux très significatifs de mon état d'esprit.
Le premier survint à l'occasion de la réception des colis de friandises que les parents faisaient livrer à leurs enfants. Sous prétexte que certains avaient plus que d'autres, les moniteurs décidèrent de tout mettre en commun et de gérer la distribution. Comme la plupart de mes camarades, je n'avais aucune réticence à partager mais j'interprétai l'instauration de cette mesure collectiviste comme une injuste confiscation. Je m'emparai donc de mon colis et, à la faveur d'un des brefs moments où l'on nous laissait nous occuper librement dans la cour, je le dissimulai dans une anfractuosité du muret en bordure du pré situé derrière la colonie. Cette solution peu commode m'amena à la conclusion que la meilleure cachette était mon ventre. J'engloutis donc l'intégralité du contenu du colis en deux jours, ce qui eut pour effet de me couper l'appétit au réfectoire et de m'écœurer le soir au coucher, le seul avantage ayant été de me rendre provisoirement imbattable à certains concours de gargouillis et borborygmes (il y avait des pastilles effervescentes à la menthe), joutes déloyales que nous improvisions, moi-même et quelques contestataires, pour perturber la sieste obligatoire.
Deux jours plus tard, le deuxième incident se produisit dans les douches. Nous étions tous en train de nous laver avec notre berlingot de shampoing Dop dans nos cabines respectives à peine fermées par leur porte battante lorsqu'un garçon plus turbulent et taquin que les autres ouvrit en grand ma cabine alors que j'étais encore nu sous la douche. Je l'envoyai aussitôt au tapis d'un coup de pied à l'entrejambe qui le laissa au sol si plié de douleur qu'on faillit appeler le médecin. On pensa plus à le réconforter qu'à me réprimander mais on jugea plus prudent d'écourter mon séjour, ce qui me permit d'échapper à la quatrième semaine grâce à cet acte certes répréhensible mais pas prémédité. Il était temps.
Christian Cottet-Emard est né en 1959 à Montréal (Ain). Il a vécu jusqu’en 2009 à Oyonnax avant de s’installer dans un village du Haut-Jura.
Bourse d’écriture du CNL (Centre National du Livre) en 2006.
Depuis 2005, il tient un blog : http://cottetemard.hautetfort.com (ISSN 2266-3959)
Les services de presse sont à demander à : contact.ccottetemard@yahoo.fr
- ASIN : B0C1JBHVG7
- Éditeur : Orage-Lagune-Express. Diffusion : Independently published
- Langue : Français
- Broché : 164 pages
- ISBN-13 : 979-8390413326
- Poids de l'article : 236 g
- Dimensions : 12.85 x 1.07 x 19.84 cm
- Commandes : ici
- Pour les gens d'Oyonnax et de sa région, ce livre est en vente au kiosque de l'hôpital d'Oyonnax.
00:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : chroniques oyonnaxiennes, souvenirs, enfance, christian cottet-emard, orage-lagune-express, livre, autobiographie, colonie de vacances, confort, valserine, blog littéraire de christian cottet-emard, boulevard de l'enfance, parution, publication, oyonnax, ain, haut bugey, rhône alpes, france, europe, années 60, boulevard dupuy, rue michelet, peigne, ornement de coiffure, plastique, entreprise familiale, artisan, vignoble, ménétru le vignoble, château châlon, vin jaune, savagnin, franche comté, jura, bresse, racines, origines
17 avril 2023
Vient de paraître
Quatrième de couverture :
Oyonnax, une petite ville du Haut-Bugey dans les années soixante du vingtième siècle.
Une promenade dans le temps en compagnie d’un gamin qui grandit entre les jardins et les parcs d’un boulevard résidentiel ombragé avec ses ateliers d’artisanat et de petite industrie. Les parfums de buis, d’iris et de pivoine mais aussi l’effluve douceâtre de la matière plastique en fusion !
Souvent, les souvenirs ont besoin d’une maison où ils se promènent à leur guise comme des esprits bienveillants, de gentils fantômes qui veillent sur la mémoire des vivants.
Christian Cottet-Emard est né en 1959 à Montréal (Ain). Il a vécu jusqu’en 2009 à Oyonnax avant de s’installer dans un village du Haut-Jura.
Bourse d’écriture du CNL (Centre National du Livre) en 2006.
Depuis 2005, il tient un blog : http://cottetemard.hautetfort.com (ISSN 2266-3959)
Les services de presse sont à demander à : contact.ccottetemard@yahoo.fr
- ASIN : B0C1JBHVG7
- Éditeur : Orage-Lagune-Express. Diffusion : Independently published
- Langue : Français
- Broché : 164 pages
- ISBN-13 : 979-8390413326
- Poids de l'article : 236 g
- Dimensions : 12.85 x 1.07 x 19.84 cm
- Commandes : ici
- Pour les gens d'Oyonnax et sa région, ce livre sera disponible au kiosque de l'hôpital d'Oyonnax (Ain) à partir du 28 avril.
11:14 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, parution, publication, christian cottet-emard, chroniques oyonnaxiennes, boulevard de l'enfance, blog littéraire de christian cottet-emard, oyonnax, ain, haut bugey, rhône alpes, france, europe, années 60, boulevard dupuy, rue michelet, peigne, ornement de coiffure, plastique, entreprise familiale, artisan, vignoble, ménétru le vignoble, château châlon, vin jaune, savagnin, franche comté, jura, bresse, racines, origines