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05 septembre 2022

Interlude / Souvenir de 1975 :

Mon cyclomoteur Honda Amigo fait des envieux.

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26 janvier 2022

Carnet / Souvenir du monde d’avant

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Souvent ces jours ensoleillés, je passe pas mal de temps à observer la lumière qui ricoche sur les petites feuilles incurvées du buis devant la maison. Le buisson brille au milieu des plaques de neige qui scintillent. Grâce au soleil d’hiver, je fais le plein par les yeux de cette vitamine D dont le Sénat qui n’a que cela à faire, veut interdire ou du moins limiter l’usage, pour notre bien évidemment... Et voilà que la politique vient ainsi polluer jusqu’à mes plus anodines rêveries, surtout depuis deux ans lorsque dès le début de la folie furieuse, j’ai écrit sur ce blog qu’ils (nos gouvernants actuels) oseraient tout.
 
Aujourd’hui plus encore que durant toute ma vie passée, je suis extrêmement contrarié de devoir ne serait-ce qu’une minute me soucier de politique car j’ai toujours pensé que tel n’était pas mon destin, même lorsque je perdais mon temps dans la presse régionale à recueillir laborieusement et dans la plus totale indifférence les résultats des élections avec le fleuve de boue dont elles ouvraient les vannes par les bouches d’égouts de leurs commentateurs les plus zélés.
 
En temps normal, lorsqu’aucune des crises permanentes que traverse le pays depuis longtemps n’autorise la moindre mesure d’exception, même pas le terrorisme, on arrive assez facilement à s’en laver les mains et surtout l’esprit, de la politique. Mais pas en ce moment.
 
C’est peut-être la raison pour laquelle me revient fréquemment à l’esprit le souvenir plus insouciant que je ne le croyais de ce jour du mois de mai 1981 où je tentais de m’extraire de la foule parisienne célébrant l’élection de Mitterrand.
 
Je me demandais comment j’allais rentrer chez moi à Oyonnax parce que Paris est une ville où je n’ai jamais réussi à trouver seul mon chemin. Je sortais d’une gargote où je venais d’engloutir une choucroute garnie moins bonne qu’une en boîte et je ne pensais qu’à deux choses : manger un sandwich car j’avais encore les crocs et sauter dans le train. J’avais vingt et un ans et j’étais loin d’imaginer que le président qui venait d’être élu serait un peu plus tard l’inventeur de la nasse électorale dans laquelle nous sommes encore piégés aujourd’hui. J’étais vraiment trop jeune pour m'en douter et au cas où j’eusse été capable d’une telle lucidité, trop intellectuellement constipé pour l’admettre.
 
En ces heures sombres pour ce qui reste de notre démocratie, je me dis au moins que c’est sous Mitterrand que j’ai échappé au service militaire l’année suivante grâce à de très socialistes intermédiaires qui ont plaidé ma cause auprès de l’entourage proche de Charles Hernu.
 
Bénéficierais-je de cette sorte de tolérance dans la société d’aujourd’hui où l’on risque de s’acheminer vers la vaccination obligatoire après les élections en cas de victoire de Pécresse ou de plébiscite du roitelet ? Sans doute non. J’ai la sensation d’un étau qui se resserre et je n’aime pas du tout cela pour la simple raison que je suis grand-père.
 

24 juillet 2021

Mon feuilleton de l'été / 3ème épisode. La machine à rire

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Oyonnax, boulevard Dupuy, fin des années soixante.

 

Le boulevard Dupuy de cette époque que j’arpente en culottes courtes, ce sont encore des parfums et des odeurs. Commençons par le plus agréable, les parfums, ceux de la belle saison. D’abord les platanes ou les érables dont les racines soulèvent le goudron des trottoirs. Les effluves puissants de leur feuillage dense enveloppent le quartier avant l’orage et après l’averse. Derrière les cours et les portails, les grands jardins et les petits parcs sentent le buis, l’iris et la pivoine, surtout les soirs de journées chaudes. Tout le quartier en profite, surtout quand le travail s’arrête car lorsqu’il reprend (quand il ne continue pas la nuit ou le dimanche) ce sont les odeurs qui prennent le dessus : le métal chaud des machines, les relents douceâtres, presque sucrés, de la matière plastique en fusion, les huiles de moteur, les graisses, parfois les solvants.

 

Comme la plupart des résidences du boulevard, la propriété où vivent et travaillent mes grands-parents se compose de la maison, du jardin et des ateliers. Après son retour de la guerre d’Algérie, mon père s’obstine à porter à bout de bras l’entreprise familiale. Pendant que ma grand-mère s’use les mains (au sens propre) au polissage au rouleau des montures de lunettes et que mon grand-père procède au rognage, tous deux dans le plus vaste et le plus haut des ateliers, une cathédrale d’engrenages et de courroies qui tournent et frottent avec fracas, mon père a investi le local d’en face, plus petit, pour y installer une presse à injecter. J’ai encore dans les oreilles son morne concerto avec sa basse continue, parfois nasillarde, ses percussions routinières et ses fausses notes lorsqu’elle s’égare hors de la partition à cause d’un incident technique.

 

Dans ce cas-là, je ne suis jamais loin car je sais que lors de la remise en route, mon père va contrôler la qualité des pièces produites (le plus souvent des jouets, des figurines et des accessoires pour dînettes) dont il va écarter celles présentant un défaut, celles dont j’aurai le droit de prélever quelques exemplaires pour mes collections. Je partage de temps en temps cette manne avec un ou deux camarades du quartier. Nous délaissons le bac à sable où nous jouons aux grands travaux avec des camions, des tracteurs et des bulldozers multicolores, parfois fabriqués dans les ateliers des voisins, pour sélectionner les ratés de la presse à injecter qui nous intéressent le plus.

 

Parmi ces productions en série, il en est une qui nous amuse tout particulièrement. Il arrive que les circuits mécaniques de la machine doivent être purgés. Les entrailles du monstre expulsent alors des concrétions de matière aux formes tout à fait évocatrices et désopilantes à nos yeux d’enfants. Quelques tas fumants du plastique encore chaud, avachis en molles spirales, jonchent l’atelier et durcissent en sculptures scatologiques aux couleurs fluorescentes les plus variées. Dans la cour où nous en récoltons les plus spectaculaires échantillons, nous rions à n'en plus finir de ces déchets que nous appelons des cacas de presse à injecter car les enfants ne se privent jamais des mots pour le dire !

 

Un jour, la machine avait été abondamment purgée. Au moment de notre séance de rigolade, moi-même et un camarade du moment avions été rejoints par une gamine du voisinage qui partageait parfois mes jeux les moins guerriers. J’avais un faible pour elle car sa compagnie déclenchait en moi des émotions inexplicables accompagnées d’étranges mais agréables sensations dans le bas ventre.

 

Elle nous avait gratifié d’un sourire d’autant plus large qu’elle avait chapardé le rouge à lèvres de sa mère pour s’en servir à son profit, un coup d’éclat dont elle tirait une certaine fierté. Elle attendait visiblement ma réaction mais mon camarade, affichant une mine dégoûtée, me brûla la politesse. Il désigna les cacas de la presse à injecter, très rouges ce jour-là, et lui dit en s’esclaffant : « Avec ce truc-là, tu vas faire les mêmes ! » J’éclatai bêtement de rire, si bêtement, je dois dire, que ma jolie voisine tourna les talons et nous planta là, nous, petits mâles nigauds, qui commencions assez mal nos relations avec le beau sexe.

 

À suivre...

 

© Éditions Orage-Lagune-Express, 2021.

 

Illustration : armoiries d'Oyonnax