27 juillet 2011
L’enseigne de vaisseau Mhorn
constata avec satisfaction que son corps d’homme âgé glissait dans l’eau sans grand effort.
Après une, deux puis trois balises fixées au fond de la mer, il dépassa la limite où se brisent les vagues et progressa dans une étendue à peine ridée de vent mourant. Parfois, il se retournait et pouvait encore distinguer la plage et les dunes.
En nageant sur le flanc, il leva un peu la tête et aperçut, éclairé par le soleil en déclin, le ventre blanc d’une hirondelle de rivage. Elle frôla l’eau en plusieurs passages, tout près de lui, puis s’éloigna. Ce fut ensuite un vol de libellules transparentes qui gagnaient en hâte les étangs salés.
Maintenant, l’enseigne de vaisseau Mhorn flottait sur le dos. Un papillon apparut dans son champ de vision avec ceci de remarquable qu’il était impossible, dans le vide du ciel, de déterminer sa taille. Communes ou extraordinaires, ses dimensions ne pouvaient être mesurées en l’absence de tout objet de référence. C’est alors que l’enseigne de vaisseau Mhorn repensa à ses navigations sur des mers et des océans dans lesquels il ne s’était jamais baigné.
Son regard se porta tour à tour vers le grand large et la côte et, pour la première fois de sa vie, il hésita un instant dont la durée, comme l’envergure du papillon, ne pouvait se mesurer.
Extrait de mon roman Le grand variable, éditions Éditinter, 2002. Épuisé.
00:01 Publié dans Et à part ça ? | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le grand variable, christian cottet-emard, éditions éditinter, fiction, poésie, récit, roman, hirondelle des rivages, mer, papillon, enseigne de vaisseau
12 juillet 2011
Carnet des personnages
Si j’arrive à ne pas trop me disperser dans la contemplation de ce bel été, si j’arrive à me concentrer et à me discipliner un peu, à manger plus léger, à moins fumer de cigares et à dormir avec plus de régularité, les ombres qu’ils sont encore pourront bientôt cheminer vers le jour.
Pour l’heure, ils s’impatientent et me le font savoir, y compris ceux qui reviennent comme l’enseigne de vaisseau Mhorn et son encombrant ami, le brocanteur Marius le Bernois. Ils croiseront les chemins d’Helga, la jeune mariée qui a mal aux pieds, de Louis pour qui le monde va trop vite, et d’Andrade dérangé dans sa bibliothèque par une jeune fille nostalgique de grandes fêtes sous la lune.
01:07 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : roman, littérature, nouvelle, personnage, fiction, le grand variable, éditions éditinter, manuscrit, tapuscrit, publication, auteur, écrivain, narration, angle, christian cottet-emard
09 juin 2011
Je me souviens toujours du temps qu'il a fait
car rien d'autre ne m'intéresse vraiment. À l'école, déjà, mon attention se dispersait dans l'espace vide de la fenêtre à la moindre variation de ce ciel où je plongeais avec délice.
« Es-tu avec nous ? » s'énervait le maître.
Aujourd'hui, c'est pareil, sauf que je peux me payer le luxe d'ouvrir la fenêtre, y compris au bureau, lors d'une réunion avec des petits chefs.
« Êtes-vous avec nous ? »
Je ne réponds rien. Non, je suis contre vous mais je ne peux vous le dire de vive voix si je veux vous combattre avec efficacité. Sachez que nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir vous combattre, individuellement, chacun à notre manière, chacun dans notre coin, par notre façon d'être et de vivre, mais tellement nombreux, de plus en plus nombreux ! Un tilleul m'envoie un signal tout odorant d'averse et d'éclaircie. Il existe encore, ce parfum, malgré la puanteur des usines et des voitures... La puanteur du monde industriel et marchand.
« Eh ! Vous ! » s'impatientent les petits chefs.
Presque toujours à mon insu, je pense à autre chose, à quelque chose qui n'a aucun rapport avec l'instant que les petits chefs essayent de confisquer, à quelque chose qui a si peu de consistance que j'aurais bien du mal à le nommer, à quelque chose de dangereux pour eux mais de si bon et nécessaire pour nous tous.
Extrait de mon livre LE GRAND VARIABLE, éditions Éditinter, 2002, épuisé.
01:00 Publié dans Et à part ça ? | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le grand variable, éditions éditinter, christian cottet-emard, temps, nuage, ciel, météo, usine, voiture, puanteur, industrie