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27 juin 2023

Carnet / Impatients personnages

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Écrire deux romans en même temps, ainsi que je m’y risque parfois, me permet de passer d’un monde à un autre et de maintenir l’énergie « créatrice » (je ne peux renoncer aux guillemets lorsque j’emploie cet adjectif car je ne crois pas à la création). Seul Dieu crée (ou au moins la nature) alors que nous autres humains ne faisons qu’associer, combiner, bricoler. Mais là n’est pas en cet instant mon sujet. Je veux plutôt m’en tenir à ce double chantier que je mène depuis des mois. 

Je travaille simultanément sur deux romans très différents, l’un certes plus ambitieux que l’autre mais qui nécessitent bien sûr tous les deux le même soin. Le premier requiert un peu de recherche et de documentation puisqu’une partie, le début, se situe à la fin du moyen âge, ce qui explique que je progresse lentement. J’ai déjà déposé pour protection la trame et des fragments d’une première version, ce qui m’autorise à mettre parfois quelques extraits en ligne sur ce blog ou ailleurs. Pour me divertir de ce chantier assez fatigant, je me détends en écrivant le deuxième roman, une petite fantaisie sentimentale aigre-douce, socialement incorrecte et j’espère un peu humoristique. Le deuxième roman avance évidemment plus vite que le premier. Dans les deux cas, les couvertures existent déjà même si j’ai encore la possibilité d’en changer. 

Il arrive que les idées alimentant ces deux fictions se chevauchent dans mon esprit sur une même journée, ce qui peut fréquemment perturber mon sommeil car mes personnages se montrent de plus en plus impatients. J’ai même l’impression que ma tête, telle une petite gare de province poussiéreuse et mal éclairée (ce peut être aussi un arrêt de bus ou de tramway), leur sert de salle d’attente ou de quai où ils espèrent dans la fièvre ou l’accablement pouvoir monter dans leur train, celui de leur destin qu’ils veulent absolument accomplir en pleine lumière comme les vivants de chair et d’os. Tout cela me fatigue, certes, mais la fatigue est bien pire quand l’autre train, celui de la narration, s’arrête sans raison apparente en rase campagne ou à un carrefour anonyme.

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Photos Christian Cottet-Emard

13 novembre 2022

Carnet / De la narration paresseuse

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Qui parle ? Tout auteur de fiction le sait : c’est la première question à laquelle il doit répondre avant de commencer la narration. Il s’agit d’un choix moins évident qu’il n’y paraît. Cette préoccupation peut même parfois se substituer à l’histoire qu’on veut raconter jusqu’à en devenir le sujet, ce qui a souvent abouti, dans la production littéraire des dernières années du vingtième siècle jusqu’à aujourd’hui, à la publication de livres très ennuyeux pour ne pas dire fumeux, écrits par des auteurs qui nous font entrer dans leur cuisine alors qu’en tant que simples lecteurs, nous préférerions être reçus dans le salon. 

La réflexion sur le choix du narrateur n’en est certes pas moins un aspect intéressant de l’écriture d’un roman, d’une nouvelle ou d’un récit mais cela ne doit pas empêcher l’auteur de se rappeler que la première motivation du lecteur, y compris le lecteur de littérature dite de création qu’on pourrait aussi nommer littérature exigeante ou sophistiquée, est de se divertir. En tant que lecteur, c’est mon cas, même lorsque je m’immerge dans un chef-d’œuvre de la littérature ou de la poésie. Par immodestie ou par surestimation de l’activité littéraire, trop d’auteurs ont tendance à oublier la fonction de divertissement de leur art, de tous les arts, d’ailleurs. Un grand cru reste du vin, un grand cigare reste du tabac, un grand livre reste de la littérature et tout cela sert à nous distraire de notre condition. 

Voilà pourquoi, comme lecteur ou auteur, je ne dédaigne pas les romans, nouvelles et récits écrits sur le mode de ce que j’appelle la narration paresseuse, c’est-à-dire la solution la plus simple qui permet de raconter une histoire au moyen de l’auteur narrateur omniscient, comme dans Légendes d’automne de Jim Harrison, pour ce citer que cet exemple parmi tant d’autres.

 

Extrait de Carnets, © Orage-Lagune-Express, 2022.

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18 décembre 2020

Carnet / Qui a peur de l’autobiographie ? (3)

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Lisbonne, 2013

(Extraits de mon essai sur l’autobiographie)

Première partie à lire ici.

Deuxième partie : là.

 

Qui ne s’est pas entendu dire un jour, notamment dans l’enfance et l’adolescence : on ne te demande pas ton avis, ce n’est pas ton cas personnel qui compte, tu ne vas pas raconter ta vie... Et qui n’a pas intégré au plus profond ces injonctions au point d’y souscrire en les reformulant sans y réfléchir vraiment : je ne cherche pas à parler en mon nom, mon avis n’a pas d’intérêt, ce n’est pas que je veuille raconter ma vie mais... Mais quoi au fait ?

 

Mettre notre individualité en veilleuse est la première et principale injonction que nous recevons du groupe dès le début de notre socialisation, et cela depuis la nuit des temps. C’est l’implacable loi tribale que l’évolution de chaque civilisation module selon ses besoins et ses croyances. Même en Occident, les notions d’individu et de vie privée relèvent de la modernité. Signer une œuvre et en revendiquer la propriété est une pratique récente (quelques siècles) dans l’histoire de la création artistique occidentale.

 

C’est ainsi que nous en arrivons à l’autobiographie, cette œuvre caractéristique de la modernité dont l’auteur est la matière et qu’il signe en tant qu’individu unique et irremplaçable tout comme son expérience. L’individu, la vie privée, la signature, l’être unique et irremplaçable sont les victoires de l’Occident y compris dans sa dimension religieuse chrétienne. Pour les croyants, Dieu voit et regarde chacun ; et chacun a une relation personnelle avec Dieu, ce qui est une idée cruciale, si j’ose dire, y compris pour l’agnostique qui écrit ces lignes, parce que l’auteur de l’autobiographie réalise qu’il est digne d’être lu, regardé, que ce soit sous le regard divin ou humain.

 

Voilà qui explique une partie des réticences exprimées de nos jours plus encore qu’en d’autres époques à l’encontre de l’autobiographie, ce péché contre l’humilité, ce défi au collectif. En effet, quoi de plus orgueilleux voire de plus arrogant que de prétendre créer et plus encore, dans une certaine mesure, se créer ! Comment une telle prétention, une telle impudence, ne pourraient-elles pas heurter de front tout système de pensée et toute culture hostiles à la notion d’individualité ? De ce point de vue, l’autobiographie a eu et a toujours beaucoup d’ennemis, même au sein de la civilisation occidentale lorsque celle-ci a connu les effondrements des deux guerres mondiales mais aussi, de nos jours, dans l’Occident qui doute, ou pire, qui se prend lui-même en détestation, ce qui constitue encore une menace d’un nouvel épisode d’effondrement.

 

Mais laissons là les digressions et revenons au sujet par une anecdote.

 

J’avais il y a quelques années fait lire à une connaissance un petit ensemble d’articles sur Marguerite Duras que j’avais publié dans le Magazine des livres. Il m’avait été reproché d’employer la première personne du singulier pour décrire mon approche de Duras et de ce fait, de me mettre en scène. Ce reproche m’est parfois adressé lorsque je choisis ce type de narration dans mes chroniques, notamment dans mes collaborations pour la presse. Je me tiens souvent à ce choix parce que je trouve cet angle plus vivant que cette pseudo objectivité dont on nous rebat sans cesse les oreilles et qui n’aboutit le plus souvent qu’à des textes calibrés, lisses et bien ennuyeux.

 

Comme disait Federico Fellini, « Je suis toujours autobiographique, même si je me mets à raconter la vie d’un poisson. »

(À suivre)

© Éditions Orage-Lagune-Express