19 février 2025
Conseils aux écrivains excédés par le bricolage
Entre toutes les tâches qui pourrissent la vie de l’écrivain, le bricolage, ersatz de cette autre corvée qu’est le travail, devrait normalement être banni du quotidien de l’auteur qui se respecte, tout comme le quotidien lui-même d’ailleurs, sans oublier le travail, bien sûr. Pourtant, à ma grande honte, j’avoue qu’il m’arrive de bricoler, à l’inverse de mon riche voisin auteur d’un best-seller qui peut quant à lui se permettre de payer des spécialistes pour se taper sur les doigts et se salir les mains à sa place.
Je conseille donc à tout auteur allergique au bricolage de pondre d’urgence un best-seller. En ce qui me concerne, je n’en ai pas encore eu le temps car je ne dispose pas dans ma maison d’une gouvernante telle que Madame Tumbelweed qui veille si jalousement au bien-être de mon voisin et de son chat Sir Alfred. Injustement privé d’un tel soutien, je dois me résoudre à gérer moi-même les détails les plus triviaux de mon quotidien.
L’hiver dernier, par exemple, je suis tombé bien bas. J’ai transformé une vieille chemise en blouse et je me suis coiffé d’un bob publicitaire arborant le slogan : « Ohé matelot, la sardine qu’il vous faut » , un cadeau de Madame Tumbelweed. Elle détient une quantité considérable de ces couvre-chefs en raison de sa fidélité à l’épicerie qui fournit sa nourriture préférée à Sir Alfred. Ainsi affublé, j’ai peint au rouleau la moitié du plafond de mon salon après quoi je me suis ménagé une pause. Six mois après, pas plus tard que cet été, Madame Tumbelweed m’a donné un autre bob pour que je puisse peindre l’autre moitié du plafond. La pire des corvées durant ces travaux consiste en inévitables expéditions au magasin de bricolage où un phénomène étrange se produit dès mon arrivée.
La première fois que j’ai passé la porte de ce hangar surmonté d’une banderole sur laquelle on devrait inscrire non pas « Promotions sur les perceuses » mais plutôt « Vous qui entrez ici, laissez toute espérance » , tout s’est pourtant bien passé. Un vendeur est venu à ma rencontre. Alors que c’est habituellement moi qui prodigue des conseils, je me suis trouvé dans la pénible position d’en demander. Le vendeur m’a conseillé et je n’ai rien compris. C’est un peu plus tard que la situation a dégénéré.
Au fil des semaines, après plusieurs tentatives auprès d’un grand nombre de ses collègues, j’ai remarqué qu’à chacune de mes visites, le magasin semblait se vider de ses vendeurs. Plus une seule blouse à l’horizon. Abandonné à mon sort au rayon enduits et colles, telle la mouche engluée sur le ruban, j’en apercevais parfois un se faufiler telle une bête traquée entre les cuisines et les salles de bain. À l’évidence, ils avaient entrepris de m’éviter et vous n’imaginez pas la quantité de cachettes que recèle un magasin de bricolage.
Un jour, au rayon jardin, j’ai soulevé machinalement le couvercle d’une poubelle en plastique. Eh bien, vous me croirez si vous voulez, elle contenait un vendeur qui n’a rien trouvé de mieux à me dire d’un air gêné qu’il vérifiait l’étanchéité.
Un autre jour, pour qu’on s’occupe enfin de moi, je me suis déguisé en bricoleur. Je suis entré dans le magasin vêtu d’une salopette et coiffé d’une casquette publicitaire des peintures Hume & Plane sur laquelle était imprimé en jaune fluo « Peignez sans odeurs » (ils ne savent vraiment plus quoi inventer, vous pouvez très bien vous livrer à cette activité certes assez physique sans la moindre odeur en utilisant votre déodorant habituel). Au lieu d’attirer un vendeur, je me suis retrouvé cerné de clients bien décidés à ce que j’apporte une solution définitive à leurs problèmes de chasse d’eau, tout cela parce que je poireautais sous une pancarte portant la mention « Recyclez l’eau de vos toilettes » . J’ai choisi la fuite et je me suis coulé vers le rayon des papiers peints où j’ai fait tapisserie un bon moment. Un vendeur s’est approché. Mon erreur : avoir ôté ma casquette pour le saluer. Il m’a reconnu et a détalé en me jetant un regard épouvanté.
Bien sûr, j’aurais pu me plaindre à la direction mais je me suis souvenu que lors d’un salon du livre, je me suis carapaté encore plus vite devant un chasseur d’autographes notoire, vous savez, ce genre de pervers qui passent leur temps à se faire dédicacer des bons de souscription ou de commande sans acheter les livres qui vont avec. Il est vrai qu’en cette situation, je n’aurais pas hésité à sauter dans la première poubelle venue, même en courant le risque de la trouver déjà occupée par un confrère. J’ai donc pardonné aux vendeurs du magasin de bricolage mais leur carte de fidélité, ils peuvent la donner au sanibroyeur en promotion qu’ils m’ont livré à la place du destructeur d’archives que j’avais commandé.
Pour les personnes d'Oyonnax et sa région, ce livre qui vient de paraître est disponible au prix de 10 € au kiosque de l'hôpital d'Oyonnax. Il peut aussi être demandé à la librairie Buffet d'Oyonnax.
- ASIN : B0BTRRBS4V
- Éditeur : Orage-Lagune-Express (diffusion Independently published).
- Langue : Français
- Broché : 210 pages
- ISBN-13 : 979-8376160671
- Poids de l'article : 236 g
- Dimensions : 11 x 1.35 x 18.01 cm
Également en vente par correspondance sur :
- Amazon
Cet épisode de Tu écris toujours ? tel qu'il était paru dans le Magazine des livres n°26 (septembre / octobre 2010) :
10 décembre 2024
Un extrait de mon livre CHRONIQUES OYONNAXIENNES
Bientôt Noël
En cette fin décembre, tout semblait à l’image du paysage, pétrifié par le gel. Le jeudi, je tentais quelques sorties vers les jardins communaux mais je m’arrêtais à la lisière de la forêt de la Brétouze dès que je voyais en me retournant s’éloigner les lumières des maisons. La nuit sans crépuscule me prenait de vitesse et je revenais prestement vers la limite du panneau Oyonnax.
En cette saison, je laissais sans regret derrière moi l’énorme obscurité qui avait englouti tous les territoires conquis durant les beaux jours. Un jardin potager où dansait encore la petite flamme d’un braséro, une cabane où fumait le tuyau de cheminée d’un vieux poêle, une rue en pente où débordait le néon cafardeux d’un atelier tout branlant du fracas sourd d’une presse à injecter, l’odeur sucrée du plastique en fusion, tout cela avait finalement du bon, même pour le héros masqué solitaire auquel je m’identifiais le temps de mes loisirs.
Ce jeudi soir, une heureuse surprise m’attendait au centre-ville, à deux pas de chez moi. Je venais tout juste de dévaler la rue de la Victoire et le passage Étienne Dolet lorsque mon ombre étendue jusqu’aux platanes du parking de l’église par la lumière d’un lampadaire disparut comme par enchantement dans une soudaine clarté. Les vieux platanes venaient de s’illuminer dans le ciel où la lune et les étoiles avaient maintenant de la concurrence, celle des guirlandes électriques de Noël qui révélaient aux yeux des passants rêveurs le moindre frémissement des feuilles sèches oubliées par les derniers grands vents d’automne. Les petites pommes d’or dans les arbres, la grande étoile jaune citron suspendue au-dessus de la rue Michelet, le sapin vert bouteille stylisé en un simple triangle se balançant entre deux façades place de la poste et Joyeux Noël écrit en lettres lumineuses multicolores au sommet de la porte monumentale, je pouvais en profiter non seulement au crépuscule mais encore tôt le matin sur le chemin de l’école. Lorsqu’il neigeait beaucoup, je pouvais marcher dans de grands rectangles bleus, verts, jaunes et rouges comme les vitraux de l’église. Toute cette féerie signifiait qu’on était dans la période de l’Avent.
Qu’est-ce que l’Avent ? interrogeait le maître après la prière, avant la dictée, et il pointait sa règle en direction de l’élève le plus dissipé du moment, de préférence celui qui n’avait pas entendu la question. Je lui aurais bien soufflé la réponse mais il était trop loin. La signification de la période de l’Avent était expliquée au catéchisme mais, désireux d’échapper à ce que j’estimais être des heures supplémentaires après la classe, je m’étais bien gardé de transmettre à mes parents le bulletin d’inscription distribué par le maître. Ce fut ma grand-mère maternelle Marie-Rose qui, à je ne sais plus quelle occasion, m’expliqua le sens de l’Avent.
Cela ne m’empêcha pas d’être un jour reçu en confession à l’église pour la première fois. J’espérais en profiter pour entrer dans le confessionnal et voir comment cela se présentait à l’intérieur de cette drôle de cabane mais à ma grande déception, le curé me fit simplement asseoir sur une chaise en face de lui dans la nef. Il avait une haleine qui sentait la banane. À force de me creuser la tête pour faire l’inventaire de mes péchés, je n’avais pas pensé à avouer que je séchais le catéchisme.
De toute façon, le prêtre m’avait informé du pardon de Dieu du moment que je me repentais sincèrement d’avoir hurlé dans l’église, d’être parti en courant après avoir appuyé sur le bouton de la sonnette de l’école des filles, d’avoir dégonflé les canots pneumatiques du marchand d’articles de sport, d’avoir volé un franc dans le porte-monnaie de ma mère pour tirer une chevalière ornée d’une tête de mort dans une boîte à sous Plaisir d’offrir de la fête foraine, d’avoir planté un pétard à mèche au milieu d’une grosse crotte de chien pour la faire exploser sur le trottoir, d’avoir bombardé mes camarades avec des marrons d’Inde et des poires pourries et d’avoir pissé dans le lavoir.
Les services de presse sont à demander à : contact.ccottetemard@yahoo.fr
- ASIN : B0C1JBHVG7
- Éditeur : Orage-Lagune-Express. Diffusion : Independently published
- Langue : Français
- Broché : 164 pages
- ISBN-13 : 979-8390413326
- Poids de l'article : 236 g
- Dimensions : 12.85 x 1.07 x 19.84 cm
- Commandes : ici
- Pour les personnes d'Oyonnax et sa région, ce livre est disponible au kiosque de l'hôpital d'Oyonnax (Ain) et à la librairie Buffet d'Oyonnax au prix de 12 €. Il est aussi disponible au prêt à la médiathèque municipale d'Oyonnax, centre culturel Aragon.
00:27 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : chroniques oyonnaxiennes, christian cottet-emard, souvenirs, orage-lagune-express, blog littéraire de christian cottet-emard, autobiographie, oyonnax, ain, rhône-alpes, france, haut-bugey, plastique, lunetterie, peigne et ornement de coiffure, entreprise, industrie, artisanat du peigne, lyre industrielle, harmonie lyre industrielle, place des déportés, neuengamme, déportation, allemagne, pension sacré cœur bourg-en-bresse, boulevard dupuy oyonnax, noël, avent
16 juin 2024
« Je suis toujours autobiographique, même si je me mets à raconter la vie d’un poisson. » (Federico Fellini)
Prairie journal (Carnets 2006-2016), 437 pages.
Sur un sentier recouvert (Carnets 2016-2023), 500 pages.
Pour les personnes d'Oyonnax et sa région, mes livres sont en vente à la librairie Buffet et au kiosque de l'hôpital d'Oyonnax. Ils sont aussi disponibles au prêt à la médiathèque municipale d'Oyonnax, centre culturel Aragon.
On peut aussi se les procurer en vente par correspondance sur Amazon ou en m'envoyant un mail : contact.ccottetemard@yahoo.fr
00:57 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carnet, note, journal, autobiographie, écriture autobiographique, récit, blog littéraire de christian cottet-emard, culture occidentale, individualité, individu unique et irremplaçable, fiction, narration, écriture, occident, autofiction, prairie journal, sur un sentier recouvert, orage-lagune-express, librairie buffet oyonnax, médiathèque municipale oyonnax