17 mars 2023
Conseils aux écrivains excédés par le bricolage
Cet épisode de Tu écris toujours ? tel qu'il était paru dans le Magazine des livres n°26 (septembre / octobre 2010).
Entre toutes les tâches qui pourrissent la vie de l’écrivain, le bricolage, ersatz de cette autre corvée qu’est le travail, devrait normalement être banni du quotidien de l’auteur qui se respecte, tout comme le quotidien lui-même d’ailleurs, sans oublier le travail, bien sûr. Pourtant, à ma grande honte, j’avoue qu’il m’arrive de bricoler, à l’inverse de mon riche voisin auteur d’un best-seller qui peut quant à lui se permettre de payer des spécialistes pour se taper sur les doigts et se salir les mains à sa place.
Je conseille donc à tout auteur allergique au bricolage de pondre d’urgence un best-seller. En ce qui me concerne, je n’en ai pas encore eu le temps car je ne dispose pas dans ma maison d’une gouvernante telle que Madame Tumbelweed qui veille si jalousement au bien-être de mon voisin et de son chat Sir Alfred. Injustement privé d’un tel soutien, je dois me résoudre à gérer moi-même les détails les plus triviaux de mon quotidien.
L’hiver dernier, par exemple, je suis tombé bien bas. J’ai transformé une vieille chemise en blouse et je me suis coiffé d’un bob publicitaire arborant le slogan : « Ohé matelot, la sardine qu’il vous faut » , un cadeau de Madame Tumbelweed. Elle détient une quantité considérable de ces couvre-chefs en raison de sa fidélité à l’épicerie qui fournit sa nourriture préférée à Sir Alfred. Ainsi affublé, j’ai peint au rouleau la moitié du plafond de mon salon après quoi je me suis ménagé une pause. Six mois après, pas plus tard que cet été, Madame Tumbelweed m’a donné un autre bob pour que je puisse peindre l’autre moitié du plafond. La pire des corvées durant ces travaux consiste en inévitables expéditions au magasin de bricolage où un phénomène étrange se produit dès mon arrivée.
La première fois que j’ai passé la porte de ce hangar surmonté d’une banderole sur laquelle on devrait inscrire non pas « Promotions sur les perceuses » mais plutôt « Vous qui entrez ici, laissez toute espérance » , tout s’est pourtant bien passé. Un vendeur est venu à ma rencontre. Alors que c’est habituellement moi qui prodigue des conseils, je me suis trouvé dans la pénible position d’en demander. Le vendeur m’a conseillé et je n’ai rien compris. C’est un peu plus tard que la situation a dégénéré.
Au fil des semaines, après plusieurs tentatives auprès d’un grand nombre de ses collègues, j’ai remarqué qu’à chacune de mes visites, le magasin semblait se vider de ses vendeurs. Plus une seule blouse à l’horizon. Abandonné à mon sort au rayon enduits et colles, telle la mouche engluée sur le ruban, j’en apercevais parfois un se faufiler telle une bête traquée entre les cuisines et les salles de bain. À l’évidence, ils avaient entrepris de m’éviter et vous n’imaginez pas la quantité de cachettes que recèle un magasin de bricolage.
Un jour, au rayon jardin, j’ai soulevé machinalement le couvercle d’une poubelle en plastique. Eh bien, vous me croirez si vous voulez, elle contenait un vendeur qui n’a rien trouvé de mieux à me dire d’un air gêné qu’il vérifiait l’étanchéité.
Un autre jour, pour qu’on s’occupe enfin de moi, je me suis déguisé en bricoleur. Je suis entré dans le magasin vêtu d’une salopette et coiffé d’une casquette publicitaire des peintures Hume & Plane sur laquelle était imprimé en jaune fluo « Peignez sans odeurs » (ils ne savent vraiment plus quoi inventer, vous pouvez très bien vous livrer à cette activité certes assez physique sans la moindre odeur en utilisant votre déodorant habituel). Au lieu d’attirer un vendeur, je me suis retrouvé cerné de clients bien décidés à ce que j’apporte une solution définitive à leurs problèmes de chasse d’eau, tout cela parce que je poireautais sous une pancarte portant la mention « Recyclez l’eau de vos toilettes » . J’ai choisi la fuite et je me suis coulé vers le rayon des papiers peints où j’ai fait tapisserie un bon moment. Un vendeur s’est approché. Mon erreur : avoir ôté ma casquette pour le saluer. Il m’a reconnu et a détalé en me jetant un regard épouvanté.
Bien sûr, j’aurais pu me plaindre à la direction mais je me suis souvenu que lors d’un salon du livre, je me suis carapaté encore plus vite devant un chasseur d’autographes notoire, vous savez, ce genre de pervers qui passent leur temps à se faire dédicacer des bons de souscription ou de commande sans acheter les livres qui vont avec. Il est vrai qu’en cette situation, je n’aurais pas hésité à sauter dans la première poubelle venue, même en courant le risque de la trouver déjà occupée par un confrère. J’ai donc pardonné aux vendeurs du magasin de bricolage mais leur carte de fidélité, ils peuvent la donner au sanibroyeur en promotion qu’ils m’ont livré à la place du destructeur d’archives que j’avais commandé.
Pour les gens d'Oyonnax et sa région, ce livre qui vient de paraître est disponible au prix de 10 € au kiosque de l'hôpital d'Oyonnax.
- ASIN : B0BTRRBS4V
- Éditeur : Orage-Lagune-Express (diffusion Independently published).
- Langue : Français
- Broché : 210 pages
- ISBN-13 : 979-8376160671
- Poids de l'article : 236 g
- Dimensions : 11 x 1.35 x 18.01 cm
Également en vente par correspondance sur :
- Amazon
01 mai 2022
Une nouvelle édition reliée et grand format de mes Poèmes du bois de chauffage
Présentation de l'éditeur :
Un nouvel habit pour un livre hors du temps...
Poèmes du bois de chauffage et autres récits de l'homme invisible par Christian Cottet-Emard, version Club (reliée & grand format).
Aux éditions Germes de barbarie chaque livre reste éternellement une nouveauté et sera donc toujours disponible au catalogue (même 30 ans après sa publication). Cela vaut pour les auteurs de la collection Poésie-poche avec, en ce qui les concerne, un petit plus : la sortie d'un faux-jumeau en grand format dans une édition soignée (je n'oserais pas dire "luxe") avec couverture cartonnée, reliure et papier ivoire 100g. Et cela change tout! Pour ceux qui voudront glisser le livre dans un sac à dos pour lire dans les transports ou perdu dans les bois, la version "grand poche", pour ceux qui préfèreront le ranger dans leur bibliothèque pour qu'il fasse bonne figure au milieu de leurs éditions originales, la version grand format.
Pour se le procurer : https://germesdebarbarie.weebly.com/poeacutesie-poche.html
Paiement par chèque (rajouter 4€ pour le port) à l'ordre de Bernard Deson, 619 rue Henri de Navarre, 24130 Le Fleix ou via PayPal à : bdeson@yahoo.fr
Une lecture de Bernard Deson :
Dans la même veine que Jim Harrison ou plus près de nous de James Sacré, Christian Cottet-Emard a écrit au jour le jour une sorte de journal poétique au ras des mots. Pas d'effets de manche, pas de fioritures, juste l'essentiel saisi dans l'urgence. "Ces brefs poèmes bricolés à l’air libre sous les frênes autour de ma maison et rafistolés sur un coin de table n’ont pas d’autre ambition que celle de s’assembler en un petit livre au milieu de millions d’autres. Les appeler poèmes est ironique de ma part. Si quelqu'un s’avise de les trouver zen, qu’il sache que je ne suis pas vraiment le genre de type zen. J’ai juste voulu faire peu avec pas grand-chose et je crois que j’ai réussi même si pas mal de gens penseront le contraire. Sans vouloir commander à qui aura la drôle d’idée de lire ces poèmes qui n’en sont pas tout à fait, je voudrais juste suggérer de ne pas trop s’échiner à trouver un message au lieu d’un lézard sous chaque pierre." Si le poète mène une vie quotidienne percluse de routines et de mauvaises habitudes il l'assume pleinement et la sublime : "Le matin tu n'arrives pas à te lever tôt tu aimerais / rejoindre l'aube pour vivre plus / L'aube avec ses beaux sentiments / mais tu n'adhères pas tu n'y crois pas (pas encore) / pas avant dix heures pas avant l'heure du facteur". Tout lyrisme semble exclu de ces pages et c'est tant mieux. La poésie est là, dans chaque geste, dans chaque regard posé sur les objets du quotidien, dans une bouteille de whisky, dans une montagne de bûches que le camion du livreur vient de benner. Christian Cottet-Emard est entré en poésie à reculons un jour de neige sur les hauteurs du Jura qui l'hébergent depuis son départ volontaire de la ville industrielle de l'Ain qu'il n'avait jamais quittée jusque là. Les cinq sens aux aguets, il vit, tout simplement, sans demander son reste : "Tu as longtemps cru que la poésie était un diamant à extraire de la boue / Qu'il fallait s'acharner à le trouver puis à le tailler jusqu'à la perfection qui n'est pourtant pas du monde des humains / mais non le diamant naît des catastrophes et les provoque".
Christian Cottet-Emard est né le 24 novembre 1959 à Montréal dans l’Ain. Auteur de poèmes (Le Monde lisible, éd. Orage-Lagune-Express), d'essais (Jean Tardieu, un passant, un passeur, éd. La Bartavelle), de romans (Le Grand Variable, éd. Éditinter, Le Club des pantouflards, éd. Nykta) et de nouvelles (Dragon, ange et pou, éd. Le pont du Change). Membre du comité de lecture de la revue de littérature Le Croquant de 1987 à 2010. Collaboration au Magazine des Livres dans lequel ont paru de nombreux épisodes de son feuilleton Tu écris toujours ? publié en volume en 2010 aux éditions Le Pont du Change. Bourse d’écriture du Centre National du Livre en 2006. Depuis 2005, il consacre l'essentiel de son temps à la littérature. Actuellement, membre du comité de rédaction de la revue littéraire Instinct nomade.
Derniers ouvrages parus : Prairie Journal (carnets), 2016, Charmes (roman), 2020, Le Grand Variable (roman), nouvelle édition revue et corrigée en 2021 aux éditions Orage-Lagune-Express, Aux grands jours (Poèmes), 2020, et aux éditions Club en deuxième édition reliée, 2022, et Mariages d'automne (nouvelles), 2017, aux éditions germes de barbarie.
Présentation du livre à la radio, à l'initiative du regretté Christian Lux :
Ici, podcast de l'émission.
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15:11 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christian cottet-emard, poèmes du bois de chauffage, éditions germes de barbarie, bernard deson, poésie, littérature, blog littéraire christian cottet-emard, édition, réédition, deuxième édition, parution, publication, poèmes, le fleix, périgord, aquitaine, sud ouest