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30 avril 2007

Une autre pièce d'or

« Encore une fringante journée de printemps qui est sortie comme une autre pièce d'or de l'escarcelle de la nuit. »

(Hubert Nyssen)

17 mars 2007

Deux petits livres qui piquent

medium_jefume.2.jpgRepris dans ma bibliothèque ces derniers jours, ces deux petits livres qui piquent. Le premier, « Je fume et alors ? » de Jean-Jacques Brochier (1990), est plus que jamais d'actualité. L'auteur doit aujourd'hui se retourner dans sa tombe car la menace d'une société d'ordre moral et d'hygiénisme gagne insidieusement du terrain, certes sans trop de bruits de bottes et avec ce sourire commercial proche du rictus, ce sourire obligatoire qui, en vérité, fait froid dans le dos. Ne nous y trompons point, les crispations sur le tabac, le vin et la bonne vieille cuisine consistante ne doivent pas leurrer sur la nature de l’offensive des pisse-vinaigre et des gobe-mouches. « Le tabac est une forme de quant-à-soi, ce que ne tolèrent ni les États ni les fanatiques du Contrat Social, surtout quand ils se transforment, si aisément, en chiens de berger du troupeau rousseauiste. L’humour de Diderot leur fera décidément toujours défaut. » écrivait le directeur du Magazine Littéraire. J’espère que son âme vole aujourd’hui en paix au milieu des volutes de brunes et de havanes.

L’autre pamphlet de cette collection « Iconoclastes » (Les Belles lettres éditeur), je l’ai extrait du rayonnage spécialement réservé à mes livres de et sur René Char. Car je suis un passionné de René Char, ce qui ne m’empêche nullement de goûter cette petite merveille de méchanceté qu’est « Contre René Char » de François Crouzet (1992). La méchanceté n’a guère d’intérêt lorsqu’elle est sans intelligence et sans esprit, or elle en est largement pourvue dans ce petit livre qui déboulonne la statue du commandeur en usant d’un humour féroce, citations à l’appui. J’oserais dire que François Crouzet s’est bidonné précisément là où Paul Veyne a bossé. Tous les admirateurs de Char le savent, le grand poète s’est parfois caricaturé lui-même mais ses moments de faiblesse ne pourront égratigner ses poèmes les plus merveilleux, les plus solaires, pas même cette charge désopilante. Alors pourquoi mettre l’accent sur ce livre ? Mais pour ne pas tomber dans la vénération et la pompe commémorative, lesquelles menacent plus la mémoire de René Char que la joyeuse insolence de François Crouzet. Quant à réunir ces deux pamphlets en une même note, cela peut paraître incohérent mais à y regarder de plus près, ils dénoncent tous les deux le même mal, l’alliance du consensus mou à l’esprit de sérieux au service d’une société aseptisée à la violence feutrée. Le genre de société qui veut nous protéger du tabac plus que du diesel et de la chimie, le genre de société qui statufie le poète résistant d’hier mais qui goûte peu ce qui résiste aujourd’hui et encore moins la poésie.

19 février 2007

L'éditeur et le poète

medium_dubost.jpgLettre d'un éditeur de poésie à un poète en quête d'éditeur, Louis Dubost, Ginkgo éditeur. 2006, 123 p., 7 euros.

(Cet article est paru dans la revue La Presse littéraire n°7, août, septembre, octobre 2006)

Certains savourent d’autres toussent. La Lettre d’un éditeur de poésie à un poète en quête d’éditeur de Louis Dubost, dès ses premières éditions, malmène l’ego de quelques candidats à la publication aux manières désinvoltes. Ce texte instructif et malicieux dont je m’étais procuré le mince livret publié chez Deleatur (2001) vient de reparaître chez Ginkgo, augmenté de réponses d’auteurs et de considérations sur le dur métier d’éditeur. Cela donne un petit livre encore plus savoureux aux couleurs d’un bonbon mais d’un bonbon qui pique. Amateurs de douceurs onctueuses s’abstenir ! 
En effet, à l’ironie somme toute assez bienveillante de Louis Dubost (lorsqu’on sait la goujaterie de certains plumitifs), viennent s’ajouter les rages, dépits et coups de sang de ceux qui s’exposent imprudemment en envoyant leurs oeuvres à l’aveuglette, c’est-à-dire sans prendre au moins le soin de se renseigner sur le catalogue et sur la sensibilité d’un éditeur de poésie recevant cinq cents manuscrits par an. Parmi ces velléitaires qui se rêvent ou se cauchemardent écrivains, certains ne sont pas le moins du monde gênés de déclarer qu’ils n’ont pas le temps de lire. Et Louis Dubost de leur répondre du tac au tac : Vous avez bien le temps d’écrire ! 
Cette petite déprime passagère dont l’éditeur des poètes d’aujourd’hui avoue s’offrir parfois le luxe en rêvassant au montant d’une commande d’un livre à dix euros par les seize mille pourvoyeurs de manuscrits, on la comprend, surtout à la lecture des instantanés que Louis Dubost appelle des clips, moments glanés sur les stands des foires aux livres et autres salons, notamment au Marché de la poésie parcouru par des porteurs de cartables et de saccoches plus gonflés de manuscrits inédits qu’affamés de livres exposés à la vente. En un geste révélateur de leur mentalité, ces chasseurs d’éditeur posent parfois sans vergogne leur bagage sur les livres présentés au public !   
Les poètes en quête d’éditeur ne sont heureusement pas tous des mufles. Beaux joueurs, quelques uns reconnaissent la vertu pédagogique de la Lettre dont cette nouvelle édition, illustrée par les petits personnages du dessinateur Pascal Jousselin (http://pjousselin.free.fr/), offre un point de vue imprenable sur l’étrange paysage éditorial d’aujourd’hui où tentent de survivre les artisans de la poésie. Un livre à se procurer d’urgence avant de laisser dégénérer une subite crise de vers en un envoi irréfléchi ou prématuré de manuscrit.

Christian Cottet-Emard