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31 décembre 2020

Carnet des neiges

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Cette année m’ayant permis de faire le plein de soleil et de lumière plus que de coutume, je parviens mieux à me conditionner pour essayer de supporter la neige mais cela reste un effort. Je me régale d’avance du vent doux et de la pluie qui balayeront en une nuit cette poisse blanche.

À chaque arrivée des flocons, j’ai l’impression d’un gros coup de gomme sur le paysage que j’aime. Mes guirlandes électriques de Noël aux ampoules emmaillotées dans la neige comme des bonbons dans leur papier transparent semblent certes doubler de volume et briller encore plus mais c’est une bien provisoire consolation.

Comme tous les enfants, la neige m’a ravi un temps, je me souviens même de mon premier contact avec elle dans la cour de mes grands-parents en montant dans l’Aronde Simca de mon père alors que je marchais à peine.

Tout a commencé à changer plus tard lorsque l’enfant ombrageux que j’étais a associé la neige aux classes de neige auxquelles j’ai catégoriquement refusé de participer au grand regret de mes parents (surtout de mon père qui ne comprenait pas mon aversion pour le sport, le groupe et les déplacements hors de mon environnement familier).

Tout gamin, j’ai consenti en famille à essayer une fois le tire-fesses de la Pesse auquel je suis resté suspendu dans les airs et, tout de même arrivé en haut de la piste par je ne sais quel prodige, la descente qui s’est terminée plus tôt que prévu par une collision avec bâtons cassés et bosse considérable pour le malheureux qui s’est trouvé sur ma trajectoire.

Si je n’ai plus jamais chaussé de skis de descente après cet épisode (même si on me payait, je refuserais de partir aux sports d’hiver), il m’est arrivé d’utiliser des skis de fond non pas pour le plaisir de la glisse, comme on dit en charabia sportif, mais dans le seul but de me déplacer dans des endroits inaccessibles en hiver. Quant aux raquettes (qui font un bruit infernal interdisant tout bavardage), il peut m’arriver d’en chausser pour quelques balades, non par goût de l’activité physique mais pour l’agrément d’une sortie entre amis de confiance avec le repas au Berbois (avec digestif) suivi du retour cigare au bec par les sapinières poudrées et brossées au givre.

La preuve que le sport, notamment le sport de neige, est mauvais pour moi, c’est qu’il décuple mon appétit déjà féroce même après des jours sans bouger. Plus je bouge, plus je mange, bois et fume, alors je ne vois pas où est le bénéfice.

Et puis, rien ne me rebute autant que l’idée du ski comme marqueur social. Il fut un temps où le marqueur social de la vieille bourgeoisie était l’apprentissage du piano (de bon ton si j’ose dire). Maintenant, ce n’est plus le piano, c’est le ski. Mais du point de vue du conformisme non plus bourgeois mais bobo, c’est la même rengaine.

Alors, que ça fonde, et vite !

26 décembre 2020

Carnet / Le toucan du tonton Louis

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Un des plaisirs de Noël : le cadeau tardif, toujours inespéré. Quel pouvait être mon âge ? En tous cas, je savais lire.

J’étais seul avec ma mère lorsqu’une voix inconnue m’interrompit dans mes coloriages et dans l’écoute d’un de mes disques préférés, Casse-noisette de Tchaïkovski. Je levai les yeux sur un vieux monsieur vêtu de noir qui me parut très grand, chenu, plutôt réservé. Il me tendit un large et lourd rectangle emballé d’un papier cadeau et dit à ma mère sans s’adresser directement à moi « voilà pour le jeune homme » . J’étais flatté qu’un vieux monsieur m’appelle jeune homme. Le papier cadeau libéra la couverture d’un beau livre intituléLes Animaux de la jungle. Ce devait être le lendemain de l’Épiphanie car j’avais eu un restant de brioche pour mon goûter.

Ma mère m’invita à dire merci et au revoir au tonton Louis. J’avais déjà entendu parler de lui dans les repas de famille mais encore aujourd’hui, le lien de parenté avec cet homme âgé est resté pour moi très flou. Je ne l’ai d’ailleurs jamais revu après cette visite qui est pourtant gravée dans ma mémoire à cause du livre Les animaux de la jungle, notamment après avoir découvert qu’il existait dans le monde un oiseau appelé le toucan, un oiseau flamboyant au bec orange vif et aux yeux goguenards. 

Ce livre aux illustrations somptueuses et aux textes imprimés en gros caractères m’apprit aussi qu’il existait une créature nommée iguane et que les indiens de la jungle surnommaient  ce lézard poulet des forêts, ce qui, en dehors du fait que ma mère m'appelait parfois poulet,modifia mon regard non seulement sur le poulet rôti dominical mais encore sur ce monde étrange dans lequel je débutais au son de la Danse de la fée-dragée.

Illustration toucan prise ici

 

18 décembre 2020

Carnet / Qui a peur de l’autobiographie ? (3)

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Lisbonne, 2013

(Extraits de mon essai sur l’autobiographie)

Première partie à lire ici.

Deuxième partie : là.

 

Qui ne s’est pas entendu dire un jour, notamment dans l’enfance et l’adolescence : on ne te demande pas ton avis, ce n’est pas ton cas personnel qui compte, tu ne vas pas raconter ta vie... Et qui n’a pas intégré au plus profond ces injonctions au point d’y souscrire en les reformulant sans y réfléchir vraiment : je ne cherche pas à parler en mon nom, mon avis n’a pas d’intérêt, ce n’est pas que je veuille raconter ma vie mais... Mais quoi au fait ?

 

Mettre notre individualité en veilleuse est la première et principale injonction que nous recevons du groupe dès le début de notre socialisation, et cela depuis la nuit des temps. C’est l’implacable loi tribale que l’évolution de chaque civilisation module selon ses besoins et ses croyances. Même en Occident, les notions d’individu et de vie privée relèvent de la modernité. Signer une œuvre et en revendiquer la propriété est une pratique récente (quelques siècles) dans l’histoire de la création artistique occidentale.

 

C’est ainsi que nous en arrivons à l’autobiographie, cette œuvre caractéristique de la modernité dont l’auteur est la matière et qu’il signe en tant qu’individu unique et irremplaçable tout comme son expérience. L’individu, la vie privée, la signature, l’être unique et irremplaçable sont les victoires de l’Occident y compris dans sa dimension religieuse chrétienne. Pour les croyants, Dieu voit et regarde chacun ; et chacun a une relation personnelle avec Dieu, ce qui est une idée cruciale, si j’ose dire, y compris pour l’agnostique qui écrit ces lignes, parce que l’auteur de l’autobiographie réalise qu’il est digne d’être lu, regardé, que ce soit sous le regard divin ou humain.

 

Voilà qui explique une partie des réticences exprimées de nos jours plus encore qu’en d’autres époques à l’encontre de l’autobiographie, ce péché contre l’humilité, ce défi au collectif. En effet, quoi de plus orgueilleux voire de plus arrogant que de prétendre créer et plus encore, dans une certaine mesure, se créer ! Comment une telle prétention, une telle impudence, ne pourraient-elles pas heurter de front tout système de pensée et toute culture hostiles à la notion d’individualité ? De ce point de vue, l’autobiographie a eu et a toujours beaucoup d’ennemis, même au sein de la civilisation occidentale lorsque celle-ci a connu les effondrements des deux guerres mondiales mais aussi, de nos jours, dans l’Occident qui doute, ou pire, qui se prend lui-même en détestation, ce qui constitue encore une menace d’un nouvel épisode d’effondrement.

 

Mais laissons là les digressions et revenons au sujet par une anecdote.

 

J’avais il y a quelques années fait lire à une connaissance un petit ensemble d’articles sur Marguerite Duras que j’avais publié dans le Magazine des livres. Il m’avait été reproché d’employer la première personne du singulier pour décrire mon approche de Duras et de ce fait, de me mettre en scène. Ce reproche m’est parfois adressé lorsque je choisis ce type de narration dans mes chroniques, notamment dans mes collaborations pour la presse. Je me tiens souvent à ce choix parce que je trouve cet angle plus vivant que cette pseudo objectivité dont on nous rebat sans cesse les oreilles et qui n’aboutit le plus souvent qu’à des textes calibrés, lisses et bien ennuyeux.

 

Comme disait Federico Fellini, « Je suis toujours autobiographique, même si je me mets à raconter la vie d’un poisson. »

(À suivre)

© Éditions Orage-Lagune-Express