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27 juillet 2024

De ma « non-rencontre » avec Charles Juliet (1934 -juillet 2024)

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Charles Juliet à la médiathèque du centre culturel Aragon à Oyonnax. (Photo © Christian Cottet-Emard, 2012)

 Ma dernière rencontre avec Charles Juliet remonte à 2012 lors d'une de ses interventions publiques à la médiathèque municipale d'Oyonnax. le mot « rencontre » concerne plus l'œuvre que l'homme car bien que ses livres occupent presque un rayon entier de ma bibliothèque, la connexion, comme on dit maintenant, ne s'est jamais vraiment établie entre nous, à l'inverse de la sympathie réciproque immédiate dont je me souviens avec Jean Tardieu, ainsi qu'en atteste une photo de ma consœur de l'époque, Sylvette Germain. Question de tempérament, probablement.

Une rencontre plus ancienne avec Charles Juliet doit dater de la fin des années 80 ou du début des années 90, époque à laquelle je l’avais photographié pour un journal quotidien et pour la revue de littérature et de sciences humaines Le Croquant.

À la médiathèque d'Oyonnax, par la magie des appareils qui fonctionnent en silence et sans éclairs, j’ai tiré quelques photos en l’écoutant parler une fois de plus de sa naissance laborieuse à l’écriture, de ses années de doute, de sa quête de soi, de ses souvenirs de jeunesse et de maturité et du degré d’exigence qu’il s’efforcait d’apporter à sa pratique d’écrivain.

Ce moment d’échange entre les lecteurs et Charles Juliet m’a rappelé les circonstances professionnelles parfois marquées d’anecdotes comiques qui m’ont conduit par le passé à me trouver en sa présence. J’avais abordé le sujet dans ces colonnes dans ce texte sur le thème des rencontres avec les écrivains dont je redonne aujourd’hui un extrait :

Alors que je venais d'obtenir ma carte de presse, au début des années 80, je vois encore Charles Juliet, s’adressant à des lycéens depuis une estrade au lycée Paul Painlevé d’Oyonnax, rouler des yeux anxieux dans ma direction parce que je me contorsionnais sous son nez pour lui tirer le portait lors d’une interminable séance de photos au terme de laquelle je m’aperçus avec horreur qu’il n’y avait pas de pellicule dans l’appareil.

Des années plus tard, à Meillonnas dans l’Ain, dans la maison où vécut Roger Vailland, lors d’un apéritif en plein air, en petit comité et en bonne compagnie, en présence, notamment, de Charles Juliet, quelqu’un se fendit de cette classique et non moins étrange question, version assez voisine et collective de la récurrente « Tu écris toujours ? » : « Pourquoi écrivez-vous ? » Je ne me souviens plus de quelle manière Charles Juliet se tira de cet embarras mais lorsque les regards convergèrent vers moi, j’en étais encore à allumer un petit Davidoff et, Dieu sait ce qui me passa par la tête, je répondis que j’écrivais pour payer mes cigares, ce qui eut pour effet de faciliter le passage d’un ange et de couper court à tout dialogue, notamment avec mon voisin de fauteuil en rotin, l’auteur de L’année de l’éveil qui m’envoya un regard éteint sans toutefois renoncer à un haussement de sourcil désapprobateur (je ne me rappelle plus si c'était le droit ou le gauche).

Après le dîner, Michel Cornaton, le maître de maison, directeur de la revue Le Croquant, demanda à Charles Juliet s’il voulait bien accepter de poser pour une photo et me désigna pour appuyer sur le déclencheur. Mon appareil était certes chargé ce soir-là mais le flash ne voulut jamais partir. Je suggérai donc à notre hôte de braquer un petit abat-jour sur la tête de Charles Juliet, ce qu’il s’empressa de faire en une laborieuse gymnastique qui mit notre écrivain assez mal à l’aise. Après les photos sans pellicule, on lui refaisait le coup sans flash et en lui braquant une ampoule dans la figure, comme dans les films policiers...

Quand vint l’heure du digestif, pour me faire pardonner ces enfantillages et lui prouver que je le lisais depuis longtemps, je demandai à Charles Juliet de me dédicacer un opuscule imprimé en ronéo par les éditions du Dé bleu, un petit recueil de fragments de son fameux journal. Il sembla surpris et perplexe de voir réapparaître cette humble et ancienne publication (un vestige du temps où il n'était pas connu) qu’il parapha poliment. Avec tout ce que je lui avais fait endurer, peut-être me soupçonnait-il maintenant d’être un de ces collectionneurs d’autographes n’ayant de cesse de revendre l’objet pour acheter des cigares !

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La fameuse photo « à l'abat-jour » ! (Photo © Christian Cottet-Emard)

08 décembre 2017

Carnet / Mégalo nécro

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Je m’interroge en revanche sur le sens des cataractes de nécrologies échappant à toute mesure qui s’abattent sur la presse écrite et audiovisuelle.

En achetant le Figaro de jeudi pour son supplément littéraire, j’aurais dû me méfier. Chaque fois que ce qui est considéré comme un événement d’ampleur se produit, c’est toujours le supplément littéraire qui dégage, remplacé cette fois par un cahier entier consacré au défunt.

Seul le supplément économique du journal était vierge de toute allusion au chanteur alors que cette rubrique était à mon avis la plus appropriée pour recevoir l’hommage à l’homme au cent dix millions de disques vendus.

Dans cette édition du Figaro, même la Une avait disparu au seul profit d’un portrait de scène accompagné d’un éditorial évoquant un trésor national. Dans d’autres médias, on parle de la disparition d’un monument national. La tour Eiffel se serait-elle effondrée ? Le Louvre aurait-il sombré dans un cratère ? Notre Dame de Paris se serait-elle envolée vers des cieux plus cléments ? Non, un chanteur de variété est mort.

Cette hallucinante surenchère larmoyante, ce matraquage et ce renoncement définitif à toute hiérarchie de l’information sont des signes, ainsi que l’écrit Roland Thévenet sur son blog, que le pays va mal, très mal.

Pour m’informer de l’actualité de la France et du monde dans un journal que je paye pour cela, il m’a fallu feuilleter jusqu’à la page 8, les précédentes étant exclusivement remplies par la logorrhée nécrologique, sauf la page 6 contenant l'analyse pertinente de Jean-Pierre Le Goff.

À la télévision, le pire n’est pas que les rentiers de l’émotion viennent rouler leurs larmes, notamment les vieux crocodiles du show-biz, mais que les journalistes présentateurs décrètent le chagrin automatique pour l’ensemble de la population. Et chacun, y compris le politique toujours angoissé de se louper, de pousser sa petite variation : On a tous en nous quelque chose de Johnny Hallyday (Macron), Nous avons tous un souvenir lié à une de ses chansons, j’en passe et pas des meilleures.

Ce nous qu’ils emploient d’autorité me déplaît car pour ma part, je n’ai absolument rien en moi de Johnny Hallyday, je n’ai et ne voudrais pas du tout avoir un seul souvenir lié à une de ses chansons dont je ne connais d’ailleurs que des bribes qui me sonnent aux oreilles contre mon gré depuis cinquante-huit ans et que j’aurais peut-être le malheur d’entendre encore le jour où je serai trop vieux pour couper moi-même le son d’une sono, d’une radio ou d’une télé.

Si je devais me trouver un jour funeste dans cette situation, je prie Dieu qu’une âme charitable vienne me coiffer d’un casque avec une œuvre classique suffisamment puissante pour couvrir la voix et le son de l’idole des vieux de ma génération.

 

 

08 juillet 2014

Carnet / De l’évasion, de la nécrologie et des gentils donateurs

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Au courrier récemment, la plaquette de ce qui fait office de saison de spectacles 2014-2015 à Oyonnax. Parfaite continuité avec la programmation de l’an dernier, voire à peine en-dessous, mais ne chipotons pas. À ce niveau, tout cela reste très homogène et cohérent, conforme aux productions (c’est vraiment le mot juste) que des municipalités bien obligées de traîner le boulet de la culture se débrouillent pour financer à la diable malgré des dépenses beaucoup plus urgentes telles que les pelouses chauffées pour les stades, les commémorations en costumes d’époque et les étapes de vélo national.
Aucun autre commentaire concernant cette programmation oyonnaxienne sinon celui-ci : pas de panique, Lyon et Genève à une heure de trajet. Je pratiquais depuis longtemps l’évasion commerciale, me voici en plus dans l’évasion culturelle.

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Réponse : un mort. Telle est, la plupart du temps, l’impression ressentie après la lecture d’une nécrologie. Le plus souvent, l’individu concerné était « exigeant avec les autres mais aussi avec lui-même » . Il pouvait certes « avoir des colères » pour qui  « ne se montrait pas à la (sa) hauteur » , mais « témoignait d’un esprit d’équipe à toute épreuve » , et «partageait volontiers quelques moments de détente avec ses collègues» . Assurément un défunt sympathique selon les standards nécrologiques et sociaux mais le genre de vivant qu’en ce qui me concerne, j’évite comme la peste.

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D’habitude, je ne m’intéresse pas aux turpitudes financières des partis politiques car ces informations débitées par des journalistes aux accents de vierges effarouchées sont trop répétitives. De plus, ce genre de sujet abordé lors d’un repas de famille ou entre amis peut gâcher le dessert. La tarte aux pommes de grand-mère mérite-t-elle d’être avalée de travers ou de finir sur la tête d’un convive à cause de la politique? Non ! Une tarte maison, contrairement à la politique, ça se respecte.
Mais puisque nous ne sommes pas à table en ce moment, je suppose tout de même qu’après l’appel aux dons de l’UMP, les gentils donateurs qui ont retiré vingt ou trente euros de leur petit porte-monnaie (oui, j'en suis pantois mais ils existent !) apprécient en ce moment les récents développements de l’actualité concernant les coûts présumés de certains frais de représentation et de déplacement dans les hautes sphères.