01 juin 2013
Manège
Qu’est-ce que ces arbres pour lesquels dirais-tu pour qui tu n’es jamais parti étranger pourtant en ton pays natal
Arbres-mondes que tu croyais éternels comme l’enfant peut croire éternel ce qui était là avant lui
Le coup de vent de 1999 a couché le sapin dont la graine a germé au dix-huitième siècle
La foudre a fracassé le grand érable comme un amour tardif fend l’homme d’expérience
Un petit avion rouge t’emmenait aux cimes de sept platanes dans l’odeur des berlingots
Il n’en reste aujourd’hui que trois près de l’église cernée par un parking payant
Les autos qui tournaient en rond ont été remplacées par des vraies qui ne vont guère plus loin et le pompon ne donne plus droit à un tour gratuit
Mais il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants
Photo : années soixante. Ma plus belle auto.
© Éditions Orage-Lagune-Express, 2013 (texte et photo).
23:42 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : manège, vogue, fête foraine, saint léger, église saint léger, auto, avion, sapin, arbre, érable, tempête de 1999, tempête du siècle, pompon, tour gratuit, platane, berlingot, récit des lisières, estime toi heureux, poème, poésie, littérature, souvenir, note, croquis, journal, carnet, éditions orage lagune express, droits réservés, copyright, années soixante
13 janvier 2011
L’arbre à parole.
Après Noël, les sapins gisant dans leurs aiguilles bordent les trottoirs. Adossés le long des murs, leurs ombres frôlent la pierre où s’aventurent nos silhouettes.
Ces sapins de la dernière fête qui jonchent encore quelques jours la chaussée sont des arbres à parole. Nous leur avons donné le pouvoir de dire notre soif de féerie et surtout nos espoirs ou nos souvenirs suspendus à leurs branches parmi les guirlandes.
Le sapin de Noël ne vivra jamais aussi longtemps que son grand frère des montagnes, tout auréolé d’orages et de nuits, de givres et de jours, de brumes et de brises.
Dès le retour des beaux jours, les voleurs de sapins, braconniers d’une nuit, retourneront écouter dans l’ombre velue des forêts la respiration des sapinières, sans le moindre remords malgré la souche contre laquelle butera leur pas.
(Extrait de L’Inventaire des fétiches, éditions Orage-lagune-Express, 1988.)
01:40 Publié dans L'INVENTAIRE des fétiches | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : noël, sapin, forêt, sapinière, futaie, littérature, poésie, l'inventaire des fétiches, christian cottet-emard, jura, franche-comté, ain, rhône-alpes
04 janvier 2010
Carnet des nuits scintillantes et glaciales
Cela faisait un bout de temps que je n’avais pas vu le renard. Ces dernières nuits scintillantes et glaciales, je l’ai d’abord entendu, malgré le double vitrage, non pas glapir mais pousser de longues plaintes rauques. Plusieurs fois, derrière la vitre où se reflétait le feu, je l’ai regardé trotter en direction du village. Il avait l’air très agité, peut-être affamé, ce qui expliquerait son passage si près des maisons. L’avant-dernière nuit, alors que je m’étais enveloppé dans mon manteau pour fumer un cigare sur le seuil, le bruit sec de ses pattes sur la neige gelée m’a alerté et je n’ai eu qu’à bouger les yeux pour le voir apparaître à dix mètres à peine, dans la clarté du premier lampadaire de l’éclairage public. La direction de l’air ne lui a pas permis de flairer ma présence et, grâce à ma considérable aptitude à l’immobilité, j’ai pu constater sans l’inquiéter que ce renard n’était pas un freluquet.
Du coup, je me suis remémoré les premières mesures de Renard de Stravinsky, et cette musique m’a accompagné jusqu’au bord du sommeil.
Le lendemain matin, les deux chats sont revenus mendier leur pitance. Le froid ne les ménage pas et ils engloutissent leur pâtée, l’un en me faisant des fêtes (le gros mâle dominant déjà d’un certain âge) et l’autre, la minette au coup de patte facile, mais qui oublie toute prudence lorsque je remplis la gamelle. J’ai décidé de l’appeler Diane car elle est très gracieuse et chasse avec une efficacité redoutable les mulots, campagnols et souris qu’elle avale en commençant par la tête. Après, on voit la queue du malheureux rongeur disparaître dans la gueule et la petite diane chasseresse repartir momentanément repue vers d’autres aventures.
Je me demande si les chats et le renard se surprennent en rôdant autour de la maison mais j’ai plutôt l’impression qu’entre espèces incapables de s’entendre, ils ont la sagesse de s’éviter. Après tout, leur monde est assez vaste pour cela et chacun y trouve son compte...
Entre Noël et le jour de l’an, la promenade prévue avec des amis n’a pas été possible. Je me suis pour ma part contenté de l’indispensable petit tour quotidien dans les futaies, sentiers et petits crêts au-dessus de la maison.
Je vais tenter de placer le sapin Frazer en pot qui a cette année supporté les guirlandes et les boules multicolores dans un endroit de la propriété propice à sa survie. Cette espèce étant canadienne, le climat jurassien ne devrait pas trop lui déplaire.
Ces fêtes endeuillées sont maintenant terminées. Malgré la disparition d’un être cher, on a célébré Noël et souhaité la bonne année, la vie est ainsi faite, elle continue car elle ne sait pas faire autrement.
Photos : crépuscule à la Vierge et fin d'après-midi sur les crêtes au-dessus de la maison.
02:52 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : nuit, hiver, neige, glace, renard, chat, stravinsky, frazer, sapin, blog littéraire de christian cottet-emard