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21 mai 2016

Carnet / D’une antichambre du néant

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Impossible d’approcher de la gare sans prendre en pleine face non seulement l’image de la maison vendue mais encore la vision de toutes celles, voisines, où tout gamin je circulais le long du chemin de fer en traversant leurs parcs et leurs jardins. Les vieux entrepôts faisaient écran à cette perte irrémédiable, ils étaient une enceinte de confinement à cette colère tour à tour brûlante et froide qui me tourne dans la tête et les entrailles depuis que cette maison a échappé à ma famille et qui me tient parfois éveillé tard dans la nuit comme en ce moment quand elle ne vient pas déferler dans mes rêves comme un torrent de lave.

Cette maison n’avait pourtant rien d’extraordinaire, une bâtisse assez massive construite dans un style courant au début du vingtième siècle avec un œil de bœuf au grenier, une grande fenêtre ronde à la salle de bain du rez-de-chaussée, une ouverture plus petite à la salle de bain de l’étage et un petit perron surmonté d’une verrière. Une cour cimentée et bordée latéralement par deux corps de bâtiments parallèles qui servaient à l’origine d’ateliers, séparée du boulevard par le portail grinçant que j’évoquais précédemment. Dans un recoin de la cour, un imposant tilleul, coupé par les nouveaux propriétaires, embaumait l’intérieur dès qu’on ouvrait les fenêtres, notamment celles des deux cuisines et de la chambre de bonne. À l’opposé, côté voie ferrée, un grand jardin avec des pommiers, des poiriers et des pruniers.

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À l’époque où l’artisanat de peigne et d’ornement de coiffure de l’entreprise familiale avait laissé la place à la production de petite maroquinerie et d’objets publicitaires en matières plastiques, la presse à injecter installée dans un des ateliers envoyait des effluves sucrés assez écœurants dans la cour, une odeur qu’on retrouvait dans toutes les propriétés de la ville où cette activité battait son plein lors des Trente Glorieuses.

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Lorsque mes grands-parents prirent leur retraite et que mon père se décida enfin à renoncer à la chimère de relancer l’entreprise, la propriété traversa les dernières décennies du vingtième siècle comme un bateau en dérive mais à peu près soustrait aux tempêtes des temps nouveaux. Et puis, passé l’an 2000 qu’on m’avait dépeint dans mon tout jeune âge comme l’ère extraordinaire de la science-fiction débarquant dans le monde réel, ce fut le début de la fin ordinaire, non seulement celle des héros et des bonnes fées mais aussi de leur palais de vérité et d’illusion. La maison vidée et vendue.

Je me sens confronté à quelque chose de hideux, de profondément morbide et funeste lorsque mon regard bute sur cette maison désormais dévoilée par le trou béant laissé par la destruction des entrepôts. En la voyant depuis les rues du centre ville de manière totalement anormale, la maison m’apparaît dans sa définitive étrangeté, au sens où elle m’est devenue pour toujours étrangère. Dans cette perspective radicalement nouvelle, comme il était impossible et impensable de la voir sous cet angle dans le temps où elle appartenait à ma famille et où elle constituait l’univers de mes débuts dans la vie, cette maison m’apparaît maintenant à l’envers, telle une de ces anomalies qu’on rencontre dans les cauchemars où un détail absurde nous ouvre une porte sur cet envers qui est aussi l’enfer et qui nous fait franchir une des sinistres antichambres du néant.

Dans mes rêves, je rachète la maison à n’importe quel prix et je la fais aussitôt raser de manière à ce que ne subsistent même pas les fondations. Une fois le terrain remblayé, je fais semer une pelouse au centre de laquelle je fais planter un tilleul et je me débrouille avec l’aide de mon notaire pour que rien d’autre que ce tilleul ne puisse s’installer et croître en ce lieu pendant cent ans. Alors, quand j’entends remonter le grincement du portail depuis les profondeurs du temps et du sommeil, je me réveille en sursaut, le souffle court, en proie à cette rage glaciale que j’emporterai avec moi jusqu’au tombeau.

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 * Note concernant les papiers à en-tête reproduits ici : le nom de l'entreprise familiale était composé d'une partie du nom d'état civil tronqué (Cottet au lieu de Cottet Emard) et du nom de jeune fille de mon arrière-grand-mère (Bondet).

Sur ce lien, un petit montage sur l'entreprise familiale de peignes et d'ornements de coiffure réalisé par Marie.

 

15 mai 2016

Miasmes de l'actualité nationale et locale

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Dans les deux cas, on trouve un choix d'intervenant aberrant, inopportun, inapproprié, un scandale et des responsables qui se défilent. Quant à la question que tout le monde se pose (pourquoi de tels choix ?), pas de réponses.

Il semble que Black M va quand même être payé sauf erreur de ma part et, selon les infos dont je dispose, Insa Sané pourtant viré par la mairie d'Oyonnax va lui aussi être intégralement payé par la DRAC alors qu'il ne lui reste que la part du travail ne relevant pas de la responsabilité municipale, c'est-à-dire les interventions dans les collèges.

Coût le la résidence de Sané financée par la DRAC Rhône-Alpes : plus de neuf mille euros. Si l'on fait les comptes (trois mois de présence dont on peut déduire les deux semaines de congés scolaires arrivant en plein milieu, le tout amputé du travail au centre culturel Aragon à Oyonnax, c'est plutôt bien payé, d'autant que « l'artiste » n'a apparemment pas perdu son logement à Oyonnax. Et bien sûr, l'omerta sur le sujet.

Moi, je reviens toujours à la même question : qui prend de telles décisions et pourquoi ? Y a-t-il seulement une raison logique, un choix idéologique, une volonté de provocation délibérée ou sommes-nous tout bêtement dans l'irrationnel et les petits arrangements d'ordre privé ?

En tous cas, à la base, dans ce genre de situations, il y a un individu qui propose et qui valide... Ce qu'on appelait un responsable dans le temps... Sans doute une espèce en voie de disparition ou experte en camouflage.

En ce qui concerne Black M, l'affaire a suffisamment fait de bruit et l'objet de nombreuses analyses dans la presse et sur les réseaux sociaux pour que chacun se fasse son opinion.

Il n'en va pas de même à Oyonnax où il semble impoli d'évoquer l'affaire (étouffée avec application) du fiasco de la résidence d'auteur d'Insa Sané. « Un beau gâchis » a très justement écrit quelqu'un dans un commentaire sur mon blog. La personne avait l'air d'en savoir un peu plus mais elle écrivait sous pseudo...

Je pense en tous cas que le coût de la résidence d'Insa Sané financée par la DRAC Auvergne Rhône-Alpes est une gifle infligée à toutes les personnes qui galèrent tous les jours dans des boulots payés à coup de lance-pierre.

Dans ces deux épisodes lamentables, ce qui est insupportable, en dehors de l'écœurante gabegie financière, c'est cette manie d'envoyer tout contradicteur dans le chaudron infernal du fascisme, du racisme et de l'extrême droite que s'emploie laborieusement à faire bouillir la ministre de la culture, celle-ci évoquant dans l'affaire Black M « un ordre moral nauséabond » pour qualifier avec le plus grand mépris l'opinion de milliers de personnes qui ne pensent pas comme elle et qui n'ont pas toutes le portrait d'Hitler accroché dans leur salle à manger ou leur carte d'adhésion au Front National dans un tiroir.

Pour qui a manqué le début du feuilleton Insa Sané à Oyonnax :

http://cottetemard.hautetfort.com/archive/2016/03/22/rap-...

 http://cottetemard.hautetfort.com/archive/2016/04/0...

http://cottetemard.hautetfort.com/archive/2016/04/10/affa...

Du rap en général :

http://cottetemard.hautetfort.com/archive/2016/03/14/carn...

 

 

 

09 mai 2016

L'angoisse du hanneton

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Ce printemps hâtif convoque des nuées de hannetons. Les arbres des rues, le soir, crépitent au-dessus de la tête des passants. Des escadrilles entières rasent les fenêtres dans le crépuscule lourd de pollen avant d'aller brûler contre les ampoules de l'éclairage public.

Tout enfant, lors d'une de ces journées à hannetons, j'ai guetté leur vol au bord de la croisée et, muni d'une pelle à ménage, je suis parvenu sans peine à les stopper d'un seul revers, en pleine course, dans un bruit mat suivi d'une courte chute. A la suite de cet exploit cruel et dérisoire, j'ai éprouvé une sorte d'écoeurement mêlé de jubilation, une sensation pénible.

Longtemps après, lors d'une autre année à hannetons, toujours accoudé sur le rebord de la fenêtre, je n’ai pu m'empêcher de me remémorer cette sensation en observant l'épuisement d'un de ces insectes dans une encoignure. Il agonisait et, avec ses élytres faussées, ressemblait à un vieil avion de toile qui viendrait d'être abattu. Je ne pouvais pas détacher mes yeux de la détresse du hanneton. Propulsé dans l'ivresse de l'espace parfumé pour se régaler de folioles, s'accoupler avec frénésie, et pourtant, condamné à crever longuement dans un recoin à défaut d'être gobé par un merle ou une mésange ou martyrisé par un enfant.

Né pour l'orgie, né pour souffrir, ainsi va la courte vie du hanneton dont la larve s'est si minutieusement préparée à ces grands moments sous la terre, des années durant. Hanneton, mon frère d'angoisse éblouie ! pensai-je en regardant mourir le coléoptère.

Le Grand variable (extrait). Éditions Editinter (épuisé).