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19 septembre 2007

Orgue de Nantua : suivez le guide !

Affluence au concert de Véronique Rougier et d’Olivier Leguay et à la visite de l’instrument animée par les deux organistes dans le cadre des journées du patrimoine

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Photo : Olivier Leguay guide les visiteurs dans une forêt de 2883 tuyaux

Succédant aux chants de la chorale « Les Dames de chœur » invitée par l’association Histoire, monuments et sites de Nantua, le concert d’orgue donné dimanche par Véronique Rougier et Olivier Leguay en l’abbatiale Saint-Michel de Nantua, dans le cadre des journées du patrimoine, a connu une forte affluence. Organisé par l’association des Amis de l’orgue de Nantua et le Conservatoire à Rayonnement départemental d’Oyonnax, le concert se composait d’un programme adapté à la découverte des caractéristiques sonores de l’instrument construit par Nicolas-Antoine Lété.
Véronique Rougier a choisi d’interpréter des œuvres de Jacques Boyvin (1653 - 1706) et une sonate peu jouée de Félix Mendelssohn Bartholdy (1809 - 1847). Olivier Leguay, professeur de piano au Conservatoire d’Oyonnax et professeur de clavecin au conservatoire de Lons-le-Saunier, a conclu le programme par une interprétation d’œuvres religieuses de la dernière partie de la vie de Franz Liszt (1811 - 1886).
Pour Véronique Rougier, cotitulaire de l’orgue et professeur au conservatoire d’Oyonnax, le but était de s’adresser, dans le cadre d’une telle manifestation, au plus large public possible, en particulier aux enfants, nombreux dans l’assistance, un objectif parfaitement atteint puisque les mélomanes s’étaient déplacés en famille pour écouter l’orgue et pour le visiter.
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Photo : la démonstration de Véronique Rougier suscite la curiosité d’un public de tous âges

Comme l’an dernier, il a fallu ouvrir la tribune à plusieurs groupes afin de satisfaire aux exigences de sécurité. Mais une fois à proximité immédiate de la mécanique de cet instrument construit voici un siècle et demi, chacun a pu en apprécier l’originalité qui lui a valu d’être classé monument historique.

Concert le 6 octobre
Prochain concert proposé par l’association des Amis de l’orgue : samedi 6 octobre à 20h. Orgue et deux trompettes avec Frédéric Chaise (organiste), Michel Herbaux et Hugues Joriot (trompettistes). Un trio inattendu autour de Bach, Haendel, Vivaldi. Tarifs : 12 euros. Réductions : 10 euros (adhérents Amis de l’orgue et étudiants).

© Texte et photos : Christian Cottet-Emard 2007.

16 septembre 2007

Le poète sort la cage du canari

En cet instant d’un beau septembre où tout est plus bleu que bleu où tout est plus que tout

Tu sors la cage du canari oui c’est amusant d’écrire « tu sors la cage du canari » mais attendez la suite « tu sors la cage du canari dans le jardin » et le canari a l’air de dire « comment ça se fait ? »

En temps ordinaire la cage du canari reste à la cuisine et cela fait quinze ans que ça dure

Aujourd’hui le jardin submerge le canari de la magnificence qui fait l’ordinaire des moineaux

J’écris juste à côté du canari et il se demande ce que je lui veux car il ne peut pas comprendre que je ne lui veuille que du bien comme il ne peut pas comprendre que sa cage se soit déplacée de la cuisine jusqu’au jardin sous le seul prétexte qu’en cet instant d’un beau septembre tout est plus bleu que bleu tout brille plus que ce qui brille et qu’il ne faut pas louper ça

(Ce texte va peut-être tomber un jour sous les yeux de quelqu’un qui va le trouver stupide c’est déjà arrivé stupide certes mais ni plus ni moins que le sort fait sur Terre aux vivants

C’est déjà arrivé au vieux correspondant local du quotidien qui s’est pris jadis en pleine tronche un texte de ce genre et qui a écrit « pourquoi s’abandonner à de vaines rêveries ? »

Parce que les vaines rêveries sont peut-être le sel de la vie parce qu’il n’existe réflexion faite peut-être pas grand-chose de plus intéressant que les vaines rêveries allez savoir)

À moins que le canari ait peur oui il doit avoir peur tu connais les signes de la peur chez le canari cou tendu agitation le canari est routinier et aujourd’hui en cet instant de beau septembre sa routine en prend un coup un sacré coup si l’on en croit les cloches d’un mariage que ce septembre a bien voulu choyer d’une rare lumière de fin d’été vive l’Amour7cdde6e28d5dabb15d3ddd399fed0a35.jpeg

Le canari aussi est amoureux sa chérie est la cafetière italienne sur laquelle il va se percher direct lorsqu’il sort de sa cage pendant ton petit déjeuner heureusement la cafetière a déjà refroidi et il lui tourne autour se mire dans l’inox et finit toujours par se percher sur le couvercle vive l’Amour

Vive l’Amour vive le jardin « Vive le jardin » est le nom du magasin qui vend les canaris et tout ce qui va avec et bien d’autres choses encore et voilà que parfois les jours comme aujourd’hui quand dehors vaut le détour le canari se retrouve dans le jardin « pourquoi s’abandonner à de vaines rêveries ? » se demande le vieux correspondant de la presse locale qui dodeline de la tête lorsque ce genre de texte lui tombe dessus comme dodeline de la tête le canari quand lui tombe sous les yeux ce qui fait l’ordinaire des moineaux et qui alimente la source inépuisable de tes vaines rêveries

© Orage-Lagune-Express 2007

10 septembre 2007

Entretien avec Jean Pérol

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Photo : Jean Pérol au bord du lac Genin, dans la campagne au-dessus d’Oyonnax. (Photo Christian Cottet-Emard).

À l’occasion de la parution du roman de Jean Pérol, « Le soleil se couche à Nippori », éditions de la Différence, que j’ai inscrit à mon programme de lecture, je mets en ligne cet extrait d’un entretien avec l’auteur de « Un été mémorable », éditions Gallimard. Cette rencontre avec Jean Pérol date d'une vingtaine d'années et avait pour cadre le lac Genin, près d’Oyonnax. J’ai choisi cet extrait, que j’ai par ailleurs publié dans la revue Le Croquant n°4 (hiver 1988), tant les propos de Jean Pérol me paraissent plus que jamais d’actualité.


Christian Cottet-Emard
Le créateur, dans une société cherchant en permanence à enfanter des systèmes, des « ismes », en est-il aujourd’hui au point de s’arracher aux doctrines politiques, esthétiques, pour trouver son salut et celui de ceux qui reçoivent et participent à sa parole ?

Jean Pérol
De nos jours, nous avons connu le structuralisme, le « tel-quelisme », etc. Cela n’aura pas plus d’importance... L’important sera les individualités qui auront complètement échappé à tout cela. Quand les choses seront plus calmes, on verra que Jacques Réda a beaucoup plus d’importance que Marcelin Pleynet, par exemple. En littérature, ceux qui ont compté n’étaient pas ceux qui maniaient les « ismes ». Avant, lorsque les médias n’étaient pas là, il fallait inventer, le surréalisme, par exemple. Mais quand on regarde : René Crevel - Jacques Prévert, qu’est-ce que cela veut dire ? Robert Desnos - Paul Eluard, quoi de commun ? Roger Vailland - Roger Gilbert-Lecomte ? C’est parti de tous les côtés.

C.C-E
Maintenant que les systèmes éclatent, que les idéologies s’essoufflent, que la politique sombre dans la langue de bois, que vont faire les écrivains, les poètes ?

JP
C’est maintenant que cela devient intéressant. Finies les béquilles qui portent les à moitié paralytiques ! Il faudra que les gens sachent vivre, réfléchir et penser par eux-mêmes, trier le faux du vrai, les apparences de l’être et non pas en se réfugiant dans un système.

C.C-E
Où se situe le poète dans ce contexte différent ?

JP
Le poète est le remords de l’époque, disait Saint-John Perse. Cela s’accentue de plus en plus parce que la bêtise monte. L’artiste devient de plus en plus scandaleux parce que, finalement, l’art est un immense combat contre la bêtise, pour devenir une âme, une sensibilité, une intelligence, enfin, quelque chose relevant de l’être. Il existe une sorte de morale d’artiste selon laquelle on est sans arrêt obligé de donner son avis et on se fait détester. Notre époque s’éloigne à vitesse « grand V » de tout ce qui représente l’univers de la pensée. Comme la poésie est une des composantes essentielles de l’horizon de la pensée, elle est une des premières à dérouiller, mais pas plus que le théâtre d’avant-garde ou la philosophie, ou tout ce qui témoigne d’un peu d’exigence et de hauteur.

C.C-E
« Le poète remords de l’époque », cela renvoie aux sous-titres de vos recueils...
Prenons par exemple votre livre « Maintenant les soleils » sous-titré « journal-poème ».

JP
Tous mes sous-titres étaient faits exprès, à un moment où la poésie n’avait rien à voir avec le quotidien. Ce ne devait être qu’une mécanique linguistique dans laquelle on se livrait à des expériences. Maintenant, tout le monde a retourné sa veste. Mais en 1972, la biographie, interdite ! Le « je », le quotidien, interdits ! Donc, moi, uniquement pour enquiquiner, j’avais appelé ça « journal-poème » pour bien dire : ce sont des poèmes qui parlent de la vie de tous les jours, des signes que je donnais pour me faire entendre, comme mon premier recueil intitulé « Le Cœur véhément ». Mais, à ce moment-là, on déniait tout sentiment, tout droit au sentiment à la poésie. Alors, toujours pour embêter, j’ai pris ce titre presque « à la rictus », Le Cœur véhément, pour qu’on voie bien qu’il s’agit d’une histoire de cœur. Après, il y avait « récit-poème » parce que la poésie raconte. Les gens ont compris. Alors, j’ai appelé ça « poèmes », tout simplement.

C.C-E
Le langage de la poésie vous semble-t-il, malgré tout, plus actuel que celui des idéologies, des systèmes ou des doctrines, bref, de la politique dans un sens très large ?

JP
Quand on ne fait de la poésie que jeux et réflexions sur le langage, c’est mauvais. Mais lorsqu’on écrit de la poésie qui n’est que du « moi » facile qui dégouline sans réflexion sur le rôle de maintien du langage qu’elle doit revêtir, sur son rôle de mise à jour du langage et sur celui de son maintien en vie, c’est foutu aussi. Cela sera difficile à faire comprendre aux gens. La poésie est la forme supérieure de la littérature parce qu’elle doit être une espèce de formulation définitive. C’est pour cela qu’après, elle ne vieillit pas, qu’elle tient. Il faut qu’au moment où cela vient, cela soit assez parfait pour résister à toutes les modes et à une société qui sera complètement différente. Il y a encore des textes de Ronsard, de Villon qui fonctionnent, et pourtant, quoi de commun entre la société de Ronsard et la nôtre ?