01 août 2017
Carnet / Des librairies : point de vue d’un auteur lecteur client
Je ne fais guère la fortune des libraires car j’achète principalement des livres de poche. J’ai gardé cette habitude de quelques lointaines époques impécunieuses et aujourd’hui encore, je répugne par réflexe à payer vingt euros un ouvrage que je retrouverai en édition de poche quelques mois après sa parution, surtout s’il s’agit d’une nouveauté que je me risque à découvrir.
Souvent, je juge les couvertures des éditions de poche plus attractives que celles des éditions d’origine. Dans ma pratique d’auteur (je préfère employer ce terme à mon propos plutôt que celui d’écrivain car un auteur ne peut à mon avis se prévaloir lui-même du titre d’écrivain) les collections de poche me font plus rêver que la pléiade !
Bon nombre des livres que je possède en éditions brochées mais aussi en éditions de poche proviennent du marché de l’occasion (libraires d’anciens, soldeurs) et de vente par correspondance (Fnac, Amazon).
Même si j’apprécie de m’approvisionner parfois en librairie (une belle librairie avec beaucoup de stock est toujours un plaisir), je dois dire que dans mon parcours d’auteur publié par de petites maisons d’édition, je n’ai guère trouvé de soutien de la part des libraires quand ce n’était pas du mépris voire de l'hostilité franche ou sournoise, excepté dans quelques maisons de presse.
Ces expériences négatives en tant qu’auteur auprès des libraires m’ont ennuyé tant que la distribution de mes œuvres dépendait exclusivement de leur circuit, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui grâce à internet et en particulier à Amazon.
Je suis bien conscient des difficultés que rencontrent les libraires dans leur pratique commerciale (j’ai d’ailleurs suivi jadis une petite formation d’un an à ce métier, cursus associé à des stages en magasin) mais le monde marchand étant ce qu’il a toujours été, une belle foire d’empoigne, je n’ai ni les moyens ni la volonté d’être un auteur et lecteur militant de la défense du petit commerce tout comme le petit commerce n’a ni la capacité ni la vocation à militer pour la survie des éditeurs indépendants et des auteurs confidentiels.
Actuellement, lorsque quelqu’un me fait l’amabilité d’ouvrir un de mes livres, c’est qu’il se l’est procuré en ligne, notamment sur Amazon, directement auprès de l’éditeur, sur le marché de l’occasion, lors de quelques salons du livre auxquels il m’arrive rarement de participer ou en lecture publique quand les bibliothécaires veulent bien accueillir mes ouvrages dans leurs collections.
Je n’ai ni à me plaindre ni à me réjouir de ce constat simplement significatif, y compris à mon minuscule niveau, des récentes évolutions du commerce de détail des livres et autres biens culturels.
L’avenir des librairies me paraît assez sombre. Les petites qui n’apportent pas un service client spécifique et efficace pour compenser le handicap bien compréhensible de stocks restreints sont vouées à disparaître. Les autres enseignes à peu près indépendantes et de plus grande envergure s’adaptent tant bien que mal aux récentes et rapides évolutions du marché du livre mais parfois au prix d’une standardisation de leur offre.
À elles de ne pas oublier que pour le client, s’approvisionner en livres, notamment en livres à faibles tirages ou en éditions anciennes (je ne parle pas ici de la bibliophilie qui constitue un marché à part) n’est pas près d’être un problème grâce à internet. Dans cet environnement commercial difficile pour elles, il leur appartient de prouver qu’entrer dans une librairie avec l’agrément de trouver des nouveautés mais aussi avec l’espoir de dénicher le mouton à cinq pattes (*), fût-il couvert de poussière, est un plaisir encore supérieur à celui d’être rivé à un écran pour faire venir un livre ou un disque de l’autre bout du monde en payant un centime de port.
(*) J’appelle mouton à cinq pattes un livre qui ne peut être tracé aussi efficacement qu’une nouveauté : non référencé sur les bases de données habituelles, dépourvu de code barre, n’ayant pas fait l’objet d’un dépôt légal en raison de son faible tirage, auto-édité ou édité à compte d’auteur, épuisé ou publié par un micro-éditeur ou encore publié par un éditeur qui a disparu. Un mouton à cinq pattes peut être aussi tout simplement un livre à rotation lente... Hélas.
Photo : détail d'une fresque murale à Arbent (Ain).
17:22 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carnet, note, journal, opinion, humeur, blog littéraire de christian cottet-emard, librairie, marché du livre, édition, commerce, médiathèque, bibliothèque, maison de presse, commerce du livre, distribution, petits éditeurs, lecteur, client, libraire, stock, base de données, amazon, fnac, vente de livres par correspondance, vente de livres en ligne, frais de port un centime, livre de poche, édition de poche, édition brochée, nouveauté, livre d'occasion, soldeur, poche, rayon, livre à rotation lente, livre épuisé, témoignage, christian cottet-emard, mouton à cinq pattes, bibliophilie, libraire d'anciens, avenir des librairies, fresque murale arbent ain, arbent, devanture librairie, vitrine librairie
14 décembre 2013
De la prostitution et d’un de ses avatars
Beaucoup de bruit en ce moment dans la presse à propos de la prostitution et comme d’habitude dans la presse, presque rien d’autre que du discours calibré sur ce sujet comme sur les autres, tout cela parce que les détenteurs de la carte professionnelle des journalistes exercent un métier qui n’existe plus (mais ceci est un autre sujet).
Il faut donc aller chercher un peu de pensée et de nuance concernant un problème aussi complexe, non pas dans le courrier des lecteurs, mais parfois dans les « pages débats » des journaux nationaux. Ainsi ai-je déniché dans Le Monde (8 novembre 2013) la contribution très pertinente de la sociologue Nathalie Heinich à propos de la pénalisation des clients (tes) :
« Les défenseurs de ce projet arguent que les personnes qui se prostituent ne le font de leur plein gré qu’apparemment, y étant le plus souvent poussées par la nécessité économique ou par des traumatismes psychiques. Mais l’argument de la nécessité économique ne tient pas, ou alors il faudrait interdire toute activité rémunérée pour des raisons strictement alimentaires. » (C’est moi qui souligne).
Dans le concert des pour et des contre, des hypocrites et des cyniques, des pères et mères la morale et des noceurs, voilà bien la seule réflexion qui m’a touché parce qu’elle concerne le travail. Que fait une personne qui se prostitue ? Elle est là où elle n’a pas forcément envie d’être, elle est en compagnie de personnes avec qui elle n’a pas choisi de passer du temps et elle a une activité qu’elle n’exerce que parce qu’elle est rémunérée.
Eh bien moi, cela me rappelle mes années de travail parce que personnellement, je n’ai jamais éprouvé le moindre intérêt ni le moindre plaisir dans les différentes activités professionnelles auxquelles j’ai dû consentir pour des raisons exclusivement économiques. Et je ne pense pas être le seul dans ce cas même s’il n’y a plus grand-monde aujourd’hui pour oser affirmer au milieu des collègues et en présence de la hiérarchie n’être au travail que pour l’argent !
00:51 Publié dans Et à part ça ? | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : travail, peine, boulot, labeur, prostitution, turbin, pénalisation des clients et clientes, client, cliente, plus vieux métier du monde, blog littéraire de christian cottet-emard, ligue de vertu, prohibition, politiquement correct, bonne conscience, conformisme, néo-conformisme, argent, morale