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05 novembre 2011

Du pied gauche

humeur,matin,potron minet,cafetière,canari,nécrologie,éditions orage-lagune-expressLa vieille cafetière rote crache et bave le canari la prend pour sa femelle


Le bois coupé en mauvaise lune pète et empeste dans la cheminée


Les lunettes sont parties se faire voir ailleurs


Le journal noircit le bout du nez


Pas de bons morts aujourd’hui dans la rubrique nécrologique pas de traitres pas de collègues malveillants pas de petits chefs vicieux pas d’arrivistes


Juste des inconnus sympathiques allez savoir


Demain ça ira mieux demain sera un autre jour un jour de moins


© Éditions Orage-Lagune-Express 2011. Droits réservés.

25 octobre 2011

Les ennemis du poète

poète,ennemi,corps,ville,récitLa plupart des ennemis du poète sont de passage

Ils font carrière et sont contraints de subsister un certain temps dans cette petite ville qu’ils veulent faire changer comme ils veulent te faire changer toi aussi

Naturellement ils se cassent vite les dents à cette tâche et repartent un beau jour un très beau jour lassés et furieux non sans avoir cependant provoqué quelques dégâts ce qui est la définition même de l’ennemi

De leur défaite et des dégâts qu’ils ont causés ils conçoivent une nostalgie et les voici sans cesse revenant dans cette ville qu’ils ont voulu changer mais qui les a changés

Et toi toujours pareil à toi-même comme cette ville est toujours pareille à elle-même il t’arrive parfois de les apercevoir au détour d’une rue ombreuse et déserte du dimanche soir

Et tu t’arrêtes un instant pour les voir passer comme on s’assoit au bord du fleuve à regarder glisser bercés par l’onde les corps des ennemis du poète

© Éditions Orage-Lagune-Express 2011. Droits réservés.

Image : Jacki Maréchal

14 octobre 2011

Le virage du pays natal

éditions Orage-Lagune-Express,récits des lisières,droits réservés,copyright,feu,virage,pays natal,poésie,blog littéraire de Christian Cottet-Emard,hautetfort,draisine,guerre 14,route,Tu conduis sur les jolies routes ainsi les désignait ton père avant que ne vienne ton tour de tenir le volant et de voir défiler le paysage de toujours

Le paysage de toujours pourtant différent du seul fait que tu sois passé de la banquette arrière au siège avant

L’herbe des talus les vieilles bornes la maison vide du garde-barrière le château d’eau le goudron qui coupe la forêt en deux les grandes fougères qui s’inclinent au passage de l’auto les feuilles de charme de foyard de noisetier qui s’envolent dans la lunette arrière le bras d’une rivière ombreuse à l’onde rapide les ponts sur la brume le restaurant au menu très ordinaire l’autorail bicolore trente secondes dans la même direction puis qui prend la tangente le tracteur piloté par une jeune femme rousse toute menue le hérisson qui a de la chance la buse variable sur un poteau de ligne électrique les géraniums d’un hameau désolé le cimetière à la grille rouillée où s’alignent quatre tombes de petits jeunes de vingt ans morts pour une querelle de vieux vampires consanguins à particules et à la progéniture reconvertie en barons et capitaines d’industrie les wagons abandonnés la draisine en panne des années cinquante sur une voie de garage l’horaire des messes l’enseigne décolorée Vin fou la drôle d’odeur les gouttes sur le pare-brise l’éclaircie le soleil du soir dans les yeux le grand-père à sa fournache (*) le nuage en forme d’ours le coup de vent qui emporte un journal la ligne droite entre les platanes la grande côte en lacets la falaise encore l’autorail très loin accroché à flanc de montagne l’épingle à cheveux la descente le mauve bonbon d’une ampoule d’éclairage public pour deux maisons la déviation par le chemin vicinal au bord de la rivière profonde le héron le clocher les bâches de la fête foraine le lac le petit barrage les nids-de-poule sous l’allée de saules la pipistrelle la lune dans les frênes le dos d’âne le panneau Fin de déviation

Et bientôt ce virage après toutes choses banales dit-on qui ne cesseront de t’étonner le virage du pays natal où tout semble à peine moins étrange

(*) Fournache : feu d'herbe.

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