29 décembre 2019
Carnet des petits jours
Dans le bilan d’une vie, si l’on inscrit dans l’actif ce à quoi on a pu échapper, on se sent presque riche.
L’originalité en littérature n’est que la liberté qu’on se donne.
Mieux vaut une excellence spécialisée qu’une médiocrité généraliste.
Si je devais mourir maintenant, ma grande crainte serait de partir dans la colère qui ne cesse de rôder en moi depuis si longtemps.
Ai-je écrit de la poésie ? Au lecteur d’en décider car cela ne m’intéresse guère de le savoir.
À moins d’avoir affaire à un génie universel, un visionnaire (Camões, Pessoa, Lampedusa...) il faut remettre un écrivain dans le contexte de son époque pour savoir si l’on aura la patience de lire un de ses livres jusqu’au bout.
Dans une vie humaine, il n’y a pas de vieilles histoires.
Je suis sorti de l’enfance comme le loup du bois.
La mort, cela relève de la vie privée.
Sexe : pourquoi tant de mystère à propos de quelque chose que nous avons tous et dont nous nous servons tous de la même façon ?
Les empires occidentaux sont si puissants et sophistiqués que même leurs ruines sont fécondes. On les croit morts mais ils se sont simplement virtualisés. Il leur faut juste renouer avec leur âme.
Pour un rationnel, ne pas reconnaître la part d’irrationalité de l’humain n’est pas rationnel.
Il est reposant de garder à l’esprit qu’un grand vin n’est que du vin, qu’un grand cigare n’est que du tabac, qu’une grande œuvre n’est qu’un chuchotement dans la nuit.
En soixante ans de vie commune, j’ai eu le temps de faire un peu connaissance avec le type très moyen que je suis. Nous ne sommes pas encore aussi intimes que nous le croyons parfois mais nous avons désormais une vague idée de ce qui est possible ou impossible.
Et pour finir en musique : Nunc Dimittis de Sir Michael Tippett (1905 - 1998)
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14 décembre 2019
Au bar de l'hôtel
Photo © MCC, 2018
Un cognac en fin d’après-midi n’était pas une bonne idée. Mhorn en prit deux au bar de l’hôtel après le départ du Bernois mais n’obtint pas l’effet escompté. L’observation furtive de la jeune fille chez Andrade avait réveillé une vieille amertume à laquelle il était furieux de céder. La jeune fille ressemblait-elle seulement à Mariana ? Malgré une différence d’âge d’une bonne quinzaine d’années avec lui et le Bernois, Mariana était peut-être méconnaissable aujourd’hui. Si Mhorn avait trouvé une ressemblance, c’était tout simplement parce qu’il cherchait le visage de Mariana dans celui de toutes les autres femmes qui pouvaient le troubler. Était-ce la commissure des lèvres, un froncement de sourcils, un clignement de paupières ou bien ce léger sourire de pure civilité que les hommes sont souvent un peu trop prompts à interpréter comme un indice de douceur, de bienveillance ou d’empathie ?
Mhorn s’en voulait de ressasser ainsi. Encore une journée fichue, pensa-t-il en trempant un sucre dans le fond de son verre. Le Bernois avait quitté la bibliothèque d’Andrade muni de vieux dictionnaires destinés aux étagères de son magasin à Berne et Mhorn n’avait pas pu convaincre Andrade de baisser le prix d’une marine de la fin du dix-neuvième siècle qui intéressait un de ses clients. Tout ce qui lui restait de cette entrevue se limitait à cette histoire fumeuse de diamant à retrouver Dieu sait où et à négocier avec Dieu sait qui pour en partager de bien illusoires profits. Si je n’avais pas quitté la marine marchande pour trafiquer des vieilleries, je n’aurais plus que quelques années à tirer avant la retraite, se reprocha-t-il, mais j’aurais peut-être fait naufrage ! plaisanta-t-il en lui-même ainsi qu’il en avait l’habitude pour lutter contre ce qu’il considérait avec mépris comme des états d’âme. Le naufrage s’était pourtant produit, non pas dans l’océan mais dans la vie. La glace derrière le comptoir mal éclairé renvoyait de Preben Mhorn le reflet d’un homme dont les yeux ne pouvaient désormais briller que dans une colère froide ou, parfois, à la vue d’une liasse de billets de banque.
(Chantier en cours)
© Club L A C, éditions Orage-Lagune-Express 2019 et l'auteur. Manuscrit déposé en étude notariale comme tous les extraits de fictions inédites publiés sur ce blog.
00:17 Publié dans Atelier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christian cottet-emard, preben mhorn, littérature, roman, atelier, chantier en cours, joachim vaz de andrade, nouvelle, novella, marius le bernois, mariana, manuscrit déposé, étude notariale, droits réservés, club lac, éditions orage-lagune-express, club littéraire des amateurs de cigares, blog littéraire de christian cottet-emard, oyonnax, ain, rhône-alpes auvergne, france, europe
13 décembre 2019
Du pied gauche
La vieille cafetière rote crache et bave le canari la prend pour sa femelle
Le bois coupé en mauvaise lune pète et empeste dans la cheminée
Les lunettes sont parties se faire voir ailleurs
Le journal noircit le bout du nez
Pas de bons morts aujourd’hui dans la rubrique nécrologique pas de traitres pas de collègues malveillants pas de petits chefs vicieux pas d’arrivistes
Juste des inconnus sympathiques allez savoir
Demain ça ira mieux demain sera un autre jour un jour de moins
Photo Christian Cottet-Emard
Extrait de Poèmes du bois de chauffage, © éditions Germes de barbarie 2018.
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