16 mars 2014
Carnet / Du bois sec, de la grisaille et de l'espoir
(Carnet écrit dans la nuit de samedi à dimanche et modifié ce dimanche matin à 9h47).
Hier samedi après-midi, j’ai ramassé une brouette de bois sec pour allumer le feu dans la cheminée. Il n’y a qu’à se baisser pour récupérer ces branches de frêne cassées et précipitées à terre par le vent. J’aime cette idée de gratuité et de facilité dans la vie. Le culte de l’effort à tout prix et en toutes circonstances est un conditionnement qui nous est infligé dès l’enfance et qui vise non pas à nous apprendre à nous débrouiller dans l’existence mais à nous résigner au renoncement à toute joie de vivre.
Pendant que cette idée revenait une fois de plus me hanter, la grisaille a enveloppé les vallonnements où ma maison est nichée. Cette grisaille m’a fait penser à la lumière dominante des années 80 du vingtième siècle, les années de ma jeunesse. Des années grises qui étaient encore celles de la guerre froide mais surtout celles d’un retour sournois des prétendues « valeurs » de la droite dans les esprits, et cela malgré l’arrivée de la gauche au pouvoir.
En ce moment, à l’occasion des élections municipales, les candidats et leurs listes s’affichent sur les murs et des trombinoscopes s’empilent dans les boîtes aux lettres. Politique : regards éteints, sourires commerciaux, désirs à peine masqués de revanches sociales, frustrations personnelles recyclées dans la compétition, grisaille et fatigue de la petite épicerie du quotidien... Et souvent aussi l'impression que ces gens ne s'aiment pas eux-mêmes. Dans ce cas, que peuvent-ils transmettre ?
Je ressens surtout ce malaise lorsqu’il m’arrive de descendre dans la bourgade que j’ai quittée en 2009, une petite ville ouvrière qui vote presque toujours à droite et dont il serait judicieux de détourner les supports d’affichages multipliés jusqu'au délire pour y placarder des extraits du Discours de la servitude volontaire d’Etienne de la Boétie.
Pour conclure sur une note d’espoir, je lis actuellement le dernier livre de Damien Luce, La Fille de Debussy, tout récemment paru aux éditions Héloïse d’Ormesson, que j’ai reçu en service de presse. J’en parlerai bientôt dans ce blog car l’auteur, né à Paris en 1978, romancier, compositeur, pianiste, dramaturge et comédien, est très doué.
Heureusement il y a les livres et la musique. Heureusement, parce que sans cela...
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11 janvier 2014
Carnet d'hier vendredi
Assailli par des réflexions que je ne peux développer que sur le mode de la fiction romanesque, j’ai justement du mal à travailler sur mes chantiers littéraires. Difficultés à ranger les nouvelles d’un recueil dans un ordre équilibré et cohérent. Même problème pour un recueil de poèmes narratifs que je vais me résoudre à envoyer en vrac, faute d’arriver à trouver le « rangement » idéal. La difficulté n’est pas dans l’écriture mais dans le rangement.
J’avais déjà les mêmes ennuis à l’époque où j’écrivais mon Grand Variable. Je croyais travailler sur deux livres différents et c’est le premier éditeur du Grand Variable qui m’a montré que ces deux ouvrages auxquels je peinais à trouver une cohésion n’étaient qu’un même livre et qu’il était prêt pour la publication.
En plus, je fais de la rétention de manuscrit. Tous les prétextes sont bons pour ne pas envoyer à l’édition (ménage à faire, grasse matinée, nuit blanche, pas d’enveloppe adaptée, pas de baguette de reliure assez large, j’en passe...).
Ce vendredi : levé tard parce que je me suis couché à trois heures du matin. J’ai profité du temps sec et de la fonte totale de la neige pour remplir une brouette de bois sec (des branches de frêne cassées et éparpillées dans le pré par les bourrasques de Noël). Je m’en sers pour allumer le feu dans la cheminée, ce que j’ai toujours beaucoup de mal à faire car j’ai les pires difficultés dans les actes techniques les plus anodins de la vie quotidienne. Je ne voudrais la fortune que pour une chose : non pas pour me payer tout et n’importe quoi mais juste pour employer du personnel qui me délivre une fois pour toutes de ces corvées absurdes.
Lectures : encore une fois des extraits de Mon Vrai boulot de Grégoire Damon et de Les derniers seront les derniers de Thomas Vinau, deux recueils de la collection poésie des éditions Le Pédalo ivre. J’ai commandé chez le même éditeur le recueil d’Hélène Dassavray C’est gentil d’être passé. Je l’ai écoutée en lire des extraits dimanche dernier au Cabaret poétique à Lyon au Périscope. J’ai terminé aussi un roman divertissant et astucieux de Tatiana de Rosnay, Spirales (livre de poche).
En fin d’après-midi, j’ai écouté l’oratorio de William Walton, Le Festin de Balthazar et un peu plus tard la Missa brevis et Chichester Psalms de Leonard Bernstein. Le soir venu, j’ai dîné d’un sandwich et d’un verre de vin puis, cigare au bec, j’ai servi de portier à la chatte Linette qui passe son temps à entrer et sortir pour vérifier qu’il y a bien toujours quelqu’un dans la maison.
Photos : en haut, cahiers du manuscrit de mon livre Le grand variable (éditions Éditinter, épuisé).
Linette à la sieste.
01:09 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carnet, note, journal, frêne, bois sec, feu, cheminée, poésie, littérature, fiction romanesque, les derniers seront les derniers, thomas vinau, mon vrai boulot, grégoire damon, éditions le pédalo ivre, tatiana de rosnay, spirales, livre de poche, le grand variable, christian cottet-emard, éditions éditinter, c'est gentil d'être passé, hélène dassavray, pédalo ivre, festin de balthazar, sir william walton, chichester psalms, missa brevis, leonard bernstein, blog littéraire de christian cottet-emard
18 mai 2012
Carnet de l’Ascension
En ce moment après minuit, le vent agite les frênes, disperse les effluves des lilas et secoue les volets. Inutile d’allumer un cigare dans ces conditions. Le gros chat vagabond s’est sans doute réfugié dans une de ses cachettes et Tigrette, la jeune chatte qui s’est installée dans la maison à Noël après la disparition subite de sa mère, est rentrée se coucher à l’étage comme à son habitude. Le vétérinaire qui l’a stérilisée et vaccinée estime qu’elle est née en octobre dernier. Comme elle n’apprécie guère le vent, je n’ai pas eu besoin de l’appeler longtemps avant de verrouiller la maison. Hier soir, elle a regardé avec circonspection un hérisson grassouillet qui finissait les restes de la gamelle du gros chat semi-sauvage qu’il est hélas hors de question de laisser pénétrer dans la maison.
Cet après-midi, j’ai fumé un Bundle et relu les notes et annexes d’un recueil de trois nouvelles humoristiques et mélancoliques à paraître en septembre en écoutant des pièces extraites de Selva morale e spirituale de Claudio Monteverdi, notamment les Gloria, Adoramus et Beatus vir (par les Arts Florisssants, direction William Christie, dans la collection Musique d'abord chez Harmonia Mundi) qui me mettent littéralement en joie malgré les vieux chagrins propres au commun des mortels.
En relisant les trois nouvelles, je me suis encore vaguement interrogé sur ce curieux destin que je partage avec tant d’autres de manière totalement déraisonnable, qui consiste à vivre avec des personnages inventés. Je me suis même amusé à en dresser une liste improvisée, désordonnée, probablement incomplète, issue de plusieurs de mes ouvrages et que je j'intègre à cette page de carnet, histoire d’en rajouter un peu dans l’étrangeté heureusement pas encore trop inquiétante :
Mes personnages
L’enseigne de vaisseau Mhorn (Preben Mhorn)
Samia
Marius
Le libraire Bartholomé
L’homme qui sent la patate
Effron Nuvem
Le petit gros
L’employé assassiné
Graziella
La jeune fille aux sandales de sable
Louis
Helga
Prune (Anita)
Le promeneur noctambule
L’adjudant Kaiser
La marchande de fruits et légumes
La prostituée
Ricardo
Rozana
La vieille dame (tante Martha)
Le chauffeur de la Rolls verte
La jeunette
L’africain vendeur ambulant de bimbeloterie
Marius le Bernois
Tante Marcia
Fortunat
Madame Tumbelweed
Le chat Sir Alfred
Le voisin écrivain
Alma Lorenz
Le major
L’ordonnance Gildo (Ermenegildo, Ermé)
Ange Consagude (Patron de bar)
Le narrateur écrivain en panne
Rosalba Damparo
Judith
Blandine Desblanche
Le capitaine de police Varan
La jeune brocanteuse Orane
Le rédacteur Antoine Morasse
Le chef d’agence du journal
L’auteur
Earl Lediable
Le gros chien noir
La vieille Jacinthe
Le maire
Le garde-champêtre
L’organiste Edgar Portevent
Antoine Cafardo (désinfection, dératisation)
Le diacre Maximin Bedon
Le pharmacien Adolphe Hénol
Le professeur Alastair Bang (entomologiste)
La gouvernante
La remplaçante de la gouvernante
Le correspondant de presse ivrogne
Le jeune serveur mélancolique
Andrade
Julius
Le poète Alvaro Alvarez
Et dire qu'on me croit solitaire !
Photos : autoportrait avec Tigrette qui adore l'ordinateur, hérisson indifférent au flash, autoportrait au Bundle.
02:07 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : carnet, blog littéraire de christian cottet-emard, personnages, fiction, roman, nouvelle, littérature, édition, écriture, chat, vent, frêne, arbre, cigare, bundle, hérisson, lilas, monteverdi, selva morale e spirituale, arts florissants, william christie, harmonia mundi, musique d'abord