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01 mars 2011

Carnet des anémones trop pressées

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Addendum du 15 février 2014 : à presque trois ans près, mêmes activités quotidiennes et même ambiance dans la maison, ce qui est plutôt rassurant malgré les chagrins de fin 2013 et de début 2014. Petite différence, pas encore d'anémones pulsatilles trop pressées...

Saison hésitante. Dans la colline, trois anémones leurrées par quelques nuits trop douces. En ces jours indécis, leur duvet ne sera pas d’un long secours à leur robe violette et à leur petit cœur jaune. Convois de nuages autour de la maison. Entre deux éclaircies nocturnes, le brouillard givre dans les frênes. Les feuilles mortes encore accrochées crépitent dans le silence du vallon. Les bourgeons prêts depuis longtemps luisent. Rien ne les atteint, surtout pas ces neiges lourdes qui désolent les chats en plein tourment de leurs pénibles amours. Les trois brouettes de petit bois ramassé le long du muret, dans les haies et sous les grands frênes au fond du verger sont vides. Il me faudra les remplir aux premiers jour secs si je veux encore m’enchanter de l’éclosion en étincelles des bourgeons de frêne morts qui ont gardé leur couleur violet foncé. Lorsque j’allume le feu avec ces ramures, je respire quelques volutes piégées dans le salon, avide du parfum complexe de ces bourgeons brûlés.william alwyn,musique anglaise,compositeur britannique,blog littéraire de christian cottet-emard
Ces derniers jours, écoute intensive des disques venus d’Angleterre et des États-Unis : des œuvres de William Alwyn (1905-1985), son premier concerto pour piano (1930), son second (1960), sa Sonata alla toccata (1947), deux symphonies (la première et la troisième), et plusieurs compositions vocales, notamment Mirages pour baryton et piano (1970) sur des poèmes écrits par le compositeur, et Seascapes pour soprano, flûte à bec et piano (1980) sur des poèmes de Michael Armstrong.

Photo 1 : de ma fenêtre, nuitamment.
Photo 2 : le compositeur britannique William Alwyn (1905-1985).

04 mai 2010

Carnet des frênes frileux

Le printemps n'en finit pas d'hésiter. Autour de la maison, les frênes semblent décidés à retenir le plus longtemps possible IMG_5997.JPGleurs feuilles. Les lilas vont bientôt s'épanouir mais si la goutte froide persiste au-dessus de nos têtes, on ne pourra pas profiter longtemps de leur parfum. Heureusement, d'autres arbres moins frileux ont déjà verdi et les haies d'épines embaument même sous la pluie. Depuis deux jours, je jette des bûches dans la cheminée et quelques vieux flacons que je réserve plutôt à l'automne et à l'hiver ont tendance à me tenter.

chan96373.jpgAinsi que j'en ai l'habitude après une nouvelle publication, j’écoute ces temps-ci encore plus de musique, notamment Sergueï Prokofiev (1891-1953) compositeur qui me passionne depuis mon adolescence. Des années plus tard, j’animais une émission de poésie sur une radio locale et le générique que j’avais choisi était le début du premier mouvement de son troisième concerto pour piano. En plus de sa musique, la personnalité de Prokofiev me fascine. On peut dire que malgré son intelligence supérieure, sa virtuosité de pianiste, sa modernité, il a été parfois injustement malmené par la critique, sans doute en raison de certains traits de caractère qui pouvaient être confondus avec un peu de froideur ou de distance.

À différentes périodes de sa vie marquée par l’exil, il tient un journal qu’il rédige en écriture abrégée (technique de prise de notes consistant à supprimer les voyelles des mots). Dans ces pages qu’il a fallu retranscrire avant leur tardive publication, on découvre un Prokofiev moins intimidant, conscient de son génie mais en proie au doute et au mal du pays. Un jour de dèche, il avoue errer dans New York avec treize cents en poche. Il a du mal à trouver sa place en Amérique où Rachmaninov lui fait de l’ombre. Même si l’Europe lui réussit un peu mieux, il peine à s’intégrer à un milieu musical qui lui est étranger. Par exemple il qualifie la musique de Debussy de gélatine ! Finalement, peu doté de sens politique, il cède à la tentation de rentrer dans son pays natal où on lui fait miroiter une reconnaissance officielle qui sera troublée par de nombreuses et graves tracasseries émanant du régime soviétique. Par une ironie du sort, Prokofiev décède le 5 mars 1953 qui est aussi la date à laquelle Staline est officiellement déclaré mort.

Finalement, c’est un piège qui s’est refermé sur Prokofiev lorsqu’il est rentré en URSS. Lorsque je pense au destin de ce compositeur génial, une phrase que j’entendais souvent dans les années 70 du siècle dernier et qui m’a toujours déplu au plus haut point me revient aux oreilles : si tu ne t’occupes pas de politique, la politique s’occupe de toi.


30 juin 2009

Lune dans les frênes

Lune dans les frênes, doux crépuscule. Instant propice pour un point sur les moments d’écriture.
IMG_6150.JPGJ’ai repris une nouvelle abandonnée depuis quelques temps. Ce texte se dérobait, refusait d’aboutir. Je comprends peu à peu que cette nouvelle bloque parce que je veux la faire aboutir. Il ne faut pas vouloir.
Si, à l’approche de mes cinquante ans, je ne suis pas capable de laisser aller ce texte où il veut, je n’arriverai à aucun résultat. Je dois réussir à faire taire ma volonté dans l’écriture de cette nouvelle. On pourra dire alors « ce n’est pas une nouvelle, les règles ne sont pas respectées, la construction n’est pas bonne... » Quelle importance ? Je ne compte pas sur cette nouvelle pour obtenir de l’argent ou de la notoriété.
Cela me rappelle l’époque où mon livre Le Grand variable était candidat à l’édition. Maurice Nadeau m’avait écrit que les personnages manquaient d’épaisseur, remarque tout à fait pertinente puisque l’écriture de ce livre était focalisée sur les paysages et non sur les personnages. Je n’ai lu qu’une phrase de l’écrivain Thomas Savage mais elle me frappe : « J’ai toujours cru que le paysage formait les gens. » Depuis la publication du Grand variable, d’abord en feuilleton dans la revue Salmigondis puis en volume chez Editinter, sans compter une édition hors commerce par mon ami Bernard Deson, j’ai exploré pas mal de pistes qui se présentaient à moi. Mais j’aime revenir aux rapports entre personnages et paysages, quand bien même cela ne soit pas propice au roman et à la nouvelle. Pour aggraver mon cas, j’aime écrire et lire des romans courts et des longues nouvelles. Daniel Delort, de la revue Brèves (Atelier du Gué), m’a écrit un jour que j’étais un romancier. Lorsque les éditions Nykta ont publié mon bref roman Le Club des pantouflards, certains m’ont étiqueté nouvelliste...
Aujourd’hui, ce texte qui résiste, qui ne veut être ni une nouvelle ni un roman, il me faut l’écrire comme s’écoule cet instant du passage de la lune dans les frênes.

Image : Lune dans les frênes, chez moi. (Photo C.C-E)