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24 juillet 2014

Un crachat du diable dans le jardin

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De quoi parle-t-il Pierre Gascar dans ces lignes extraites de son livre Le Règne végétal ? Simplement d’une sorte d’algue si humble, si obscure et si commune que nous ne la remarquons que pour l’écraser du pied. Et encore... Lorsqu’il pleut, car par beau temps, elle devient presque invisible. Invisible certes, mais toujours présente.

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Nostoc photographié hier derrière la maison

Le nostoc ou crachat du diable voire crachat de la lune est une sorte d’algue bleue de la famille des cyanophycées à laquelle le romancier s’est intéressé de près. Ce végétal qui se présente sous la forme de masses gélatineuses, humides, profite au mieux de l’été pourri.

On note sa présence partout alentours, après un orage, une averse. À la moindre pluie, il se gonfle d’eau pour former ces sortes de bulbes verdâtres «posés» sur le sol. Par temps sec, il se réduit à l’apparence d’un terne lichen, encore que le mot lichen soit impropre lorsqu’on évoque ce végétal qui était sur terre au commencement des âges et qui nous survivra ainsi qu’à toute forme de vie.

Au-delà de la nuit

Ce qu’écrit Pierre Gascar à propos du nostoc appelle à la réflexion. Le nostoc a « la particularité d’absorber l’énergie lumineuse en deçà du spectre solaire perceptible, dans le domaine des infrarouges. » Lorsqu’on sait que la fin de notre monde sera liée sur une échelle de millions d’années à l’extinction du soleil qui deviendra de plus en plus rouge, seul le nostoc survivra à ce phénomène qui aura engendré la suppression de toute vie animale, la fonction chlorophyllienne ne s’exerçant plus en l’absence du rayonnement ultraviolet.

Il est même probable que le nostoc parviendra dans ce crépuscule préludant à la nuit définitive à extraire encore d’une autre étoile au lointain rayonnement le peu de lumière, invisible pour des yeux humains, nécessaire à sa survie. Avec un peu de rosée (elle se formera encore dans ce contexte) il survivra et sera probablement le dernier brin de vie sur la Terre.

Si vous voulez voir à quoi ressemble le crachat du diable, attendez la pluie et regardez par terre dans le jardin ou sur un chemin.

CC-E

Le Règne végétal de Pierre Gascar est publié aux éditions Gallimard.

(J'ai publié cet article dans la presse quotidienne et dans le n° 6 de la revue Germes de barbarie)

13 avril 2014

Hommage / Ma rencontre avec Pierre Autin-Grenier à Saint-Claude (Jura)

 

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C’est à un comptoir de Saint-Claude (Jura), au printemps 2003, entre lectures publiques à la bibliothèque municipale et stations derrière les tables à dédicaces d’un festival de littérature et de bande dessinée animé par Roland Fuentès (qui a le génie de créer des liens entre les gens) que je trinquai avec Pierre Autin-Grenier dans ce fraternel bistrot, ce café de « la Frat » , ainsi qu’on le nomme là-bas.

Bref, comme disent tous les bavards, me voici donc invité à ce festival jurassien de littérature et de bande dessinée auquel participe Pierre Autin-Grenier que je lis depuis longtemps (depuis la fin des années 70) mais que je n’ai jamais rencontré.

Photo : votre serviteur (enfin pas trop quand même) avec Jean-Jacques Nuel (au centre, et qui s’était rasé de vraiment très très près ce matin-là) et Pierre Autin-Grenier (à droite de la photo, seulement de la photo). © Photo Marie-Christine Careddapierre autin-grenier,hommage,disparition,écrivain,toute une vie bien ratée,histoires secrètes,friterie bar brunetti,gallimard,l'arpenteur,la dragonne,laurence olivier four,blog littéraire de christian cottet-emard,styliste,folio,poche,saint-claude,jura,franche-comté,roland fuentès,christian cottet-emard,dédicace,écriture,littérature 

Peu de temps avant l’événement, je découvre des portraits de l’écrivain dans le magazine Le Matricule des anges (N°42) qui lui consacre la couverture et je me dis que ce poète en prose n’a pas l’air commode, surtout page 19 où il se balade avec un gros chien noir au profil aussi ronchon que celui de son maître.

Mais souvent, les photos mentent et l’homme que Roland et Emmanuelle Fuentès me présentent ce matin se révèle prodigue des « kilomètres d’amitié » qu’il m’offre, après ces deux journées jurassiennes empreintes de chaleur humaine et de franche rigolade, dans sa dédicace de Toute une vie bien ratée (Folio / Gallimard), amitié que je suis heureux de partager, fait rarissime, dès le premier contact.

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Le style Autin-Grenier

Mais je ne dois pas laisser dériver uniquement vers l’anecdote le plaisir que je prends à évoquer ma rencontre avec Pierre Autin-Grenier car si l’homme est de ceux qu’on n’oublie pas, l’écrivain est d’envergure : assurément un grand styliste mais surtout un styliste qui a quelque chose à dire en ces temps de verbe creux et de fausse parole. 

Je m’en étais déjà persuadé en lisant Histoires secrètes paru à l’origine chez Laurence-Olivier Four, livre que j’avais prêté c’est-à-dire perdu. 

Le hasard, au début du 21ème siècle, me remit Histoires secrètes dans les mains sur une heureuse initiative de Jean-Jacques Nuel qui eut la gentillesse de m’envoyer l’ouvrage réédité aux excellentes éditions de la Dragonne, l’occasion idéale de rédiger une note de lecture sur la Toile et que je remets en ligne ici :

Histoires secrètes 

Auteur d’une dizaine de livres de proses (à forte connotation poétique), de nouvelles et de récits, Pierre Autin-Grenier privilégie avec bonheur la forme courte. 

Contrairement aux apparences, l’auteur de Je ne suis pas un héros et de Toute une vie bien ratée, publiés chez L’Arpenteur / Gallimard, est loin d’être un écrivain facile, même si quelques critiques l’avaient hâtivement étiqueté comme tel en résumant son œuvre à l’inventaire des petits riens du quotidien. Car c’est plutôt dans le mystère de ce quotidien que Pierre Autin-Grenier chemine, mêlant tour à tour des éléments narratifs à des épisodes de ce que Pavese appelait « la contemplation inquiète ».

Rebelle aux classifications, surprenante, souvent déroutante, cette prose qui se donne l’air de filer quelques historiettes progresse en réalité comme une vaste variation écrite et réécrite dans une langue à la limpidité singulièrement classique.

Avec des titres pareils !

Anecdote, quand tu nous tiens... Je ne peux résister au plaisir d’en rapporter une pour conclure cette ébauche de portrait. Elle date de l’époque où PAG eut les honneurs de Télérama. Je furetais dans une grande librairie de Lyon non loin de piles assez considérables de « Je ne suis pas un héros » et de « Toute une vie bien ratée » lorsque j’entendis rouspéter une petite jeune femme très BCBG (du genre eau minérale et remise en forme) en virée avec sa photo-copine :

« Ah bravo, Je ne suis pas un héros, Toute une vie bien ratée, eh bien, avec des titres pareils, on est sûr de garder le moral ! Et c’est avec ça qu’il pense vendre, lui ? »

En écho aux propos de cette oiselle, je ne crains pas de poser solennellement la question : Pierre Autin-Grenier était-il conscient de ses responsabilités envers les bobos qui ne peuvent plus « positiver » à cause de ses titres scandaleusement négatifs? 

 

Photos : Toute une vie bien ratée, mon Folio annoté par PAG.

 

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Et pour compléter cet hommage, mon papier sur Friterie-bar Brunetti :

Les apocalypses de Pierre Autin-Grenier

(De la résistance à cette société de termites)

Friterie-bar Brunetti, de Pierre Autin-Grenier, éditions L’Arpenteur/Gallimard. 2005. 97 pages.

« Aussi longtemps qu’il y aura des cafés, la “notion d’Europe” aura du contenu » écrit George Steiner et l’on ne s’étonnera pas de refermer sur cette citation l’Autin-Grenier nouveau, Friterie-bar Brunetti. N’en déduisons pas pour autant que l’auteur champion des titres à rebrousse-poil (Je ne suis pas un héros, Toute une vie bien ratée...) a choisi de se la couler douce en tricotant un livre sur les cafés du bon vieux temps.

D’abord, pour les habitués de tous les bars-friteries du monde, il n’est pas plus de bon vieux temps que de semaine des quatre jeudis. Ensuite, jamais danger ne fut plus grand qu’aujourd’hui de voir la notion d’Europe risquer de se dissoudre dans « la lumière carcérale d’anonymes cafétérias » .

Qu’on ne s’y trompe donc pas, ces pages qui piquent comme un vin nouveau et qui rabotent comme un blanc-cass ont la densité d’un pavé. Friterie-bar Brunetti, d’écriture chantournée comme toujours avec Pierre Autin-Grenier, est un petit livre de grosse colère et d’appel à la résistance à « l’oppression de cette société de termites » . 

L’évocation du bar-friterie ouvert en 1906 dans le quartier de la Guille (de la Guillotière pour les non lyonnais) n’a rien d’un inventaire de photos sépia pour collectionneurs de belle époque. Jusqu’à sa disparition d’un paysage urbain déjà en proie au « criminel tourbillon du modernisme à tout prix » , le rendez-vous de la rue Moncey fut celui d’une humble et coriace humanité. L’auteur y fit les siennes et s’y abreuva d’autant de paroles que de godets.

Pas question pour lui d’y siroter la tisane nostalgique en cette heure inquiète et furibarde, lorsque la table ou le comptoir où s’accouder ne surgissent plus que de la seule ardoise magique de l’écriture. Amateurs de pittoresque, touristes pendulaires brinquebalés entre faux bouchons lyonnais et Venise en un jour, passez votre chemin car le jeune écrivain en résidence chez Brunetti a gardé la canine aiguisée contre « les séances de photos de vacances de ces chausse-petit du vol charter qui, un instant dans leur vie, se sont pris pour Stanley et Livingstone sur les bords du Tanganyika réunis. »

Et ce n’est ni la soixantaine ni le succès qui lui adouciront l’humeur noire contre ce qui nous est vendu à prix exorbitant comme le progrès : les voyages absurdes (« qu’ils voyagent donc, ceux qui n’existent pas » écrivait Pessoa), la tambouille immobilière et financière ainsi que l’usure en usine et partout ailleurs, (« leur petite idée sur la question, c’est la semaine des soixante-quinze heures de crève-corps pour tous et jusqu'à soixante-quinze ans... »). 

C’est dit. Au comptoir Brunetti, ne sont de bois que sol et mobilier, surtout pas la langue fleurie d’un écrivain qui déclare avoir « commencé croupignoteux » mais qui sait comme personne tirer le portrait au quotidien de l’équipage en escale, en cale sèche ou en galère. Langage-tangage, c’est à cette cadence que défilent les habitués, sympathiques ou non mais qui rament autant qu’ils trinquent dans leurs vies souvent cabossées.

Pour décalquer leur image de l’inutile éternité, Pierre Autin-Grenier ne leur fait pas l’insulte de les affubler d’une truculence artificielle de réclame et c’est un beau cadeau qu’il envoie à la mémoire de Madame Loulou avec son talon d’escarpin « planté bien droit dans la sciure » , de son client, ancien col blanc de la banque, « rescapé de la tyrannie des bureaux » , du grand Raymond avec son bagout, de Ginette avec ses sentiments essorés par un Prince pas charmant du tout, du père Joseph régalant la jeunesse des années soixante d’une friture de gardons avec en tête le souvenir cuisant des jeunes de sa génération « tous élevés aux tickets » . 

Qu’il écrive sur sa vie ou sur celle de son prochain, Pierre Autin-Grenier n’a pas son pareil pour en distiller les déluges et les apocalypses. À l’heure du complot des « fripouillards d’en haut » , nous verrons dans son éloge d’un bistrot disparu l’Arche possible des premiers et, pour les secondes, l’espoir d’une révélation sur l’amère potion qu’on nous concocte, puisqu’il est encore temps.

Christian Cottet-Emard

(Critique parue dans la revue La Presse Littéraire n°1)

 

23 octobre 2012

Jean Pérol, Libre livre, poèmes, Gallimard, 2012, 160 pages, 18 €

jean pérol,libre livre,gallimard,poésie,jean tardieu,blog littéraire de christian cottet-emard,lecture,entretien,dédicace,bugey,haut bugey,ardèche,saint germain de joux,ain,rhône-alpes,france,poètes français,interviewCe jour de grand vent était un bon jour pour lire le dernier livre de poèmes de Jean Pérol car sa poésie a la même énergie que les bourrasques d’automne qui font le ciel d’or et de plomb, d’une montagne à l’autre, et d’un temps à l’autre écrit l’auteur dans son amicale dédicace. Sur une de ces routes de montagne, le jeune Jean Pérol dévale à vélo la côte qui déboule à Saint-Germain-de-Joux, département de l’Ain, et cherche à deviner quelle pouvait être la maison natale de Jean Tardieu

et surtout à quoi se pouvait bien
un « grand poète » reconnaître

non sans avoir judicieusement précisé :

c’était le temps béni où les poètes impressionnaient
et les joueurs de foot faisaient pitié et plutôt rire

Dans ma longue aventure de lecteur de poésie depuis mes quinze ou seize ans, au gré des découvertes, des étonnements, des engouements, des agacements, des renoncements, des revirements, des enthousiasmes et des enchantements avec les poètes admirés, abandonnés, quittés, retrouvés, j’ai toujours lu Jean Pérol, goûté ses poèmes d'un lyrisme nerveux, traversés de ruptures de rythme, de dissonances, d’harmonies, d’amour et de haine du pays natal, de voyages d’arrachements et de retours en éclaircies soudaines.
Je me souviens, dans les années 80 du siècle dernier, d’un détracteur de Jean Pérol qui déplorait son « écriture pâteuse » et ne mesurait sans doute pas la portée du compliment qu’il venait ainsi de lui adresser à une époque où finissait de se consommer le divorce entre le grand public et une poésie si souvent égarée dans l’expérimentation formelle.

Mais Mallarmé pardonne-moi
c’est quand même un peu ta faute
cette leucémie transmise dans les moelles diaphanes
de tes descendances qui n’en ont plus fini de chercher
Le Livre et ton secret
sous des pages rongées

écrit malicieusement Jean Pérol dans ce texte intitulé Servi à rien extrait des Notes incertaines au bas de certaines pages constituant la deuxième partie de son récent recueil Libre livre (Gallimard, 2012).jean pérol,libre livre,gallimard,poésie,jean tardieu,blog littéraire de christian cottet-emard,lecture,entretien,dédicace,bugey,haut bugey,ardèche,saint germain de joux,ain,rhône-alpes,france,poètes français,interview

Au moment où Jean Pérol publie cet ensemble, le dix-septième de son œuvre poétique si l’on compte bien, une œuvre couronnée par le Prix Mallarmé justement, le « Goncourt de la poésie » après la parution de son recueil Asile exil aux éditions de la Différence en 1987, qu’en est-il de cette soi-disant « écriture pâteuse » peut-on se demander ? Je dirais plutôt qu’il s’agit d’une écriture qui a de la patte, de la patine, et si pâte il y a, c’est vraiment celle de la vie humaine avec ses ruptures, son histoire contemporaine, son pouvoir de l’ombre, son feu du gel *, une écriture qui n’a rien à voir avec ces chants qui ont cru nous mener et nous faire plus grands, avec ce bavardage abscons se remordant la langue, cette parodie dont les hommes durement se sont un jour écartés.

Doute, regrets, nostalgie noire, blessures à vif du désir et du souvenir, le propos de Libre livre est tourmenté, mais derrière ces durs constats, on retrouve toujours la véhémence de Jean Pérol, notamment dans la troisième partie du recueil dont le titre Nouveau cœur véhément fait bien évidemment écho, quarante-quatre ans après, à l’ouvrage publié chez Gallimard en 1968 et qui s’intitulait déjà Le Cœur véhément. La boucle est-elle bouclée ? Le cercle s’est-il refermé sur le cœur des années ? La réponse est au lecteur car si le poète se veut lucide jusqu’à la noirceur, sa poésie laisse toujours filtrer la lumière.

Dès les premières publications, la poésie de Jean Pérol allait souvent à contre courant sans pour autant chercher refuge dans les formes du  passé, même si la rime n’est pas dédaignée dans la première partie de ce récent opus, la plus sombre malgré son titre euphémique Petites variations avant la nuit. Jean Pérol ne prend pas le premier train de l’avant-garde qui passe mais il n’est pas pour autant réactionnaire. Il est simplement de la trempe de ces poètes qui explorent leur propre voie, guidés par leur voix singulière et empruntant de ce fait plus que les autres ce que Jean Tardieu appelait, dans une dédicace qu’il m’avait adressée « le difficile chemin de la création poétique ».

Jean Tardieu, justement, on le croise donc dans le dernier poème de la deuxième partie de Libre livre comme Jean Pérol raconte l’avoir croisé Au bas des escaliers plus exactement en 1968 si je me souviens bien au pied des escaliers gallimardiens. Rien d’étonnant à ce que le cadet Pérol ait composé cet espiègle et fraternel hommage à l’ainé Tardieu en y intégrant des extraits de ses poèmes car ces deux-là (l’un né en 1932 et l’autre en 1903) ont en commun une idée de la poésie ainsi que la vaste forêt d’ombres mielleuses et de sapins noirs du pays des Fleuves cachés**. 

Dans cette idée de la poésie partagée par les deux Jean, on trouve la narration qui revient, on s’en réjouit, dans le poème contemporain après quatre décennies pendant lesquelles Jean Pérol, de recueils poétiques en romans et en essais, a maintenu son cap. Il s’en expliquait déjà lors d’une interview improvisée qu’il m’avait accordée voici presque un quart de siècle en évoquant notamment les titres et sous-titres de ces recueils :

Tous mes sous-titres étaient faits exprès, à un moment où la poésie n’avait rien à voir avec le quotidien. Ce ne devait être qu’une mécanique linguistique dans laquelle on se livrait à des expériences. Maintenant, tout le monde a retourné sa veste. Mais en 1972, la biographie, interdite ! Le « je », le quotidien, interdits ! Donc, moi, uniquement pour enquiquiner, j’avais appelé ça « journal-poème » pour bien dire : ce sont des poèmes qui parlent de la vie de tous les jours, des signes que je donnais pour me faire entendre, comme mon premier recueil intitulé « Le Cœur véhément ». Mais, à ce moment-là, on déniait tout sentiment, tout droit au sentiment à la poésie. Alors, toujours pour embêter, j’ai pris ce titre presque « à la rictus », Le Cœur véhément, pour qu’on voie bien qu’il s’agit d’une histoire de cœur. Après, il y avait « récit-poème » parce que la poésie raconte. Les gens ont compris. Alors, j’ai appelé ça « poèmes », tout simplement.

Oui, la poésie raconte, et à qui s’est éloigné d’elle par incompréhension et lassitude, il faut aujourd’hui pour de belles retrouvailles conseiller de lire Jean Pérol car il est un des poètes français de sa génération qui a le mieux réussi à rester à hauteur d’homme sans rien sacrifier à son exigence de vivre le libre livre.

* Titres de plusieurs recueils de Jean Pérol.

** Mon pays des fleuves cachés est un poème de Jean Tardieu. Le Fleuve caché est le titre d'un recueil de Jean Tardieu. Ce titre est aussi celui de la première plaquette de poèmes publiée par Jean Tardieu en 1933.

Photo : Jean Pérol au Pont d'Ardèche