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19 janvier 2020

Carnet / En lisant Un sacré gueuleton de Jim Harrison (éditions J’ai lu)

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Pour me distraire de la nostalgie de Noël et du premier de l’an toujours passés trop vite à mes yeux, je me concentre sur le bien-être que me procure l’absence de neige et sur le bonheur de lire Jim Harrison.

Il s’agit cette fois d’un fort recueil d’articles dans lesquels Big Jim tresse en couronnes écriture et gastronomie, le genre de livre qui me donne faim, encore plus faim que d’habitude serais-je tenté d'ajouter. N’est-ce d’ailleurs pas ceci la bonne littérature, ce qui ouvre l’appétit, tous les appétits ? En somme, de quoi vous éviter le robinet d’eau tiède de la littérature française actuelle qui vous envoie dans le nez des relents de pisse-mémé chaque fois que vous ouvrez une de ses nouveautés calibrées par des bien-pensants distillateurs de jus de chaussette. Au secours, Big Jim !

Et je lis justement page 95 : Je peux dire que mon cœur et ma langue sont purs, ou relativement purs, du moins pour un membre de la tribu des écrivains, cette race singulière composée de junkies, d’alcoolos, de goujats, de pleurnicheurs, de gynécologues amateurs et d’anges de la désolation.

Je n’en écrirai pas plus pour le moment sur ce Sacré gueuleton car je vais le savourer doucement. Cette roborative lecture me remet en mémoire un épisode vécu lors d’un de mes premiers voyages à Venise, dans la décennie de mes vingt ans lorsque je réussissais le prodige de concilier sans problème minceur et gloutonnerie. 

À la table d'un restaurant renommé où l'on pouvait goûter aux spécialités de la gastronomie vénitienne, j'attendais mes filets de Saint-Pierre Casanova dans leur sauce au vin blanc avec petits fruits de mer. Survint alors un jeune couple aux manières des plus affectées. Les malheureux qui les servirent durent endurer sans broncher mille hésitations. Quant au sommelier, il avait dû embrasser, dans une vie antérieure, une carrière dans le corps diplomatique tant il avait supporté, impassible, les mines de connaisseur du jeune homme et les soupirs blasés de sa compagne. Pour finir, après une très théâtrale étude de la carte, ils avalèrent à toute vitesse ce qu'on leur avait spécialement préparé pour les satisfaire parce que ce n’était pas au menu d’un établissement de cette classe : deux steaks-frites bien saignants - ô barbares ! -

 

11 mai 2019

Carnet / Littérature et patates frites à la graisse de bacon

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Lorsque je travaille (très lentement) à un roman, je suis toujours perplexe quand il me faut céder à ce bricolage, c’est-à-dire veiller à la cohérence du récit, à l’épaisseur des personnages et autres ficelles attendues par une majorité de lecteurs comme on attend les pommes de terre avec la choucroute. Je voudrais bazarder toute cette horlogerie. C’est ce que j’avais fait dans mon Grand variable mais jamais ce livre ne fut considéré comme un roman.

 

C’est pourquoi j’admire Jim Harrison. On dirait qu’il n’a écrit tous ses gros bouquins que pour le plaisir de nous décrire ce qu’il mange, ce qu’il boit et où il marche. Plus les romans sont épais, plus les intrigues sont ténues ou bâclées. Les nouvelles tirent en longueur (ce sont d’ailleurs des novellas) et s’arrêtent comme elles ont commencé. Les chutes sont absentes ou prévisibles, notamment lorsqu’il y a suicide. Les scènes de sexe sont rapides, furtives et convenues. Le narrateur, omniscient ou non, est écrasant et désinvolte avec les autres personnages décrits à gros traits. La prose s’égare vers le poème et le poème s’épaissit dans la prose.

 

Lors d’une discussion avec un poète de ma connaissance, à l’écriture assez caractéristique de cette tendance que je déplore et qui consiste à intellectualiser la sensation, l’envie de provoquer un peu mon interlocuteur me fit évoquer un poème de Jim Harrison où il est question (entre autres) de patates frites dans la graisse de bacon. Le résultat ne se fit pas attendre. Mon visiteur poète me déclara : je ne lis pas de la poésie pour entendre parler de fricassées de patates.

 

Je lui répondis que je comprenais et respectais son point de vue mais que je ne le partageais pas. Du coup, la conversation tomba comme une cuillerée d’huile dans le gosier et nous eûmes bien du mal à la relancer tant elle avait été flinguée par les patates frites à la graisse de bacon de Jim Harrison.

 

28 janvier 2019

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jim harrison,légendes d'automne,blog littéraire de christian cottet-emard,alliés substantiels,littérature,roman,fiction,passé,marécage,écrivain américain,littérature américaine,USA,amérique,États Unis d'Amérique Il était arrivé à un âge où sa perception généralement sentimentale des choses était maintenant remplacée par une vision ironique du monde et de ses occupants ; le passé devenait un marécage épais d'où il se sentait incapable d'extraire la moindre conclusion.

- Jim Harrison - (Légendes d'automne)