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20 mai 2022

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03 août 2021

Meurtre et enquête à l’ombre de l’abbaye

Avril à Cluny, de Jean-Jacques Nuel. Éditions Héraclite. 158 p. 16 €.

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Le privé Brice Noval est de retour dans Avril à Cluny, le dernier polar de Jean-Jacques Nuel. Dans ses deux précédentes enquêtes, La Malédiction de l’Hôtel-Dieu et Terminus Perrache (éditions Germes de barbarie), Noval se creusait les méninges dans les rues de Lyon mais l’âge venant en même temps qu’une certaine lassitude pour la ville aux trois fleuves (le Rhône, la Saône et le Beaujolais), le voici bien décidé à profiter de la retraite dans un village près de Cluny. Seulement voilà, si le village est tranquille, Cluny, malgré ses cinq petits milliers d’habitants, l’est beaucoup moins après le meurtre d’un libraire.

Pour contrarier encore les projets de l’enquêteur désireux de se ranger des voitures, l’ombre menaçante d’un moine erre la nuit dans les rues de la ville aux mille ans d’histoire. Ambiance !

Toujours sensible au charme féminin, Noval laisse son agent immobilier, une jeune femme qui ne se satisfait pas des conclusions de l’enquête officielle, le persuader de mener la sienne, pour le plus grand bonheur du lecteur aussitôt entraîné dans la pénombre et le clair-obscur de cette province qui ne dort que d’un œil mais où les éternelles turpitudes humaines ne s’en déchaînent pas moins. Brice Noval manquera de peu d’en faire les frais mais on verra dans la pirouette humoristique finale d’un ingénieux double épilogue qu’il a fait le boulot.

Au passage, la lecture de ce polar rondement mené nous évoque en brèves notations, sans s’égarer dans trop de développements historiques, les épisodes les plus marquants de l’immense rayonnement puis du déclin du site de Cluny qui fut, par son abbaye et son église, la plus grande de la chrétienté avant la reconstruction de Saint-Pierre de Rome, un phare spirituel de l’Occident.

Ainsi que le fait remarquer l’enquêteur Brice Noval, « si l’on y réfléchit bien, la fin de l’église abbatiale est moins le fait des révolutionnaires que des bourgeois. Ce sont des spéculateurs qui ont voulu optimiser leur profit. Des bourgeois qui se sont enrichis dans cette opération, au mépris de l’art, de l’architecture et de l’Histoire. » À méditer aujourd’hui...

Publié avec grand soin par les éditions Héraclite dans leur collection Terres de Bourgogne, Avril à Cluny nous donne le rythme de l’enquête policière, l’atmosphère romanesque et les rapides escapades dans le temps historique, tout cela concentré en 158 pages. Pas le temps de s’ennuyer !

Christian Cottet-Emard

 

 

05 mars 2020

Carnet / Pourquoi je ne tiens plus salon.

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Ma dernière participation à un grand salon du livre remonte à la publication de mon petit polar, Le Club des pantouflards. Cela fait donc longtemps. Depuis, j'ai même renoncé aux petits salons, y compris ceux qui sont situés près de chez moi. C'est beaucoup d'efforts pour pas grand-chose et pas forcément agréable sur le plan relationnel. Le bénéfice est supérieur sur Internet, la fatigue en moins.

Pour la sortie du Club des pantouflards, j’intervenais une journée sur le stand de mon éditeur et le lendemain sur le stand d’un important groupe de librairies où j’ai d’ailleurs été très gentiment accueilli par le personnel. J’avais accepté cet arrangement (en l’absence de tout défraiement) pour être agréable à mon éditeur qui fait du bon travail auprès des libraires, notamment chez celui qui me recevait pour la deuxième partie de ma prestation.

La bonne ambiance qui régnait sur le stand du libraire me faisait oublier mes réticences à travailler bénévolement à une animation commerciale lorsque je vis se diriger droit sur moi un monsieur âgé mais énergique, coiffé d’un chapeau et vêtu d’un pardessus classique à la mode des années soixante-dix du siècle dernier. Il me gratifia d’une poignée de main vigoureuse en prononçant son nom d’une voix forte.

J’avais devant moi le fondateur de la chaîne de librairies où je faisais de la figuration. Je me présentai à mon tour puis, voyant ce monsieur disposé à bavarder alors que je ne trouvais pas grand chose à lui dire, je fis allusion à la formation aux métiers de la librairie que j’avais suivie de nombreuses années auparavant. Il enchaîna sur ce sujet, évoquant même des personnalités que nous connaissions tous deux, lorsqu’il interrompit la conversation en me coupant fort grossièrement la parole. Il m’indiqua du doigt trois personnes qui feuilletaient mes livres et déclara sur le ton de qui est habitué à se faire obéir, comme si je faisais partie de son personnel : « vous avez des clients. » salon du livre,lecture en public,dédicace,signature,scène poétique,ens de lyon,école normale supérieure,bibliothèque de la part-dieu,christian cottet-emardL’âge vénérable de ce boutiquier me préserva de la tentation d’envoyer valdinguer son chapeau à l’autre bout du salon pour lui apprendre la politesse, ce qui eût certes été conforme à l’idée que je me fais des relations humaines lorsqu’on me prend à rebrousse-poil mais qui eût sans doute aussi ruiné les patients efforts de mon éditeur en faveur de la diffusion de la littérature.

Je ne peux m’empêcher de rapprocher cette anecdote d’une autre, impliquant le même genre de personnage dans un contexte en apparence différent. En apparence seulement.

L’été de mes seize ans, j’eus la chance de découvrir en compagnie de quelques camarades les joies d’un mois d’usine pour financer mes vacances. Parfois, les conducteurs de machines devaient procéder à quelques réglages, ce qui nous ménageait à nous, simples manœuvres, un temps de répit bref mais appréciable en ces longues heures exténuantes. salon du livre,lecture en public,dédicace,signature,scène poétique,ens de lyon,école normale supérieure,bibliothèque de la part-dieu,christian cottet-emardAu cours d’une de ces pauses, le vieux fondateur de l’usine, en retraite depuis longtemps, vint faire son petit tour du propriétaire et nous repéra tout de suite en train de souffler en attendant la fin des réglages. Il nous ordonna de nous saisir des balais qui ne servaient qu’en fin de journée pour débarrasser le sol des débris de fabrication, ce qui était parfaitement inutile puisque nous allions reprendre la production et donc encombrer le sol de nouveaux débris quelques minutes après. Naturellement, dès qu’il eut le dos tourné, les régleurs nous firent poser les balais en rigolant et en nous disant de ne pas nous en faire : « ça lui rappelle ses bonnes années ! »

Quel rapport avec le premier épisode ? Eh bien là au moins, nous étions payés.