09 février 2014
Signe de feu et « minguet »
Avec les années, l’hiver me pèse de plus en plus, surtout dans ma campagne. En ce moment, il n’est pas trop méchant et les couches de neige successives sont vite balayées par de forts coups de vent du sud. Du coup, économies substantielles de gaz grâce au feu de bois qui suffit pour l’instant à chauffer toute la maison mais au prix d’efforts de manutention dont je me passerais bien (stockage, rangement, transport).
En attendant la prochaine livraison de six stères, je me dépanne avec du bois entassé par mon défunt père qui avait des coupes affouagères et qui avait accumulé de grandes quantités qu’il n’a pas eu le temps de tronçonner. Il m’a donc fallu, cette semaine, manier la tronçonneuse, moi qui n’utilise jamais d’outils mécaniques dans ma vie quotidienne parce que je n’aime pas ça et parce que je suis extrêmement maladroit.
Minguet !
Mon père avait un mot pour cela, minguet. Il se désolait de me voir minguet parce qu’il était surpris, déçu et inquiet à juste titre que je ne sache rien faire de mes dix doigts. C’est même une des nombreuses raisons de notre rendez-vous manqué dans la vie, mon absence d’habileté, ma maladresse à saisir des objets, ma tendance à casser mes jouets, mon indifférence pour les jeux de construction, le mécano, les petits chalets suisses à assembler.
Être minguet en a rajouté dans mes difficultés scolaires à l’école primaire avec des heures de travail manuel qui tournaient au supplice. Une année, nous devions construire une église miniature avec des allumettes et une maquette de planeur en bois de cagette. Avant les vacances, nous avions le droit de récupérer nos travaux pour les emporter chez nous. Je me souviens de ce dernier jour d’école où j’avais envie de dire au maître que je n’avais que faire de ces saletés qui m’avaient coûté tant de vains efforts et de remontrances. À peine rentré chez moi, je me suis isolé dans un coin du jardin et j’ai piétiné le planeur avec une volupté dont je me souviens encore comme si c’était hier. Après, pour continuer de célébrer la liberté qui commençait et qui durait à l’époque jusqu’à la mi-septembre, j’ai foutu le feu à l’église qui a fait une belle flamme parce qu’elle était construite en carton recouvert d’allumettes.
En ces temps lointains, on chantait encore Vive les vacances / plus de pénitences / les cahiers au feu / les maîtres au milieu. Je me rappelle avoir gueulé cette chanson au milieu du potager et dansé la danse du scalp (je jouais beaucoup aux indiens) sur les débris de ces objets absurdes qu’on m’avait contraint de fabriquer. La revanche secrète du minguet !
C’est aussi ce jour-là, pendant ce grand défoulement solitaire, que j’ai senti se former dans mon esprit de gosse ombrageux (sagittaire, signe de feu ! disait de moi la vieille voisine) une des premières images poétiques que je n’avais bien entendu pas encore l’âge d’identifier comme telle mais qui est restée gravée en moi : la flamme de la colère qui s’épanouit comme la corolle d’une fleur dépliée par le vent sec de cette veille de vacances !
Et me voici aujourd’hui encore en train de brûler du bois que j’ai tronçonné cette semaine en poussant des jurons dont on a dû profiter à l’autre bout du village. Excuse-moi papa, mais ça soulage tellement !
Les Variations symphoniques (extrait)
© Éditions Orage-lagune-Express, 2013. Droits réservés.
Photo 2 : Linette joue la mouche du coche.
03:23 Publié dans Les variations symphoniques | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : feu, hiver, bûche, affouage, bois, stère, coupe, chauffage, bois de chauffage, allumettes, cagette, variations symphoniques, christian cottet-emard, sagittaire, signe de feu, blog littéraire de christian cottet-emard, note, journal, souvenir, enfance, colère, école, maître d'école, instituteur, pénitence, punition, vacances, poésie, littérature, révolte, caractère ombrageux, mélancolie, exaspération, maladresse, mains
19 juin 2013
No, I'm not going to the world cup.
10:31 Publié dans NOUVELLES DU FRONT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : brésil, ballon, contestation, protestation, révolte, manifestation, blog littéraire de christian cottet-emard, world cup, coupe du monde de foot, foot, jeux olympiques, fric, argent, scandales financiers, luttes sociales
27 novembre 2006
Liberté à perpétuité
“Liberté quand on m’écrit ton nom je sors mon revolver” rétorquerais-tu bien à ceux qui font commerce de ce mot
Va leur expliquer la signification de Liberté à la moindre panne d’électricité
Libertad est-il écrit sur la bague de cet excellent cigare echo en Honduras totalmente a mano
Mais notre cœur bat pour la liberté s’écrient les plus poètes à leurs heures
Et pourtant leur cœur a commencé à battre sans qu’ils s’en aperçoivent et s’arrêtera sans leur demander leur avis ô Liberté
Et si cette idée révolte les plus intelligents certains se croiront libres en se tirant une balle de ce revolver que tu as envie de sortir chaque fois qu’on te chante le refrain de la liberté
Mais ils n’auront pas été plus libres pour autant en s’étant tiré une balle dans la tête
À peine auront-ils été le jouet d’une chimie d’une colère captive comme une lave de leur nostalgie de liberté
Et si leur mort vécue par eux comme leur seul geste de liberté n’était même pas leur mort ?
Et que ce qu’ils croyaient être leur mort débouche sur autre chose sur un nouveau cœur qui démarre tout seul ?
Et qu’à nouveau grince à leurs oreilles comme un mauvais violon pour les siècles des siècles Liberté Liberté chérie !
Copyright : Orage-Lagune-Express, 2006.
17:10 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Poésie, liberté, électricité, cigare, revolver, coeur, révolte