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30 décembre 2013

Carnet de l’entre deux fêtes

Entre deux « fêtes » , entre deux ans, entre deux saisons intérieures, période d’oscillation, de balancement. Comme d’habitude, je trouve du réconfort dans la musique, dans la Messe en si mineur de Jean-Sébastien Bach, notamment dans le Duetto (soprano/altus) Et in unum Deum. Du feu serein.

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 Au feu le journal !
Je déplie des pages du quotidien local auquel ma mère persiste à s’abonner et dont je la débarrasse pour allumer le feu. Ouvrir ces journaux, c’est prendre en pleine figure les miasmes de la vie locale. Cela vous arrive dans les narines comme un relent de bistrot ou de vestiaire et le moral peut en prendre un coup. Cette actualité pue la petite vie rance et moisie. Vite, au feu !    
Au feu le monde désenchanté !
Rien de pire pour moi que de vivre dans un monde désenchanté, un monde où l’on ricane de la poésie et où l’on se défie des sentiments, un monde où l’on naît et où l’on est que pour le fonctionnement de la fourmilière.
Un monde non désenchanté n’est pas forcément un monde enchanté, un monde qui se nourrit de rêves mièvres et de poésie à deux sous, c’est un monde où l’on attend le lendemain, où l’on est impatient du lendemain, où l’on sait que le lendemain apportera son lot de joie, de curiosité, de découverte et d’échange, le contraire du monde que nous font aujourd’hui l’économie, l’industrie, la politique, le journal télévisé, le bourrage de crâne de la performance et de l’engagement, le spectacle hideux et affligeant du sport de compétition (y compris de la compétition avec soi-même), au feu ce monde-là !
Petite flamme dans les ténèbres
La seule bonne attitude quand on est déjà capable de se réconforter avec le Duetto Et in unum Deum de la Messe en si mineur de Bach : être en retrait, ne pas s’engager en pure perte où l’on est attendu au tournant, se protéger, contourner obstacles et vains conflits, bannir toute compétition, éviter toute personne qui met en situation de compétition, même amicale, toute personne qui évalue et attend d’autrui ce qu’il ne peut donner, être un homme à la fenêtre. Je ne suis pas riche mais j’ai quand même les moyens de ce luxe extraordinaire pour l’époque. Une flamme de bougie me réchauffe et m’éclaire dans les ténèbres du monde désenchanté et cette toute petite flamme rayonne plus que la grande roue de la place Bellecour.

Photo : Place Bellecour à Lyon, avant Noël.

18 décembre 2013

Morale de la peur

(Du concept militaire de dissuasion appliqué aux rapports sociaux et au monde du travail)

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Ce qui fonctionne encore aujourd’hui dans le domaine militaire (pour les grandes puissances occidentales tout au moins) ne marche hélas plus sur le nouveau théâtre d’opérations qu’est le monde du travail.

Solitude du travailleur au casse-pipe

L’individu s’y retrouve seul sous le feu, avec de moins en moins de soutiens collectifs institutionnels et de moins en moins de solidarité individuelle car les syndicats sont hélas devenus des partenaires des dirigeants au lieu de rester des adversaires, aussi bien dans le privé que dans le public, et les collègues des concurrents qui n’ont plus qu’une idée en regardant tomber les autres, celle de ne pas tomber eux-mêmes. En gros, ce sont les assauts meurtriers et absurdes de la guerre de 14 transposés du champ de bataille au lieu de travail où l’on n’est plus que le flingueur et le flingué de quelqu’un, pour le plus grand profit de la classe dominante et les petits et précaires profits de ses kapos. J’appelle Kapos les petits grades de l’armée silencieuse et dévastatrices de ceux qui gèrent ce qu’on appelle sans complexe « la ressource humaine » comme on désigne les ressources minière, pétrolière, ressources destinées, ne l’oublions pas, à être consumées. Dans son deuxième sens, le verbe consumer signifie brûler, mais dans son sens premier il signifie « épuiser complètement les forces, abattre, user » .

Chair à canon, chair à profit

Être épuisé, abattu, usé, brûlé, c’est ce qui arrive aux soldats sur les champs de batailles mais c’est ce qui arrive aussi aujourd’hui aux salariés dans les entreprises et de plus en plus souvent dans le service public également. Sur les champs de bataille, il arrive que des soldats se suicident. Dans le monde du travail aussi. La notion de souffrance au travail est désormais reconnue, qu’on l’éprouve soi-même ou qu’on en soit témoin. L'un des résultats extrêmes de cette souffrance est le « burnout » (syndrome d'épuisement professionnel). Le terme renvoie bien sûr au fait d'être épuisé, abattu, littéralement « brûlé » . Le lieu de travail est devenu un lieu de souffrance et d’affrontement violent comme le champ de bataille. Je me rappelle d’un de mes petits supérieurs hiérarchiques qui appelaient les gens qui perdaient leur emploi dans la mêlée des « morts » . Et de fait, celles et ceux qui chutent deviennent effectivement, d’un point de vue social, des « morts » .

Management par la peur

Sur les deux fronts, hier militaire, aujourd’hui professionnel, règne désormais en maîtresse absolue la peur, peur de perdre la vie physique, biologique à la guerre, peur de perdre la vie économique, sociale, au travail. Moi qui ne travaille plus depuis longtemps au sens strictement social et économique du terme, je vois la peur à l’œuvre partout où je vais effectuer mes démarches quotidiennes de consommateur de biens et de services. Des mairies qui deviennent des « maisons de l’angoisse » , des services publics où le personnel souffre en silence, coincé entre le management par la terreur de la petite hiérarchie et l’agressivité des usagers qui viennent se défouler sur les fonctionnaires de ce qu’ils vivent eux-mêmes chez leurs employeurs privés.

Comment trouver un espoir de sortir de cette spirale, de cet enfer dont les portes hélas toujours entrouvertes dans les périodes à peu près fastes ont carrément cédé lors du funeste virage économico-social des années 80 du vingtième siècle ?

Pour l’instant, les réponses ne sont hélas que dans les livres et si je suis en cette situation bénéfique de retrait de la société qui me permet d’observer ce qui se passe sous mes yeux sans être aveuglé parce que trop impliqué, je ne suis pas plus malin que les autres pour proposer des solutions. Je lis peu d’ouvrages théoriques et d’essais sur les sujets de société car la société m’intéresse aussi peu que je ne l’intéresse et parce qu’à mon âge (54 ans), je préfère me concentrer sur ce qui a toujours primé pour moi, la poésie et la fiction romanesque.

Pourquoi nous travaillons

L’année dernière, j’ai lu très attentivement le livre Pourquoi nous travaillons (Collection Le Croquant, l’Harmattant éditeur) de mon ami Michel Cornaton, fondateur de la revue Le Croquant à laquelle j’ai collaboré à peu près un quart de siècle. Je m’étais promis d’écrire un compte-rendu de cet ouvrage brillant et surtout passionnant mais je me suis vite aperçu que j’en étais incapable. La raison de ce blocage est simple, je suis probablement en état de névrose de stress post-traumatique après ce que j’ai vécu dans ma vie professionnelle, dans les quelques métiers que j’ai exercés, le pire s’étant produit lorsque je travaillais dans la presse quotidienne régionale.blog littéraire de christian cottet-emard,travail,peine,job,boulot,turbin,syndicat,rapport de force,équilibre de la terreur,dissuasion,concept militaire de dissuasion,dissuasion nucléaire,front,guerre,affrontement,conflit,suicide,souffrance,violence,victime,oppression,harcèlement,souffrance au travail,michel cornaton,pourquoi nous travaillons,collection le croquant,harmattant,éditions l'harmattant,je te tiens tu me tiens par la barbichette

Mon expérience désastreuse du monde du travail dès l’instant où j’y suis entré ne me permet pas de parler sereinement de ce livre dont on trouvera le résumé ici. J’en recommande la lecture tout en n’adhérant pas au très relatif optimisme réformiste de Michel Cornaton, notamment lorsqu’il écrit : « Dans l’immédiat, il nous faut revoir nos idées sur l’entreprise ; l’époque où elle faisait figure d’ennemie de classe est révolue, celle où elle était une zone de non droit aussi. »

Tout, dans mon vécu professionnel passé et dans le vécu présent de toutes les personnes que je connais de près ou de loin, à quelque niveau de compétence que ce soit, me prouve le contraire. À mon très humble avis qui n’est ni celui d’un intellectuel, ni celui d’un universitaire ni celui d’un détenteur d’une expertise particulière en ce domaine mais celui de quelqu’un qui a connu comme presque tout le monde la désespérante expérience du travail contraint, je pense que seul un retour à un rapport de force équilibré sinon équitable entre travailleur et employeurs (publics ou privés) peut ramener une situation acceptable dans un monde du travail où l’on sait très bien que l’enjeu n’est pas de s’aimer mais tout simplement de ne pas se détruire.

Autrement dit, le concept militaire de dissuasion appliqué au champ économique et social qui peut garantir une forme de paix, une paix triste, mais la paix quand même. Ce que j’appelais « une Morale de la peur » , titre que j’avais choisi quand j’avais une vingtaine d’année pour un essai que je m’étais mis en tête de perdre du temps à écrire sur ce sujet du travail mais dont j’ai eu la sagesse d’abandonner le vain projet au vu de ce qui se passe aujourd’hui sous mon regard las.

14 décembre 2013

De la prostitution et d’un de ses avatars

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Il faut donc aller chercher un peu de pensée et de nuance concernant un problème aussi complexe, non pas dans le courrier des lecteurs, mais parfois dans les « pages débats » des journaux nationaux. Ainsi ai-je déniché dans Le Monde (8 novembre 2013) la contribution très pertinente de la sociologue Nathalie Heinich à propos de la pénalisation des clients (tes) :

« Les défenseurs de ce projet arguent que les personnes qui se prostituent ne le font de leur plein gré qu’apparemment, y étant le plus souvent poussées par la nécessité économique ou par des traumatismes psychiques. Mais l’argument de la nécessité économique ne tient pas, ou alors il faudrait interdire toute activité rémunérée pour des raisons strictement alimentaires. » (C’est moi qui souligne).

Dans le concert des pour et des contre, des hypocrites et des cyniques, des pères et mères la morale et des noceurs, voilà bien la seule réflexion qui m’a touché parce qu’elle concerne le travail. Que fait une personne qui se prostitue ? Elle est là où elle n’a pas forcément envie d’être, elle est en compagnie de personnes avec qui elle n’a pas choisi de passer du temps et elle a une activité qu’elle n’exerce que parce qu’elle est rémunérée.

Eh bien moi, cela me rappelle mes années de travail parce que personnellement, je n’ai jamais éprouvé le moindre intérêt ni le moindre plaisir dans les différentes activités professionnelles auxquelles j’ai dû consentir pour des raisons exclusivement économiques. Et je ne pense pas être le seul dans ce cas même s’il n’y a plus grand-monde aujourd’hui pour oser affirmer au milieu des collègues et en présence de la hiérarchie n’être au travail que pour l’argent !