26 septembre 2017
Carnet / De Clérambault à Borges, un samedi à Genève
Samedi après-midi, j’étais à Genève pour écouter Florence Grasset chanter des motets de Nicolas Clérambault, notamment son Miserere, avec l’Ensemble Polhymnia sous la direction de Franck Marcon à la Chapelle des Rois au célèbre cimetière de Plainpalais.
Avant ce somptueux moment donné par des interprètes qui offrent à cette musique une présence, une puissance et une clarté qui se jouent des siècles, j’ai profité de la journée de découverte de ce cimetière datant de 1482 situé dans un vaste parc en pleine ville.
Avec les parents de Florence qui m’ont gentiment véhiculé à Genève (Bernard Grasset, le père de Florence, est l’auteur de la couverture de mon livre Prairie journal), j’ai flâné par les miroitements et les ombres des grands arbres exotiques dans le dédale des sépultures aux styles souvent en rapport avec la personnalité des défunts les plus connus, le chef d’orchestre Ernest Ansermet, le compositeur Alberto Ginastera, l’écrivaine Grisélidis Réal, l’écrivain Jorge Luis Borges et bien d’autres.
En ce moment, le hasard me ramène souvent à Borges qui n’est pas toujours pour moi un écrivain facile d’accès mais à qui je trouve une particularité qu’il partage cependant avec quelques autres : je pense que Borges est de ces auteurs qui pourraient être aussi des personnages de roman. Dans sa maturité et son grand âge, il a donné des entretiens en français au cours desquels il évoque de son bel accent argentin les méandres de son œuvre avec une simplicité, une concision, une élégance et surtout un fascinant détachement. Sa tombe est toute simple, recouverte de verdure et surmontée d’une petite stèle sans prétention. Tout autour, la pelouse a disparu sous les pas des nombreux visiteurs qu’elle reçoit.
Juste avant le concert qui avait lieu en cette fin d’après-midi à la douceur estivale mais déjà nimbée des demi-teintes et parfums d’automne, un excellent buffet où l’on servait des verres de ce Chasselas dont je suis si friand était dressé sous les arbres du cimetière. Ce qui frappe en ce lieu pourtant de dernières demeures, c’est qu’on y pense plus à la vie qu’à la mort.
Pour le dîner d’après concert, une table nous attendait par chance dans les lumières et la joyeuse effervescence du Remor où je suis revenu au Chasselas puisque je ne conduisais pas.
Après quelques pas en sortant, la clarté laiteuse d’une vitrine qui devait être celle d’une galerie d’art m’a attiré devant la reproduction d’une tête posée par terre au milieu d’un vaste espace, une tête qui ne m’était pas inconnue : Borges, encore lui ! Est-ce le signe qu’un de ses livres a quelque chose de particulier à me dire en ce moment ? Je ne manquerai pas d’aller vérifier dans le fouillis qui me sert de bibliothèque.
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24 septembre 2017
Dans la presse : « La réalité, ce n'est pas l'islamophobie mais l'occidentophobie »
L'intégralité de l'article ici
« La vraie réalité, qui se compte en nombre de morts, et cela est bien réel, c'est l'occidentophobie (qu'il vaudrait mieux appeler misoccidentie, si le mot n'était dissonant): la haine de l'Occident. Il est probable qu'à force de vouloir nous déconstruire nous-mêmes, nous avons donné des armes à ceux qui déjà ne nous aimaient pas beaucoup - quand on bat sa coulpe en permanence, on finit par apparaître comme un raté. »
- Chantal Delsol -
Source : Le Figaro.fr, mercredi 6 septembre 2017
16:21 Publié dans NOUVELLES DU FRONT | Lien permanent | Commentaires (0)
19 septembre 2017
Carnet / Au temps des préfabriqués
Au hasard des journées du patrimoine, je me suis retrouvé ce dimanche en fin d’après-midi devant le lycée où j’ai péniblement végété à la fin des années soixante-dix. J’ai préféré attendre dehors sous mon parapluie les personnes que j’accompagnais. Aucune nostalgie.
En fumant mon cigare du Honduras devant cette façade rébarbative située place des Déportés et flanquée de la rue de la Paix et de la rue de la Victoire (cela ne s’invente pas !) j’ai pensé à l’enseignement que j’ai reçu dans ces classes plus ou moins vétustes et dans ces fameux bâtiments préfabriqués dont les lycéens de ma génération se souviennent sans doute. Pendant les cours, un homme en blouse bleue transportant un arrosoir rempli de mazout venait recharger le poêle et repartait en faisant plier et craquer le plancher noir et branlant.
Les professeurs de cette époque étaient souvent très politisés et ceci dès le collège. Je me souviens d’une jeune prof d’espagnol au collège Saint-Joseph de ma ville qui nous parlait en classe de quatrième du Christ révolutionnaire (!), ce qui m’avait inspiré une totale indifférence à l’inverse de mon père et de mon grand-père qui avaient quant à eux très modérément apprécié.
Du collège privé au lycée public, l’engagement politique à gauche et à l’extrême gauche était à la mode chez les enseignants. Bon nombre d’entre eux étaient marxistes et tentaient sans grand succès de saupoudrer leur enseignement d’un peu d’idéologie. J’avais des rapports tendus avec beaucoup d’entre eux. Mon échec scolaire dont j’étais seul responsable les renvoyait à ce qu’ils croyaient à tort être leur échec, ce qui les rendait parfois amers et condescendants et ce qui me poussait d’autant plus à rejeter le modèle qu’ils proposaient bien sûr en toute bonne foi.
J’avais été sévèrement sermonné par quelques profs d’extrême gauche qui connaissaient ma décision de ne pas faire mon service militaire, non par antimilitarisme ou par objection de conscience mais par simple convenance personnelle liée à mon incapacité à supporter toute vie en collectivité. Ces révolutionnaires d'opérette m’encourageaient à profiter de la conscription pour apprendre à manier les armes en prévision du Grand Soir. Il va sans dire que je n’ai tenu aucun compte de leurs arguments, que je n’ai jamais cru au Grand soir et que j’ai été réformé.
Qu’aurait été ma vie si je m’étais laissé influencer par leurs fadaises politiques, y compris celles, plus modérées, des cathos de gauche ? Oh, le risque était faible car à la fin de l’adolescence, j’avais l’esprit beaucoup plus réactionnaire et petit bourgeois que maintenant, ce qui est plus souvent qu’on ne le croit le cas chez les jeunes. Aujourd’hui j’ai gardé intact l’individualisme qui horripilait mes profs mais je suis désormais plus conservateur que réactionnaire.
J’en ai longtemps voulu à cette frange d’enseignants plus ou moins militants qui me reprochaient d’afficher mon indifférence politique, mon allergie à toute forme de bénévolat et d’engagement collectif jusqu’au jour où j’ai compris qu’ils évoluaient comme il pouvaient dans un système dont ils étaient eux aussi les victimes. Il ne leur restait peut-être rien d’autre que leurs illusions malmenées et leurs crispations idéologiques pour trouver encore un peu de sens à leur vie professionnelle. Ni eux ni leurs élèves ne pouvaient savoir, un quart de siècle avant, qu’ils étaient déjà sous la menace de la vulgarité régressive et oppressive du nouveau millénaire.
À part un ou deux psychopathes, en sport évidemment, discipline dont je me suis de toute façon moi-même dispensé avant même mon entrée au lycée, la majorité des enseignants qui se sont succédé dans ma scolarité faisaient ce qu’ils pouvaient pour exercer au mieux leur métier pas toujours facile.
En cette pluvieuse journée du patrimoine, devant ce bahut ouvert pour l’occasion, j’ai pensé à ce que je ne devais pas à cet établissement et que seule ma famille m’a offert : du confort et du temps. (J’aime la famille car c’est la seule organisation sociale qui peut à la fois ouvrir l’individu au groupe et, le cas échéant, l’en protéger. La plupart des sociétés qui ne sont pas structurées en cellules familiales sont proches de la fourmilière.)
Ce dimanche devant les hauts murs ternes, j’ai senti les petites rancunes qui me restaient s’écouler prestement comme la pluie dans le caniveau, à l’image de tout ce qui a si peu de sens et d’importance mais à quoi tant d’heures neuves et fraîches ont été perdues.
Photo : souvenir de l'époque des préfabriqués.
01:28 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : journées du patrimoine 2017, lycée, souvenirs, collège, enseignement, professeur, oyonnax, ain, rhône-alpes auvergne, france, blog littéraire de christian cottet-emard, carnet, note, journal, christian cottet-emard, bâtiment préfabriqué, grand soir, cathos de gauche, christ révolutionnaire, idéologie, engagement, politique, classe, prof, marxisme, bénévolat, individualisme, conscription, jeunesse, service militaire, famille, pluie, parapluie, cigares du honduras, villa zamorano