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01 novembre 2007

Jacki Maréchal en son paysage

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Jacki Maréchal avait rendez-vous. Depuis quand ? Peut-être l’ignorait-il lui-même jusqu’à ce que l’évidence se révèle
comme une source ayant attendu son jour pour surgir avec force et douceur. Il avait rendez-vous avec l’artiste qu’il cherchait dans d’autres œuvres quand vint enfin le moment de livrer la sienne. Il avait rendez-vous avec sa peinture qui depuis quelques années surgit, évolue et se renouvelle à un rythme prodigieux. Mais cet élan créateur n’a pourtant rien à voir avec d’improbables prodiges puisque c’est en sachant s’ouvrir à ce qui patientait en lui et en y travaillant chaque jour à l’atelier que Jacki Maréchal a pu accéder à cette abondance désormais partagée.

Une quête inquiète, littéraire, spirituelle, esthétique, a précédé le foisonnement qu’il accueille maintenant avec sérénité après s’être confronté non seulement aux apprentissages mais encore aux héritages d’autres artistes. Avec eux s’établirent des liens amicaux et professionnels qui vinrent compléter les recherches personnelles, les interrogations, les tâtonnements, étapes incontournables pour l’acquisition d’un « métier » avec lequel il faut accepter de rompre pour accéder à son propre langage. Tout créateur chemine ainsi. Jacki Maréchal a dû ouvrir toutes ces portes et il faut parfois des décennies pour passer de l’une à l’autre, à moins d’être mû, comme lui, par une force qui vient de loin et qui, le moment venu, sans détours, passe directement dans la toile.

Délester le tableau du poids des concepts, le libérer des références qui pourraient dégénérer en révérences, le préserver du jeu superficiel des citations, l’alléger de toute démonstration, quel programme ambitieux pour une œuvre si fraîchement épanouie ! Mais que serait un art sans cette ambition qui lui est propre, par nature illimitée ?

« Il arrive un moment dans la vie où vous décidez de faire une promenade et vous vous promenez dans votre paysage » écrivait Willem De Kooning.

Je crois que Jacki Maréchal a poussé cette haute porte et qu’il entre résolument dans ce paysage, son paysage, qui nous invite à notre tour à de libres promenades.


* ATELIER EX-LIBRIS, 3 rue Brunet, 01100 Oyonnax.
04 74 73 64 97 et 06 16 26 07 58

Vernissage le vendredi 23 novembre 2007 vers 18h30.

Expo du 23 novembre au 29 décembre 2007.

Voir quelques toiles sur le site :
http://jacki-marechal.com/oeuvresrecentesgaleries1234.htm

19 octobre 2007

Sous la cascade au nom qui fait rire

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(À Michel Cornaton)


Tu voudrais disparaître

Pour toujours disparaître

Disparaître
de la circulation
automobile

Mais réapparaître
à jamais perdu
pour l’auto

Réapparaître sur le chemin départemental où sèchent toujours tranquillement les feuilles de foyard et de tilleul comme au premier jour le premier jour où tu marchas dans ces feuilles sèches

Réapparaître au bord du gouffre Le Pétrin de la foudre ou dans la marmite de la cascade au nom qui fait rire

« Comme par enchantement » disparaître et réapparaître dans cette cascade et pas une autre même si cette autre s’appelle Le Saut de l’âne ou La Queue de cheval

Tu voudrais réapparaître249fc8c5616797a2415f607516320d90.jpg

À jamais perdu
pour la circulation
automobile

Et rire éperdu dans la marmite de la cascade au nom qui fait rire où cerné d’arcs-en-ciel tu peux te tenir debout avec de l’eau jusqu’au menton et ressortir tout bleu dans l’été rire parce que tu aurais réussi à disparaître et à réapparaître quand ça te chantait et sourire soûl rire vivre ivre

Apparaître disparaître réapparaître comme ça te chante dans la cascade « comme par enchantement » t’enchante la cascade au nom qui fait rire

Un peu gamin sur les bords pourquoi pas si ça te chante « Colchiques dans les prés » « Vent frais vent du matin sous le vent le sommet des grands pins »

Renaître non

Juste réapparaître
dans les colchiques dans les prés sous le vent dans les grands pins noirs d’Autriche qui retiennent la falaise et ses campanules de la tentation du gouffre

Seule la cascade connaît le gouffre et en revient et s’en enchante au grand jour or et bleu et s’en enchante dans l’envol des feuilles de foyard d’érable de charme de sycomore d’alisier de sorbier seule la cascade sait apparaître disparaître réapparaître seule la cascade sait chanter au fond du gouffre comme dans la folle joie de l’automne où pour toujours tu voudrais réapparaître à jamais enchanté

© Éditions Orage-Lagune-Express 2007

15 octobre 2007

Poésie vive à Ambérieu en Bugey (01)

Martin Laquet me communique le programme 2007/2008 de Poésie vive, un cycle de lectures-rencontres avec des poètes. Médiathèque, La Grenette, rue Amédée Bonnet, salle Armand Decour, 19h30. Entrée libre. Au programme, Charles Juliet le 19 octobre, Daniel Biga le 14 décembre et Jacques Ancet le 28 mars.

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J'en profite pour mettre en ligne sur ce blog ma note de lecture (parue sur le site des éditions Orage-Lagune-Express) concernant L'Autre versant ou le silence traversé, recueil publié par Martin Laquet aux éditions Librairie-Galerie Racine.

L'Autre versant ou le silence traversé

Auteur de La Nuit déshabillée (librairie-Galerie Racine) et de Les dés du temps n'ont qu'une seule face (Prix Arthur Rimbaud 1999) dont des extraits figurent dans Printemps pour un nouveau siècle (Maison de poésie 1999), Martin Laquet, qui est aussi peintre, a publié des poèmes dans les revues Arpa, Inédit, Rétroviseur et Poésie 1 / Vagabondages.

Recevoir certains livres comme des cadeaux inattendus est souvent le privilège des lecteurs de poésie.

L'Autre versant de Martin Laquet est de ceux-là.

L'instant qui ne veut pas disparaître sous-tend cette écriture dont la sobriété cerne au plus précis les contours de l'image. Philippe Jaccottet pour le raffinement et René Guy Cadou pour le lyrisme contenu ne sont pas cités par hasard dans le paysage intérieur de Martin Laquet.

Les deux parties du livre, L'Eau du temps et Ombres et corps, diffusent la lueur des jours incertains, des ciels de demi-saison. Nous ne cheminons pas ici dans la crudité des néons urbains mais sous les variations des aubes et des crépuscules de province et lorsque la campagne cède du terrain à la ville, c'est au profit d'un espace intermédiaire révélateur d'un état de passage, de transition (« la nostalgie s'éclaire / comme une rue sombre / en automne / vers six heures du soir ») ou encore (« il y a des cordes à l'ombre des pendules / le temps galope / l'amour est un matin d'avril / je suis triste un train s'éloigne / le jour a fermé ses volets bleus »).

À tous ceux qui n'ont pas habité un poème depuis longtemps, il faut recommander ce livre où palpite l'écho d'un chant discret semblant venir de très loin, d'entre les épaisseurs d'un « Silence traversé ».

Il revient alors au visiteur des poèmes de les ajuster à sa propre expérience pour prendre la mesure d'adret ou d'ubac de cet autre versant.