27 octobre 2020
Le virage du pays natal
Photo © Christian Cottet-Emard
Tu conduis sur les jolies routes ainsi les désignait ton père avant que ne vienne ton tour de tenir le volant et de voir défiler le paysage de toujours
Le paysage de toujours pourtant différent du seul fait que tu sois passé de la banquette arrière au siège avant
L’herbe des talus les vieilles bornes la maison vide du garde-barrière le château d’eau
le goudron qui coupe la forêt en deux
les grandes fougères qui s’inclinent au passage de l’auto les feuilles de charme de foyard de noisetier qui s’envolent dans la lunette arrière
le bras d’une rivière ombreuse à l’onde rapide les ponts sur la brume
le restaurant au menu très ordinaire l’autorail bicolore trente secondes dans la même direction puis qui prend la tangente
le tracteur piloté par une jeune femme rousse toute menue
le hérisson qui a de la chance la buse variable sur un poteau de ligne électrique les géraniums d’un hameau désolé
le cimetière à la grille rouillée où s’alignent quatre tombes de petits jeunes de vingt ans morts pour une querelle de vieux vampires consanguins à particules et à la progéniture reconvertie en barons et capitaines d’industrie
les wagons abandonnés la draisine en panne des années cinquante sur une voie de garage
l’horaire des messes l’enseigne décolorée Vin fou la drôle d’odeur les gouttes sur le pare-brise l’éclaircie
le soleil du soir dans les yeux le grand-père à sa fournache
le nuage en forme d’ours le coup de vent qui emporte un journal
la ligne droite entre les platanes la grande côte en lacets la falaise
encore l’autorail très loin accroché à flanc de montagne l’épingle à cheveux la descente
le mauve bonbon d’une ampoule d’éclairage public pour deux maisons
la déviation par la petite route au bord de la rivière profonde le héron
le clocher les bâches de la fête foraine le lac le petit barrage les nids-de-poule sous l’allée de saules
la pipistrelle la lune dans les frênes le dos d’âne le panneau Fin de déviation
Et bientôt ce virage après toutes choses banales dit-on qui ne cesseront de t’étonner
le virage du pays natal où tout semble à peine moins étrange
(Extrait de mon recueil Poèmes du bois de chauffage, troisième partie (Paysage / Évasion), © Éditions Germes de barbarie et Christian Cottet-Emard, 2018.)
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18 octobre 2020
Les ennemis du poète
La plupart des ennemis du poète sont de passage
Ils font souche ou carrière ou roulent poussés par le vent comme des amas de brindilles et de racines coupées et sont contraints de subsister un certain temps en ces contrées paisibles qu’ils veulent changer comme ils veulent te changer toi aussi
Naturellement ils se cassent vite les dents à cette tâche lugubre et repartent un beau jour un très beau jour lassés et furieux non sans avoir cependant provoqué quelques dégâts
De leur défaite et des dégâts qu’ils ont causés ils conçoivent une nostalgie et les voici sans cesse revenant sous ces cieux qu’ils ont voulu changer mais qui les ont changés et vaincus
Et toi toujours pareil à toi-même comme ce pays profond est toujours pareil à lui-même il t’arrive parfois de les apercevoir errant sans âme au détour d’une rue ombreuse et déserte du soir
Et tu t’arrêtes un instant pour les voir passer comme on s’assoit au bord du fleuve à regarder glisser les corps des ennemis du poète bercés par l’onde sûre et tranquille
© Éditions Orage-Lagune-Express. Photo et retouche Christian Cottet-Emard.
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14 octobre 2011
Le virage du pays natal
Tu conduis sur les jolies routes ainsi les désignait ton père avant que ne vienne ton tour de tenir le volant et de voir défiler le paysage de toujours
Le paysage de toujours pourtant différent du seul fait que tu sois passé de la banquette arrière au siège avant
L’herbe des talus les vieilles bornes la maison vide du garde-barrière le château d’eau le goudron qui coupe la forêt en deux les grandes fougères qui s’inclinent au passage de l’auto les feuilles de charme de foyard de noisetier qui s’envolent dans la lunette arrière le bras d’une rivière ombreuse à l’onde rapide les ponts sur la brume le restaurant au menu très ordinaire l’autorail bicolore trente secondes dans la même direction puis qui prend la tangente le tracteur piloté par une jeune femme rousse toute menue le hérisson qui a de la chance la buse variable sur un poteau de ligne électrique les géraniums d’un hameau désolé le cimetière à la grille rouillée où s’alignent quatre tombes de petits jeunes de vingt ans morts pour une querelle de vieux vampires consanguins à particules et à la progéniture reconvertie en barons et capitaines d’industrie les wagons abandonnés la draisine en panne des années cinquante sur une voie de garage l’horaire des messes l’enseigne décolorée Vin fou la drôle d’odeur les gouttes sur le pare-brise l’éclaircie le soleil du soir dans les yeux le grand-père à sa fournache (*) le nuage en forme d’ours le coup de vent qui emporte un journal la ligne droite entre les platanes la grande côte en lacets la falaise encore l’autorail très loin accroché à flanc de montagne l’épingle à cheveux la descente le mauve bonbon d’une ampoule d’éclairage public pour deux maisons la déviation par le chemin vicinal au bord de la rivière profonde le héron le clocher les bâches de la fête foraine le lac le petit barrage les nids-de-poule sous l’allée de saules la pipistrelle la lune dans les frênes le dos d’âne le panneau Fin de déviation
Et bientôt ce virage après toutes choses banales dit-on qui ne cesseront de t’étonner le virage du pays natal où tout semble à peine moins étrange
(*) Fournache : feu d'herbe.
© Éditions Orage-Lagune-Express 2011. Droits réservés.
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