31 octobre 2025
Carnet / Pourquoi publier ?
On me demande parfois mon avis sur des manuscrits, ce qui est pour moi toujours délicat parce que je ne me sens pas légitime dans ce rôle.
Il m’arrive d’accepter quand même par amitié ou par curiosité en prévenant que je ne donnerai qu’un avis de lecteur parfaitement subjectif (j’ai passé un bon moment ou non, le style est fluide ou non) et en aucun cas un avis d’auteur, ce qui ne peut que décevoir.
Si je me reconnaissais cette légitimité à juger et à conseiller, j’enseignerais, ce qu’à Dieu ne plaise ! Si j’étais éditeur, ce qu’à Dieu ne plaise, mon évaluation d’un manuscrit se limiterait à un seul critère : peut-il trouver sa place dans le catalogue afin d’être correctement défendu et exploité ? C’était la seule réponse que j’attendais lorsque, il y a très longtemps, j’envoyais mes manuscrits au hasard. C’est aussi une des raisons qui me font refuser d’animer des ateliers d’écriture. Vous avez envie d’écrire ? Prenez un carnet et un crayon, allez-y, essayez et vous verrez bien.
Dans ma pratique d’auteur (je préfère ce mot à celui d’écrivain, un écrivain étant un auteur qui a réussi - mais que signifie « réussir » dans cette activité ?), je ne demande pas d’avis sur mes manuscrits.
Je crois que la seule question qu’un auteur puisse opportunément se poser est de savoir pourquoi il veut publier son manuscrit, c’est-à-dire le rendre public, que ce soit en cercle restreint ou pour une large diffusion.
Quel est l’objectif ? La notoriété, l’argent, la reconnaissance, le statut social, la thérapie, l’engagement, le narcissisme, des messages à envoyer, une manière d’être au monde, que sais-je encore ? Je ne désapprouve aucune de ces motivations qui ne sont que les conséquences du déterminisme individuel. À chacun, donc, de voir midi à sa porte.
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30 mai 2025
Carnet / L'inversion de la figure du héros
Dans la littérature et notamment dans la fiction romanesque, on observe une inversion de la figure du héros. Mon propos n'est pas de dater avec précision le début de ce phénomène encore qu'on puisse à grand trait en faire coïncider l'origine avec la démocratisation de la télévision au début des années soixante puis avec l'apparition des séries télévisées.
Dans ces divertissements et dans la littérature populaire, la figure du héros a progressivement évolué vers celle de l'anti-héros mais qu'il s'agisse de l'un ou de l'autre de ces modèles de fiction, les deux s'incarnent dans des personnages différents du commun des mortels. Ils sont différents de nous et c'est pourquoi ils éveillent notre intérêt.
Restons dans la figure du héros. Le grand public admire le héros auquel il a envie de s'identifier tout en restant conscient qu'il ne peut atteindre son niveau de puissance, de gloire, d'intelligence, de courage et de toutes les vertus concentrées dans un seul individu. Il semble désormais que ces modèles d'identification se soient déplacés pour aboutir à une véritable inversion qui consiste pour le public à ne plus vouloir s'identifier à un héros dont il recherche, accepte et admire la supériorité mais au contraire à le supplanter. Le héros n'est plus l'extraordinaire mais l'ordinaire.
Le public préfère maintenant se contempler lui-même dans le miroir de sa banalité érigée en nouvelle figure héroïque. Après le héros et l'anti-héros, voici le non-héros. Je ne désire plus admirer un héros ou détester un anti-héros qui sont radicalement différents de moi, je désire au contraire trouver dans la fiction quelqu'un qui me ressemble, qui est « comme moi » ou mieux encore qui n'est que moi-même.
Les publicitaires qui fabriquent massivement de la fiction ont bien compris cette évolution car après avoir longtemps exploité la figure du héros (individu extraordinaire) auquel le consommateur peut s'identifier en achetant un produit, ils érigent ce même consommateur (individu ordinaire) en nouveau héros. Ainsi nous disent-ils : regardez comme vous êtes moches, médiocres, insignifiants, vulgaires, bornés, ignorants et fiers de l'être mais si nombreux que les nouveaux héros, c'est vous !
« Parlez-moi d'moi, y a qu'ça qui m'intéresse » dit la chanson qu'entonnent à chaque rentrée littéraire les médias promoteurs des fabricants de petits romans politiquement corrects, édifiants et souffreteux : ma déprime, mon exil, ma prostate, mon allergie, ma tronche en biais, mon changement de sexe, mon mal partout... Tamalou, héros des temps modernes !
Extrait de Essais et chroniques © Éditions Orage-Lagune-Express, 2025.
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17 février 2025
Carnet / Allegro ma non troppo
Lorsqu’il m’arrive assez rarement de participer à des salons du livre, on me dit parfois que je publie beaucoup et souvent. Ce n’est pas tout à fait exact même si j’admets avoir augmenté la cadence ces dernières années.
La plupart des publications qui s’enchaînent sur une brève période sont le résultat de « chantiers » commencés voici des années voire des décennies mais repris et menés à terme longtemps après parce que j’ai désormais beaucoup plus de temps à consacrer à ces travaux.
Il faut aussi prendre en compte les rééditions d’ouvrages publiés par des maisons d’édition qui ont disparu.
Qu’on se rassure, je n’ai pas demandé à l’intelligence artificielle d’écrire mes livres. Si c’était le cas, l’IA s’en sortirait probablement mieux que moi. La construction de mes romans serait bien plus logique et ils seraient sans doute débarrassés de nombreuses bizarreries auxquelles je tiens comme on est attaché, l’âge venant, à de vieilles affaires !
PS : j'avais oublié celui-là sur la photo (parution fin février) :

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