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07 mai 2020

Carnet / Avancer masqué

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Depuis le début de la crise sanitaire consécutive à la pandémie, masque est l’un des mots les plus employés chaque jour y compris dans l’humour amer et justifié de ceux qui ne savent plus si l’on manque de masques ou si l’on masque les manques ainsi qu’on peut le lire sur les réseaux sociaux.

Alors qu’il devrait nous rassurer parce qu’il est en capacité d’opposer une résistance à une menace, le masque contribue dans le même temps à nous plonger dans l’effroi parce qu’il souligne la gravité de cette menace d’autant plus grande qu’elle ne peut en premier lieu être combattue que par un geste d’urgence appelé aujourd’hui geste barrière. Bien que cela soit nécessaire, ériger des barrières signifie tout de même être assiégé ou pire acculé c’est-à-dire réduit à une certaine passivité bien évidemment angoissante qu’on tentera de masquer, ce qui fait d’autant plus du masque l’instrument du secret.

Qu’il soit gardé ou révélé, le secret inquiète comme tout ce qui aspire à l’opacité, à la dissimulation. Tout ce qui est masqué peut-être perçu comme hostile car tendant à la prise de distance, au retrait, à la volonté d’exclure ou de s’exclure comme on le constate, entre parenthèses, avec l’actuelle problématique religieuse des femmes voilées dans l’espace public occidental. Pour ceux qui en préconisent ou en imposent l’usage, ce voile est bien le masque contre ce qu’ils considèrent comme impur, mauvais, en un mot comme une maladie dont il faut se protéger avec l’obsession d’avancer masqué. Fin de la parenthèse.    

Point n’est besoin de porter un masque en tissu pour avancer masqué dans de nombreux aspects de la vie sociale, professionnelle et parfois même sentimentale. Lorsque nous nous masquons pour nous grimer (à notre avantage croyons-nous), il s’agit encore de garder un secret qui est parfois un secret de Polichinelle, l’un des masques de la commedia dell'arte. Ce masque immatériel peut alors vite devenir un masque de carnaval. D’ailleurs, la vie sociale relève hélas assez souvent d’un bal masqué où il arrive parfois que quand les masques tombent, il n’y a personne derrière.

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Lui aussi a beaucoup à dissimuler à des adversaires et à des ennemis certes peu perspicaces et encore moins physionomistes car le masque de Zorro ne recouvre que ses yeux. Pourtant, même les belles femmes qui tombent amoureuses de lui se montrent incapables de reconnaître son double qu’elles fréquentent cependant d’assez près, l’aimable mais peu héroïque Don Diego de la Vega.

Tout le tragique de la vie sentimentale de Zorro tient au fait qu’il ne peut tomber le masque sous peine de prendre de terribles risques, non seulement pour sa sécurité mais encore pour sa capacité de séduction. Entre le regard et le masque, qu’est-ce qui séduit le plus ? Encore une affaire de secret !

En portant son masque, Zorro préserve sa vie secrète de héros mais il se protège aussi du regard de l’élue de son cœur, un regard dont la flamme pourrait bien faiblir ou pire encore s’éteindre s’il finissait par sombrer dans les yeux d’un homme démasqué, autant dire d’un homme ordinaire.

À part un baiser furtif, rien n’est possible entre Zorro et sa belle et quand bien même on les verrait enfin réunis dans un quotidien conjugal, imaginez la scène : Zorro rentre chez lui après son boulot de héros. Sa bien-aimée lui demande :

« Alors, chéri, ta journée s’est bien passée ? »

Réponse de Zorro : « Pas terrible, aujourd’hui je n’ai secouru qu’une veuve et un orphelin... »

Madame : « Ah bon... »

Zorro : « Ben oui. Alors pour me distraire, j’ai sorti mon épée devant le sergent Garcia et je lui ai tracé un Z sur la bedaine. »

Madame : « Ah bravo, c’est malin. »

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21 juin 2016

Carnet / Héros masqué et mémoire

L’an dernier au mois de juin, je me promenais à Porto où l’on rencontre fréquemment la silhouette de Don Sandeman drapé dans sa cape noire, coiffé de son chapeau à large bord et portant évidemment un toast.

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Don Sandeman sur les toits de Porto (photo Ch. Cottet-Emard)

Enfant, lors des réunions de famille, il m’est arrivé de finir quelques fonds de ce porto dont les verres publicitaires m’attiraient beaucoup. C’est en photographiant une publicité murale représentant Don Sandeman que j’ai réalisé pourquoi cette marque de porto était si nettement inscrite dans ma mémoire.

Tout gamin, je ne manquais jamais un épisode télévisé de Zorro. Le justicier masqué est drapé dans la même cape noire et coiffé du même chapeau à large bord que Don Sandeman dont le visage reste toujours dans l’ombre.

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La principale référence à l’alcool dans Zorro s’incarne dans le personnage peu héroïque du sergent Demetrio Lopez Garcia à qui un jeune garçon ne peut avoir envie de s’identifier en raison de sa balourdise et de son ivrognerie. Quant au tabac, s’il existe peut-être quelques séquences où l’on voit un notable fumer le cigare, sa représentation est largement supplantée par les scènes de cape et d’épée. Cependant, le fumeur de cigare que je suis ne peut oublier que sous le masque de Zorro se cache Don Diego de la Vega. Dans le lexique du cigare, la vega est une plantation de tabac.

Voilà au moins qui me permettra de relier quand même mon enfance au plaisir de déguster un bon porto suivi d’un havane !