27 décembre 2005
Messages de la nuit
La lumière s’éteignit sur la moitié de la ville.
D’un côté, on eut peur du noir et de l’autre, on eut peur de ceux qui avaient peur du noir.
Dans l’obscurité, les étoiles brillèrent plus fort et plus nombreuses et j’en conçus, dehors le nez en l’air, l’éveil d’un rêve aussi vaste que l’aile d’un ange.
Combien de temps cela dura ? Pourquoi le dire ?
Dans un ballet de camionnettes, on répara très vite car je n’étais probablement pas le seul à m’être délecté du survol de ce songe.
- Le Grand variable, extrait. Éditions Editinter -
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20 décembre 2005
Dernières courses avant le réveillon
Verrouillée au cœur d’un piège étrange, la beauté ne consentit à libérer sa messagère qu’au milieu d’un terrain vague, de préférence situé dans une petite ville de province en proie à ses premières friches industrielles.
Lui-même ouvert par la démolition d’une ancienne usine au cœur d’un quartier d’habitations, le terrain vague ne pouvait recevoir sa visiteuse qu’à la deuxième floraison des arbustes à papillons.
Cela garantissait la messagère contre le risque d’une reconstruction murant à nouveau les rares espaces encore dignes de sa réapparition.
En attendant ce jour, on était en hiver et, ce vingt-quatre décembre au ciel constellé de roses de Noël, je me souviens que les automobilistes se haïssaient de plus belle en précipitant leurs dernières courses avant le réveillon.
- Le Grand variable (extrait), éditions Editinter -
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06 décembre 2005
Jour sans poème
Jour sans poème.
Jour sans ce qui précède le poème, l'accompagne ou lui succède.
Jour d'existence improbable, sans autre trace que le souvenir de l'absence de poème.
Absence du jour, absence au jour.
Quel temps fit-il?
Quelle sorte de nuage habita le ciel de ce jour ?
Quel jour était-ce ?
Un coup d'œil sur le calendrier, à la recherche de ce mystère qu'on nomme un jour : mardi.
Un mardi.
Un mardi pour rien.
Tout un jour pour rien.
Ce jour sans poème, ce jour pour rien, le corps l'a vécu, avec intensité, bien qu'il n'en subsiste aucun indice.
Le cœur a pompé du sang ce jour-là aussi.
Des cellules de peau neuve ont chassé des cellules de peau morte.
De petites bêtes invisibles à l'œil nu ont mangé ces morceaux de peau morte.
C'est dans l'ordre des choses.
Ce jour sans poème, ce jour pour rien, a quand même servi à quelque chose : à nourrir les acariens de peau morte.
Ce jour, le corps l'a vécu en marge de toute volonté et de toute participation autre que celle de l'ordre du sang et des cellules, des nerfs et des organes qui fonctionnent sans nous demander notre avis.
Ordre du jour.
Rien à l'ordre du jour sans poème.
Poème du rien à l'ordre du jour.
Rien à l'ordre du jour du poème.
Jour du rien à l'ordre du poème.
Poème du jour à l'ordre de rien.
Jour du poème de rien.
Poème de rien du jour.
Rien du poème.
Rien du jour.
Rien de rien, ce mardi qu'on ne vit pas venir, qui exista à peine et qui n'est déjà plus, comme s'il n'avait jamais été.
Le passant du grand large (extrait), éditions Orage-Lagune-Express Aquitaine.
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