25 juin 2011
Comment ne pas ?
Toutes les fleurs du marronnier du parc municipal se sont envolées dans les grands vents des premiers orages. Le parc n’est pas loin du lycée où je suis en seconde. Quand viennent les heures de sport, je sors acheter un paquet de Gitanes blanches sans filtres au café-tabac situé juste en face du lycée, je descends la rue de la Victoire et je rejoins l’entrée du parc marquée par une fontaine dont l’eau jaillit de la bouche de gros poissons en métal peint. Le plus souvent, ma place sous le marronnier est libre et je m’y installe pour fumer et lire un livre de poche.
Ce jour-là, j’ai acheté La Vie rêvée de François-Régis Bastide, un gros roman choisi pour le titre et la couverture (où l'on voit flotter un orgue dans le vide) et non pour l’auteur que je ne connais pas.
Je crois avoir lu au moins trois quarts de ce livre en pensant à autre chose, sans m’intéresser à une histoire qui était sans doute à mille lieues de ce qui pouvait me concerner à cette époque. Si je me souviens encore de ce livre qui ne suscita en moi que quelques images floues correspondant à certains débuts de chapitres, c’est qu’une question parasitait ma lecture : comment écrire un roman de cinq cents pages ?
Aujourd’hui, trente-cinq ans après ce moment de mon adolescence qui s’est gravé Dieu sait pourquoi dans ma mémoire avec une étrange insistance, j’aurais plutôt tendance à me demander : comment ne pas écrire un roman de cinq cents pages ?
Malgré ma propension à rêver ma vie en ces années soixante-dix du siècle dernier, je ne garde guère de nostalgie de cette période durant laquelle je n’exerçais ma lucidité à rien d’autre qu’à tenter d’évaluer les décennies d’expériences et de lecture qu’il me faudrait traverser avant d’être capable de raconter une histoire et d’en arriver à me demander « comment ne pas faire ceci ou cela, comment ne pas écrire ceci ou cela, comment ne pas être ceci ou cela » .. .
(Extrait de : Les Variations symphoniques.)
09:59 Publié dans Les variations symphoniques | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poisson, fontaine, parc rené nicod, oyonnax, ain, rhône-alpes, variations symphoniques, autobiographie, carnet, christian cottet-emard, blog littéraire, eau, souvenir, adolescence
08 avril 2008
Jean Tardieu de justesse !
À force de voir reprise sur internet et dans la presse écrite cette photo du poète Jean Tardieu (1903 - 1995), je crois utile de rappeler à qui juge opportun de la reproduire qu’il est d’usage de mentionner le nom du photographe (moi-même en l’occurence) à chaque parution.
Il ne s’agit pas pour moi d’en tirer une gloire particulière, d’autant que cette photo est techniquement ratée. Je l’ai prise l’été 1988 lors de ma première rencontre avec Jean Tardieu.
L’appareil que j’avais l’habitude d’utiliser n’avait pas fonctionné au moment où je voulais fixer quelques images de Jean Tardieu retrouvant après de nombreuses décennies la bibliothèque de sa maison natale dans l’Ain. Le temps que je me saisisse d’un autre appareil apporté en prévision de ce genre d’incident, Jean Tardieu s’attarda sur un vieux livre avant de sortir de la pièce, ce qui me donna un répit suffisant pour un cadrage improvisé mais ne me permit pas le meilleur réglage, de surcroît avec cet appareil de secours auquel je n’étais pas habitué.
Cette photo fut tout de même publiée dans mon livre « Jean Tardieu, un passant, un passeur », éditions La Bartavelle, 1997, et dans le magazine Lire.
18:10 Publié dans Photo | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : photo, jean tardieu, cottet-emard, bibliothèque, livre, littérature, souvenir
08 février 2008
Syndrome du dimanche soir
On aurait dit des perce-neige les derniers réverbères avant la forêt
La route avait disparu à travers les flocons tu cherchais l’un des vieux épicéas désigné par un camarade de lycée comme celui de sa pendaison ce dimanche de l’année 1975 à 19h
On a presque tous de bonnes raisons de se pendre et d’aussi bonnes raisons de ne pas le faire mais la perspective du lundi fait du dimanche un jour à risque
Tu sais qu’il existe une difficulté technique à se pendre dans un épicéa de quarante mètres de haut à moins d’apporter une grande échelle pour atteindre les premières branches solides (est-ce bien raisonnable ?)
Se compliquer la vie est-ce bien raisonnable le soir même où l’on veut se la simplifier pour toujours en se coltinant une échelle sans compter la route escamotée dans la tourmente de neige ?
Il t’aurait montré un foyard ou même une de ces variétés de pins qui se sont contentés du sol qu’ils ont trouvé sur l’autre versant (arole, ou de montagne à la rigueur) peut-être
À 18h45 on ne sait jamais tu es venu rôder dans le secteur des vieux épicéas secoués par les bourrasques pour en conclure vers 20h :
1) que la route attendrait au moins la nouvelle lune pour réapparaître
2) que le camarade avait sans doute trouvé mieux à faire que de se pendre un dimanche soir de tempête dans un épicéa de deux cents ans en pleine hibernation
3) que la forêt de résineux ne se prête pas à la pendaison
4) que décidément ces réverbères on aurait dit des perce-neige
© Éditions Orage-Lagune-Express, 2008.
Photo © Marie-Christine Caredda
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