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21 avril 2009

Silences

IMG_5988.JPGLes petits travaux de la vie quotidienne me plongent dans une hébétude qui me fait honte. Depuis au moins trois semaines, je ne réponds pas au courrier, ne donne pas de nouvelles aux amis et trouve pourtant que le temps passe trop vite. Et ce spleen qui m’envahit chaque fois qu’une fête est passée, en particulier Pâques que j’aime beaucoup.
Au courrier de ces vacances de Pâques, un nouveau livre dédicacé de ff4a1c16232bf384.jpgFrançois Perche * au titre prometteur, Les Petites filles de mon enfance ne clignent pas les yeux (éditions MLD) que je lirai lorsque je ne me sentirai plus fermé comme une vieille serrure grippée.
Répondu à une interview du magazine en ligne BSC News qui paraît vendredi. J’avais donné mon accord voici quelques temps, donc pas question de me défiler au dernier moment.
Encore pas réagi à la proposition du responsable d’une revue que je lis depuis longtemps et dont il m’ouvre amicalement les pages pour une chronique régulière où, pour reprendre son expression, j’aurais le champ libre. J’hésite en voyant mes livres en cours prendre du retard mais j’ai bien envie d’accepter. Toujours ces hésitations, ces réticences à me lancer. Un pas en avant, deux pas en arrière. Je voudrais lasser tout le monde que je ne m’y prendrais pas autrement. Ce doit être ce que Montale appelait « la vie à 5 % » (je cite de mémoire et ne suis donc pas sûr du pourcentage). 
Retrouvé dans des papiers anciens un mot de Christian Bobin qui m’adresse de sa belle écriture ronde des gentillesses sur mon recueil de petites proses L’Inventaire des fétiches, publié en 1988. Étrange de voir remonter cette lettre du désordre de mes archives au moment où je commence à feuilleter son livre La Dame blanche avec ces lignes en quatrième de couverture : « Sous le soleil clouté d’Arabie et dans la chambre interdite d’Amherst, les deux ascétiques amants de la beauté (Arthur Rimbaud et Emily Dickinson, NDR)  travaillent à se faire oublier. » N’étant ni l’un ni l’autre et encore moins ascétique, j’ai bon espoir de me rappeler bientôt au souvenir de celles et ceux qui ont bien du mérite à ne pas m’oublier... Comme ce jeune chat en quête d’un territoire qui me toise à juste raison, tous les soirs à la même heure, d’un regard perplexe.

* François Perche lisant un de ses livres au salon du livre de Saint-Claude, Jura. (Photo MCC)

09 mars 2009

Tu écris toujours ? (48)

888598926a7bdcc2.jpgConseils
à ceux qui veulent déménager un écrivain

Il est toujours pénible de déménager mais l’affaire se complique si vous avez un écrivain à la maison. L’écrivain, c’est un peu comme l’armoire bressane qu’on se transmet d’une génération à l’autre, ça voyage mieux dans le temps que dans l’espace. Si vous la manipulez sans ménagement, si vous la transbahutez sans égards, elle risque de se voiler pendant le transport et elle sera de guingois lorsque vous voudrez la remonter. Pareil pour l’écrivain. Lui aussi, il est lourd, encombrant et fragile. L’écrivain aime le changement mais en même temps, il a en a horreur, ce qui explique la difficulté de le déménager. Deux ans avant, il est d’accord, deux jours avant, il ne veut plus bouger.

Parfois, les écrivains construisent des cabanes où ils s’enferment pour écrire en paix ou pour renoncer au monde. Ces constructions précaires sont souvent dangereuses en raison de leur conception hors normes. Tous les écrivains ne construisent pas de cabanes, nombreux sont ceux qui travaillent dans leur bureau. Mais qu’il s’agisse de l’un ou l’autre de ces refuges, il conviendra de procéder à une prudente inspection de ces lieux inhospitaliers pour le commun des mortels avant d’envisager l’évacuation. Le plus pratique est de persuader l’écrivain d’abandonner sa cabane en emportant le strict nécessaire. Si la cabane contient rarement des objets de valeur, il n’en va pas de même pour le bureau où l’écrivain a pu dissimuler ses trésors. Il sera tellement perturbé par le déménagement qu’il vous faudra veiller à ce qu’il n’oublie pas ce qu’il considère comme son bien le plus précieux, la bouteille de single malt quarante ans d’âge par exemple. Si vous êtes l’épouse de l’écrivain, vous savez sans doute où elle se trouve. Si vous l’ignorez, je vous suggère de bien observer la bibliothèque du bureau ou les livres sur les étagères de la cabane. Vous ne remarquez rien ? Approchez et observez l’alignement des livres. Ne trouvez-vous pas bizarre que les tranches des volumes de grands formats soient sur la même ligne que celles des livres de poche ? Mais oui, c’est là que le flacon est caché, juste derrière l’astucieuse collection de vulgarisation poétique « La poésie c’est dans la poche » des éditions Galimatias.

L’écrivain aura toujours du mal à quitter sa cabane s’il l’a construite de ses propres mains. On peut espérer qu’il s’adapte en essayant d’en assembler une autre dans la nouvelle propriété mais si un quart de siècle a passé entre la construction de la première et l’annonce du déménagement, mieux vaut emporter aussi la cabane. La présence d’un animal familier dans le bureau ou la cabane de l’écrivain peut compliquer le déménagement. Pour les mygales, boas constrictors, crocodiles et félins, ne comptez pas sur moi pour vous donner des conseils. Appelez plutôt les pompiers. Il paraît qu’ils suivent des stages pour cela. Si vous ne savez pas comment transporter le python et le cochon d’Inde, laissez les faire connaissance et vous ferez d’une pierre deux coups. Le second voyagera dans le premier, vous savez, comme le canard dans Pierre et le loup de Prokofiev. Non, je plaisante.

La plupart du temps, c’est plus simple, avec un grand classique : le matou. Surtout, se conformer aux habitudes, même les plus anodines. J’ai connu un chat d’écrivain qui en était pétri, comme son maître. Ce gros chartreux s’appelait Sir Alfred et, contrairement à son propriétaire — si tant est qu’on puisse être propriétaire d’un chat — il avait accédé à une certaine notoriété dans son quartier en raison de son goût immodéré pour les sardines en huile de la fameuse marque « Ohé matelot » . La cause du déménagement de cet écrivain était son récent divorce et ce fut sa nouvelle compagne qui commit une regrettable erreur. detail_chartreux.jpgPour s’attirer les bonnes grâces de Sir Alfred, elle décida de lui servir elle-même sa boîte de sardines, mais comme il n’en restait plus, elle sortit se réapprovisionner au supermarché et choisit les moins chères. Sir Alfred fut très malade car il ne supportait que les « Ohé matelot » , disponibles uniquement en épicerie fine, et la nouvelle compagne de l’écrivain ne se porta pas mieux après avoir nettoyé ce que Sir Alfred avait abandonné aux quatre coins de la maison en émettant des sons affreux.

Finalement, quand on y pense, mieux vaut ne pas déménager, ne pas divorcer, ne pas donner des sardines en huile à un chat et tant qu’à faire, ne pas avoir de chat, ne pas vivre avec un écrivain, ne pas naître... Allez, ce n’est rien, juste un petit coup de déprime provoqué par le déménagement. Après, lorsque vous serez installé dans votre nouvelle maison, vous ferez la traditionnelle dépression du propriétaire et ensuite, vous verrez, tout ira beaucoup mieux, une petite décennie plus tard, quand l’écrivain aura retrouvé sa place parmi les meubles.

maglivres14.JPGExtrait de TU ÉCRIS TOUJOURS ? (FEUILLETON D’UN ÉCRIVAIN DE CAMPAGNE). Épisode publié dans le Magazine des livres n°14.

17 janvier 2009

Tu écris toujours ? (48)

maglivres14.JPGLe 48ème épisode de mon feuilleton « Tu écris toujours ? » , Conseils à ceux qui veulent déménager un écrivain, vient de paraître dans le Magazine des Livres n°14, février/mars 2009, actuellement en kiosques.