13 juin 2011
C’est payé combien ?
Je viens une fois de plus de me rendre sympathique en répondant « c’est payé combien ? » à l’invitation d’une élue organisatrice d’un salon du livre où pas même un défraiement des auteurs n’est prévu. Face à ce genre de proposition, je m’en tiens désormais à cette question pour faire comprendre à qui ne serait pas encore prévenu que lorsque j’entends le mot bénévolat, je sors mon revolver.
Petite parenthèse : j’ai plaisir à lire des extraits de mes livres en public mais il faut que ce soit du sérieux, comme dans le cadre de la Scène poétique de Patrick Dubost où l’on témoigne de la considération et de la bienveillance pour le travail des auteurs invités, ce qui se traduit aussi par une rémunération. Je précise au passage que je suis intervenu lors d’une des dernières séances de la Scène poétique à la bibliothèque de la Part-Dieu à Lyon. Suite à la suppression brutale de ce cycle de poésie parlée, la Scène poétique a trouvé un nouveau havre à l’ENS (École Normale Supérieure) de Lyon, ce qui est une très bonne nouvelle.
Revenons à ma dernière participation à un grand salon du livre. Cela remonte à la publication de mon Club des pantouflards. J’intervenais une journée sur le stand de mon éditeur et le lendemain sur le stand d’un important groupe de librairies où j’ai d’ailleurs été très gentiment accueilli par le personnel. J’avais accepté cet arrangement (en l’absence de tout défraiement) pour être agréable à mon éditeur qui fait du bon travail auprès des libraires, notamment chez celui qui me recevait pour la deuxième partie de ma prestation. La bonne ambiance qui régnait sur le stand du libraire me faisait oublier mes réticences à travailler bénévolement à une animation commerciale lorsque je vis se diriger droit sur moi un monsieur âgé mais énergique, coiffé d’un chapeau et vêtu d’un pardessus classique à la mode des années soixante-dix du siècle dernier. Il me gratifia d’une poignée de main vigoureuse en prononçant son nom d’une voix forte. J’avais devant moi le fondateur de la chaîne de librairies où je faisais de la figuration. Je me présentai à mon tour puis, voyant ce monsieur disposé à bavarder alors que je ne trouvais pas grand chose à lui dire, je fis allusion à la formation aux métiers de la librairie que j’avais suivie de nombreuses années auparavant. Il enchaîna sur ce sujet, évoquant même des personnalités que nous connaissions tous deux, lorsqu’il interrompit la conversation en me coupant fort grossièrement la parole. Il m’indiqua du doigt trois personnes qui feuilletaient mes livres et déclara sur le ton de qui est habitué à se faire obéir, comme si je faisais partie de son personnel : « vous avez des clients. » L’âge vénérable de ce boutiquier me préserva de la tentation d’envoyer valdinguer son chapeau à l’autre bout du salon pour lui apprendre la politesse, ce qui eût certes été conforme à l’idée que je me fais des relations humaines lorsqu’on me prend à rebrousse-poil mais qui eût sans doute aussi ruiné les patients efforts de mon éditeur en faveur de la diffusion de la littérature.
Je ne peux m’empêcher de rapprocher cette anecdote d’une autre, impliquant le même genre de personnage dans un contexte en apparence différent. En apparence seulement.
L’été de mes seize ans, j’eus la chance de découvrir en compagnie de quelques camarades les joies d’un mois d’usine pour financer mes vacances. Parfois, les conducteurs de machines devaient procéder à quelques réglages, ce qui nous ménageait à nous, simples manœuvres, un temps de répit bref mais appréciable en ces longues heures exténuantes. Au cours d’une de ces pauses, le vieux fondateur de l’usine, en retraite depuis longtemps, vint faire son petit tour du propriétaire et nous repéra tout de suite en train de souffler en attendant la fin des réglages. Il nous ordonna de nous saisir des balais qui ne servaient qu’en fin de journée pour débarrasser le sol des débris de fabrication, ce qui était parfaitement inutile puisque nous allions reprendre la production et donc encombrer le sol de nouveaux débris quelques minutes après. Naturellement, dès qu’il eut le dos tourné, les régleurs nous firent poser les balais en rigolant et en nous disant de ne pas nous en faire : « ça lui rappelle ses bonnes années ! »
Quel rapport avec le premier épisode ? Eh bien là au moins, nous étions payés.
02:45 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : salon du livre, lecture en public, dédicace, signature, scène poétique, ens de lyon, école normale supérieure, bibliothèque de la part-dieu, christian cottet-emard
09 juin 2011
Je me souviens toujours du temps qu'il a fait
car rien d'autre ne m'intéresse vraiment. À l'école, déjà, mon attention se dispersait dans l'espace vide de la fenêtre à la moindre variation de ce ciel où je plongeais avec délice.
« Es-tu avec nous ? » s'énervait le maître.
Aujourd'hui, c'est pareil, sauf que je peux me payer le luxe d'ouvrir la fenêtre, y compris au bureau, lors d'une réunion avec des petits chefs.
« Êtes-vous avec nous ? »
Je ne réponds rien. Non, je suis contre vous mais je ne peux vous le dire de vive voix si je veux vous combattre avec efficacité. Sachez que nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir vous combattre, individuellement, chacun à notre manière, chacun dans notre coin, par notre façon d'être et de vivre, mais tellement nombreux, de plus en plus nombreux ! Un tilleul m'envoie un signal tout odorant d'averse et d'éclaircie. Il existe encore, ce parfum, malgré la puanteur des usines et des voitures... La puanteur du monde industriel et marchand.
« Eh ! Vous ! » s'impatientent les petits chefs.
Presque toujours à mon insu, je pense à autre chose, à quelque chose qui n'a aucun rapport avec l'instant que les petits chefs essayent de confisquer, à quelque chose qui a si peu de consistance que j'aurais bien du mal à le nommer, à quelque chose de dangereux pour eux mais de si bon et nécessaire pour nous tous.
Extrait de mon livre LE GRAND VARIABLE, éditions Éditinter, 2002, épuisé.
01:00 Publié dans Et à part ça ? | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le grand variable, éditions éditinter, christian cottet-emard, temps, nuage, ciel, météo, usine, voiture, puanteur, industrie
06 juin 2011
Tu écris toujours ? (65)
La suite de mon feuilleton Tu écris toujours ? vient de paraître dans le mensuel La Presse Littéraire n°1 (juin 2011) actuellement en kiosques. Titre de cet épisode : Conseils aux écrivains du dimanche.
Retrouvez des épisodes de mon feuilleton dans l'édition en volume de Tu écris toujours ? aux éditions Le Pont du Change.
Un recueil de 96 pages, format 11 x 18 cm. 13 € port compris. ISBN 978-2-9534259-1-8
En vente aux éditions Le Pont du Change, 161 rue Paul Bert, 69003 Lyon
09:58 Publié dans FEUILLETON : tu écris toujours ? | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : la presse littéraire n°1, journal, mensuel, feuilleton, tu écris toujours ?, christian cottet-emard, littérature, humour, lafont presse, écrivain, auteur