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24 janvier 2022

Carnet / La nasse, le passe, la « merdre »

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Bien sûr, la grossièreté que vous venez de sortir à la surprise générale indique que vous avez probablement pété un câble. Avec un brin de pensée complexe, vous pouvez toujours vous rattraper en laissant croire à ceux qui se veulent malins, ceux à qui on ne la fait pas, que vous l’avez fait exprès, que c’était tout à fait calculé.
 
Puisque l’exemple vient d’en haut, je peux aussi me permettre des gros mots. J’affirme donc  qu’en tant qu’électeur, je suis dans la merdre (je préfère employer cette ubuesque épenthèse pour ne pas réveiller les robots modérateurs de Facebook qui pourraient m’emmerdrer).
 
Je disais donc que me voilà bien emmerdré ainsi que le souhaite notre Ubu roitelet. Moi et bien d’autres, nous tournions certes en rond depuis longtemps dans la nasse électorale astucieusement disposée par le président Mitterrand qui nous fit ainsi enchaîner de son vivant et bien après sa mort les votes cordons sanitaires appelés aussi fronts républicains ou votes castors pour faire barrage. Hélas, ce qui est normal et sain pour ces rongeurs ne l’est point pour les électeurs qui ne sont pas des castors.
 
Aujourd’hui, la nasse s’est tellement rétrécie à l’approche de l’élection présidentielle qu’elle en est devenue, disons-le tout net, un vrai piège de merdre parce que pour moi qui désire comme d’autres sortir le roitelet ou tout au moins lui infliger un camouflet s’il vient à se maintenir (ce qui est hélas probable) il n’y a guère d’options au second tour.
 
Première option : je m’abstiens et je contemple du haut de ma noble retraite mes mains aussi propres que ma conscience mais après, je ne viens pas pleurer. Deuxième option : je vote pour l’adversaire du roitelet, quel qu’il soit, même si je ne l’aurais pas fait en temps normal ; mais nous ne sommes pas en temps normal. Nous sommes dans le temps du passe vaccinal, autant dire dans la merdre pour les gens comme moi.
 
Le type de société dans laquelle nous venons de basculer est celle du « pass » pour tout si l’on veut passer partout. D’autres plus compétents que moi l’annoncent déjà dans leurs analyses, notamment en ce qui concerne par exemple un éventuel pass écologique qui comptabilisera le crédit de déplacements en voiture dont on nous permettra ou non de disposer. Et je vois bien arriver un pass-santé qui gèrera le crédit de soins médicaux auxquels nous aurons droit (ou non) à l’aune de notre mode de vie ou d’alimentation et bien sûr en fonction de notre discipline vaccinale ainsi qu’après examen de notre bonne volonté dûment prouvée pour la pratique régulière d’un sport, tout cela évidemment pour notre bien.
 
Moi, j’appelle cela le « passisme » , ce variant du fascisme mou qui finira par devenir dur. Le temps que nous mettrons à prendre pleinement conscience de ce danger allongera celui que nous mettrons à le stopper. Là, juste devant, voici l'élection présidentielle. Qu'est-ce qu'on fait quand on veut virer le roitelet même si son adversaire ne nous plaît pas plus que cela ? Question de merdre, je vous l'accorde.
 

13 juin 2021

« Le colocataire » d'après l'œuvre de Jean-Jacques Nuel « Une saison avec Dieu » au théâtre de Cluny

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Mardi 15 juin, à 20 heures 30, sera représentée pour la première fois au théâtre de Cluny LE COLOCATAIRE, l'adaptation par Philippe Borrini du récit de Jean-Jacques Nuel Une saison avec Dieu.
Le livre sera disponible dans le hall du théâtre avant et après la représentation.

Distribution : Philippe Borrini et Annabelle Rogelet, violoncelle, guitare et chant.

Mon article à propos de Une saison avec Dieu de Jean-Jacques Nuel.

 

 

01 avril 2014

Musique d’une vie : le journal de Chouchou Debussy

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Le conditionnel est le temps des enfants et des romanciers. Damien Luce qui cite Saint-John Perse sur son site internet (« Je travaille avec le sérieux d’un enfant qui joue ») y pensait peut-être en écrivant La Fille de Debussy : on dirait que la toute jeune fille d’un grand compositeur n’ayant survécu que de quelques mois à son père aurait en cette ultime et brève parenthèse tenu son journal... La première proposition est réelle (l’adolescente repose avec ses parents mais son prénom n’est pas gravé sur le marbre) et la seconde est un des romans les plus subtils et bouleversants de ce début d’année.

Pas besoin d’être musicien, compositeur, interprète, pianiste ou mélomane averti pour accéder à l’univers de la jeune Claude-Emma Debussy surnommée Chouchou par son illustre père. Certes, Damien Luce , né en 1978 à Paris, possède-t-il tous ces talents auxquels il faut ajouter ceux de comédien, de dramaturge et, pour le bonheur de ses lecteurs, celui d’écrivain avec ce troisième roman, La Fille de Debussy, qui nous ouvre les pages du journal intime imaginaire d’une petite fille de douze ans en plein déchiffrage du monde.lecture,blog littéraire de christian cottet-emard,damien luce,la fille de debussy,éditions héloïse d'ormesson,chouchou ou l'enfant muse,monsieur debussy,théâtre des variétés,paris,littérature,théâtre,journal intime,journal,journal imaginaire,andré caplet,jean roger-ducasse,érik satie,maurice ravel,le chambrioleur,cyrano de boudou,édition,roman,musique,piano

Ce monde en proie à la guerre qui tonne au loin aux cadences de la Grosse Bertha, l’espiègle Chouchou prématurément disparue n’en connaîtra que les premiers émois, juste le temps d’en ressentir toutes les beautés possibles à travers la musique de son père qu’elle s’est promise de jouer chaque semaine :

« Ce sera ma façon de fleurir sa mémoire, de le découvrir. Je retracerai sa vie pas à pas, note à note. »

C’est en effet à la mort de ce père à la fois tendre et ombrageux que commence le journal de Chouchou visité par les silhouettes des amis compositeurs de Debussy, André Caplet, Jean Roger-Ducasse, Érik Satie. On y croise aussi Maurice Ravel qui inspirait à Debussy une admiration agacée.

Que ce journal soit pure fiction, œuvre de romancier, n’enlève rien aux expériences et vérités essentielles que tout lecteur y reconnaîtra comme siennes. La fille face à l’énigme du père dans sa routine et son prestige, et, plus compliqué encore quand il s’agit d’un père qui est aussi un des plus grands compositeurs de l’histoire de la musique, face une perception du monde toujours plus fine et complexe puisqu’elle traverse le prisme du génie artistique. Tout à la fois ce papa qui a ses petites manies (il n’aime pas faire sa toilette !) et ce père dans son îlot sombre :

« Je ressemble à papa. Je me demandais toujours à quoi il pouvait bien penser, quand il restait des heures assis sur le canapé, les yeux dans rien. Maintenant je sais : il ne pensait pas d’un fil, il faisait la planche sur sa tristesse, pour ne pas couler. »  

Mais Chouchou a en elle son propre génie pour ne pas ployer sous celui de son père. Elle a le génie de la vie en ses débuts, sa volonté d’insouciance, son pari sur la beauté malgré un contexte historique effrayant et une ambiance familiale parfois angoissante lorsqu’il arrive au ménage Debussy de céder aux inquiétudes du lendemain.

Comme tous les enfants déjà grands, Chouchou devient plus qu’à son tour l’instrument de cette conscience diffuse de l’impermanence, à l’instar de ce piano qui vibre dans la maison d’une musique et d’une pensée inédites, pas toujours faciles d’accès pour une pré adolescente confrontée à un père d’une telle stature, même s’il lui dédie Children’s Corner en ces mots : « À ma très chère Chouchou... avec les tendres excuses de son père pour ce qui va suivre. »

Aussi se réfugie-t-elle souvent dans des histoires qu’elle invente en sa solitude (notamment son petit feuilleton du naufragé aux prises avec sa bouteille à la mer — on dirait un des poèmes désolés d’Érik Satie) et dans la naissance d’un amour, quitte à faire une fois encore l’expérience de l’étrangeté masculine en la personne de Marius, un jeune garçon qui ne pense qu’à la mer. Chouchou, quant à elle, pense à l’amour :

« Pourquoi les gens mettent-ils un grand A au mot amour? C’est si intimidant. »

L’amour, mais aussi la mer rêvée par Chouchou, écrite par Debussy. Si souvent la mer, peut-être en filigrane, ainsi qu’on serait tenté de résumer un des choix narratifs de Damien Luce lorsqu’il emporte le lecteur avec une rare élégance et une incroyable empathie dans une conviction: la main qui tient la plume est en même temps celle d’une toute jeune fille et celle d’un romancier de haut vol.

Christian Cottet-Emard

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Extraits de la pièce Monsieur Debussy :

http://www.youtube.com/watch?v=RGwNosW3gaM