02 janvier 2019
L’ordre cosmique du vieux square
Pendant ces fêtes, Noël, Jour de l'An, Épiphanie, la mémoire de mes proches défunts m'accompagne d'autant plus. Je remets donc en ligne ce texte dans lequel je les évoque autour de l'ancien square de la place de la gare à Oyonnax, lui aussi disparu mais intact dans un album photo d'archives familiales tiré en un seul exemplaire et bien sûr dans mon souvenir.
Cette photo du vieux square aux arbres malingres et aux bancs vermoulus si tu pouvais
Ah oui l’ancien square détruit pour laisser place à la gare routière
Si tu pouvais sauter dans cette photo de 1973 comme Mary Poppins (Julie Andrews) sautait à pieds joints dans les tableaux dessinés aux craies de couleur par Bert (Dick Van Dyke) sur le trottoir
Tu te retrouverais dans le monde de 1973 sous les lampadaires du square maigrichon entre la lune et la pendule de la gare et il y aurait tout près le Picasso bicolore rouge et crème de la voie ferrée qui ferait les gros yeux il y aurait
Personne ne serait mort il y aurait ce prodige les tiens tous vivants sous les toits de la petite ville chez eux aux balcons de leurs appartements et de leurs maisons derrière les haies de buis de leurs jardins
Chez eux tout près du square une arrière-grand-mère (Clotilde) deux grands-mères (Yvonne et Marie-Rose) un grand-père (Charles) un père (Jean) une mère (Jeannine) une marraine (Geneviève) gamin tu disais ma reine et tu attendais pendant des heures de la voir descendre de l’autorail Picasso traverser la voie et ouvrir le portillon du jardin ils seraient tous là autour du square
Une dame encore inconnue d’eux (Gisèle la mère de ta future épouse) calerait son vélo contre un banc avant d’aller rejoindre son mari (Francesco)
Dans l’ordre cosmique du square dans son monde lisible les tiens
Planètes dans ton ciel étoiles dans ta nuit comme dans les nuits de 1973 où cillait l’ampoule du lampadaire au milieu des branches
Le square jadis détruit pour laisser place à la gare routière existe pourtant plus aujourd’hui que la gare routière c’est normal
Ce qui n’est pas normal c’est la gare routière où attendent tous ces gens qui ont des têtes à ne pas avoir envie d’aller où les bus les emmènent
À coup sûr le diable s’en est mêlé ou alors qui et pourquoi te demandes-tu dans l’ombre des églises en regardant trembler la flamme des cierges
(Extrait du poème Paysage / Évasion qui constitue l'une des quatre sections de mon recueil Poèmes du bois de chauffage, © éditions germes de barbarie). Pour Oyonnax et sa région, ce livre est en vente à la librairie Mille Feuilles rue Anatole France, Oyonnax.
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01 novembre 2018
Mes trois poèmes de la Toussaint et du jour des Défunts
(Extrait de mon ouvrage Encens, marbre et bruyère)
Troisième poème de la Toussaint et du jour des Défunts (2018)
Vêpres
Quand vient aux vêpres la Toussaint dans cette joie où sont admis tous ceux qui furent Saints en secret ou en gloire à leur mesure
Comme il serait triste et vain de ne pas être heureux d'être triste
Cela pourrait signifier que nous n'avons souci ni de nous-mêmes ni de nos défunts ainsi livrés au cours obscur d'un fleuve qui n'a nulle part sa source et ne va nulle part
Esquif infortuné qui voguerait sur un tel fleuve !
Même le lendemain le jour des morts nous bercera d'un rassurant chagrin
Deuxième poème de la Toussaint et du jour des Défunts (2017)
Encens
I
Au son de l’orgue dans l’encens je vois monter la maison d’enfance
Elle s’élève avec les miens que j’ai connus et les autres qui m’ont parlé à travers eux
La maison en pierres et en mots avec son coffre-fort qui s’ouvrit à la fin sur quelques emprunts russes
Le jardin la voie ferrée la marquise de la gare l’autorail l’encens les soulève
Il prend aussi le petit square avec son lampadaire
Tout ce qui veut peser compter durer l’encens m’aide à le voir encore un peu puis il l’emporte dans les airs
II
En moi cette âme grise et tiède attirée par le reflet d’un vitrail ou le halo d’un cierge
Aussi je veux l’encens pour elle qui s’en ira
Dans l’adieu je veux l’encens léger au lourd parfum qui monte vers les voûtes immobiles de la dernière forêt
Quand frémissent à peine ses volutes après qu’aient battu très loin les ailes de l’Ange accompagnateur en des régions dont nul vivant ne peut avoir idée
Et qu’une voix dira comme à Géronte en son dernier songe Adieu, mais pas pour toujours
Marbre
Comme une feuille de carnet par terre où l’on a écrit des noms et des dates
Cette page ne prend ni le vent ni la pluie c’est ce que j’attends d’elle
Moi sous le ciel
Qui ne suis pas dans le secret des cieux
Bruyère
Quand les mots ont cédé à l’encens et au marbre il reste un geste
La bruyère trouvée sur le marché d’automne où l’on vend aussi aux vivants distraits des bouquets d’immortelles
Premier poème de la Toussaint et du jour des Défunts (1992 et 2016)
I
Toussaint
À la veillée des anciens mondes les feux d’humbles talus parfument les champs d’astres
La rivière est souvent déjà sombre et rapide mais la lumière en ses méandres y trouve un chemin dans les saules
Dans le courant chaque seconde et chaque vague reçoivent nos séjours
L’herbe chante à la flamme veilleuse des rivages des refrains de vergers loin derrière les fumées de berges incertaines
La voile accueille un vent fossile et conduit des paroles en forme de légendes et de mystères enchantés
II
Défunts
Les arbres bruissent du fond des terres où vous vous effacez
Défunts désormais loin des berges de l’aube et du soir où l’on allume des feux d’herbe pour croire encore en un retour en gloire
Qu’importe au fleuve ténébreux l’esquif de braconniers en loques tous ils retournent sur le flot
Toutes saisons ne furent qu’escales où l’on offrit et déroba le pain farci de clefs des champs la gourmandise du veilleur la provision du matinal
III
Élégie des beaux jours d’automne
Beaux jours d’automne sans vous toutes et tous absents pour toujours
Partout des prodiges sur Terre elle-même prodige vue depuis la Mer de la Tranquillité
Chaque seconde des miracles la lune dans les frênes la campanule à fleur de roche le mauve de la colchique le marron d’Inde qui brille sur la petite route forestière
On n’a rien vu de tel ailleurs dans l’univers pourtant si extravagant jusque dans ses plus profonds enfers alors pourquoi
Pourquoi pas juste une fois encore même une seule ce si petit miracle comparé aux autres si prodigieusement absurdes si majestueusement et sidéralement stupides
Pourquoi pas ce minuscule miracle un peu de temps encore avec vous toutes et tous dans les beaux jours d’automne
Car en comparaison de vous toutes et tous qui êtes tout et qui avez existé Science Foi Philosophie et Destin pèsent moins qu’un caillou de la Mer de la Tranquillité
IV
Deuil
L’heure vient à l’hiver en son office de ténèbres pour naviguer sur l’estuaire inconnu
La prière se mesure à l’absence à l’énigme éternelle au récit d’un été
Les voûtes n’ont pu tenir le retour d’une joie ancienne
La nuit alourdit de pétales et d’encens la veillée des faux morts ceux dont l’oubli ne veut
© Éditions Orage-Lagune-Express 1992, 2016, 2017 et 2018 pour la version modifiée et augmentée
Photos cathédrale et Croix © Christian Cottet-Emard
01:09 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : encens, marbre, bruyère, toussaint, défunts, commémoration des fidèles défunts, cluny, jour des morts, poème, fête chrétienne, blog littéraire de christian cottet-emard, âme, cierge, vitrail, christian cottet-emard, voûte, forêt, adieu mais pas pour toujours, songe de géronte, ange, vêpres, deuil
01 novembre 2017
ENCENS, MARBRE ET BRUYÈRE (mon deuxième poème de la Toussaint et du Jour des Défunts)
Encens
I
Au son de l’orgue dans l’encens je vois monter la maison d’enfance
Elle s’élève avec les miens que j’ai connus et les autres qui m’ont parlé à travers eux
La maison en pierres et en mots avec son coffre-fort qui s’ouvrit à la fin sur quelques emprunts russes
Le jardin la voie ferrée la marquise de la gare l’autorail l’encens les soulève
Il prend aussi le petit square avec son lampadaire
Tout ce qui veut peser compter durer l’encens m’aide à le voir encore un peu puis il l’emporte dans les airs
II
En moi cette âme grise et tiède attirée par le reflet d’un vitrail ou le halo d’un cierge
Aussi je veux l’encens pour elle qui s’en ira
Dans l’adieu je veux l’encens léger au lourd parfum qui monte vers les voûtes immobiles de la dernière forêt
Quand frémissent à peine ses volutes après qu’aient battu très loin les ailes de l’Ange accompagnateur en des régions dont nul vivant ne peut avoir idée
Et qu’une voix dira Adieu, mais pas pour toujours
Marbre
Comme une feuille de carnet par terre où l’on a écrit des noms et des dates
Cette page ne prend ni le vent ni la pluie c’est ce que j’attends d’elle
Moi sous le ciel
Qui ne suis pas dans le secret des cieux
Bruyère
Quand les mots ont cédé à l’encens et au marbre il reste un geste
La bruyère trouvée sur le marché d’automne où l’on vend aussi aux vivants distraits des bouquets d’immortelles
© Éditions Orage-Lagune-Express, 2017
Mon premier poème de la Toussaint et du Jour des Défunts
01:50 Publié dans Occident | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : encens, marbre, bruyère, toussaint, défunts, commémoration des fidèles défunts, cluny, jour des morts, poème, fête chrétienne, blog littéraire de christian cottet-emard, âme, cierge, vitrail, christian cottet-emard, voûte, forêt, adieu mais pas pour toujours, songe de géronte, ange