21 octobre 2021
Carnet / Sauvetage
Dans un carnet de mai dernier, j’évoquais le sujet du rangement de la bibliothèque et de ses conséquences (choix rigoureux, sacrifices, renoncements, purges, ventes, destructions, mises à l’écart, mais parfois quelques sauvetages) !
À la fin des années 80, j’avais acheté un livre du peintre Valerio Adami que je commençais à découvrir et que j’apprécie de plus en plus parce qu’il est ce que j’appellerais peut-être à tort un peintre littéraire. Il s’agissait de Les règles du montage, un ouvrage paru dans la collection Carnets des éditions Plon. À l’époque, je n’avais pas réussi à entrer dans ce recueil, peut-être parce que j’étais trop jeune ou immature. Les rencontres avec les livres sont comme les rencontres avec les gens, elles doivent se produire au bon moment, ce que je pressentais sans en avoir la certitude comme aujourd’hui. J’ai donc conservé ce livre depuis tout ce temps, j’ai même essayé de le relire plusieurs fois, sans succès. À chaque fois, je le trouvais un peu affecté, snob comme l’étaient souvent les livres publiés dans les années 80, période de snobisme par excellence. Lors de la récente purge de ma bibliothèque, je venais donc de le jeter dans un sac destiné aux vendeurs de livres d’occasion lorsque, ces derniers jours, l’achat de Récits avec figures, un recueil de textes d’Antonio Tabucchi, un des rares écrivains dont j’ai lu presque tous les ouvrages, m’a ramené devant les yeux les compositions de Valerio Adami.
La couverture de ce livre est un détail d’une de ses œuvres, une sérigraphie intitulée Écrits de l’éphémère. Récits avec figures reproduit aussi, de Valerio Adami, un Portrait d’Antonio Tabucchi (2000), Le Minotaure (1996) et L’heure du sommeil de l’enfant (1993).
Quant à la couverture du recueil de Valerio Adami, Les règles du montage, elle reproduit un détail d’une œuvre intitulée Ascension (1984), ce qui m’a conduit à le récupérer in extremis et, une fois encore, à tenter de le lire d’un œil différent si je m’en montre capable. Dans la foulée, j’ai consulté sur internet une vidéo dans laquelle Valerio Adami s’exprime d’une manière qui m’encourage à persévérer dans l’exploration tardive de son œuvre et, probablement, à réintégrer son recueil de carnets dans mes rayonnages où les places sont désormais devenues si rares et si chères !
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08 octobre 2021
Carnet / Cette assemblée de spectres
À l'époque où je perdais mon temps dans la presse (années 80) et où je croyais aux maîtres en littérature. Photo P. Deschamps
Dans le Figaro littéraire de ce jeudi, quelques anecdotes sur le thème de la rencontre de l’écrivain débutant avec ceux qu’il considère (au moins provisoirement) comme ses maîtres.
J’en ai surtout retenu cette question qui vaut réponse de Michel Tournier : « Et puis est-ce bien intéressant, pour un jeune écrivain, de rencontrer ses maîtres ? Quand j’étais jeune, je n’en avais pas envie » .
Sans vouloir le reconnaître, dès que je me suis lancé dans ce que Jean Tardieu m’a décrit comme « le dur chemin de la création littéraire » dans la dédicace d’un de ses livres, j’avais la même opinion. J’avais pourtant élu mes maîtres mais malgré les occasions qui se présentaient à moi, quelque chose me retenait, sans doute un peu de timidité, pas mal de paresse mais aussi et surtout une sorte d’inexplicable épuisement relationnel qui me frappait déjà dans mes jeunes années et qui est arrivé aujourd’hui à son paroxysme.
Je craignais en outre de me surprendre moi-même en flagrant délit de comportement courtisan et de passer ainsi aux yeux de mes prestigieux interlocuteurs comme un quémandeur d’appuis et de recommandations auprès des éditeurs.
Je restais donc le plus souvent prudemment (lâchement ?) en retrait grâce à ma carte de presse qui me servait de prétexte pour approcher les écrivains que j’admirais (les autres, ça ne compte pas) quand les occasions se présentaient.
Mon attitude fut à l’origine de récurrents malentendus car mes écrivains favoris pensaient que je ne les approchais que dans le seul but de faire mon travail alors que je m’intéressais à eux et à leurs œuvres pour des raisons beaucoup plus profondes. De plus, ils étaient parfois sur leur garde car les écrivains ont des rapports souvent compliqués avec les journalistes, ce qui est tout à fait compréhensible.
De mon côté, depuis ma prime jeunesse, je suis très attaché à la civilité et aux conventions sociales de base, ce qui me rend sans le moindre problème capable de recadrer vite fait bien fait quelqu’un qui aurait la mauvaise idée de s’en dispenser à mon égard, fût-il autant décoré de tous les prix littéraires de la Terre qu’un maréchal soviétique bombant son torse pavé de médailles.
Il y eut donc quelques interviews qui tournèrent court, très court, des entretiens au cours desquels des anges semblaient s’être donné rendez-vous sur la banquise pour passer en grand nombre mais aussi, heureusement, quelques rares moments de grâce, notamment ma première rencontre puis celles qui suivirent avec l’exquis Jean Tardieu.
Mon vieil exemplaire d'Une voix sans personne dédicacé par Jean Tardieu
J’ai d’autres souvenirs simplement agréables ou drôles avec des écrivains. J’ai fait un bout de chemin en leur compagnie mais à bonne distance et continué parfois d’échanger quelques signes, de loin en loin, avec eux. Leurs livres dorment désormais dans ma bibliothèque toute neuve, rescapés de la dernière purge avant les prochaines car lorsque vient le soir, dans le ballet des ombres, il n’en reste et n’en restera, jusque sur les étagères d'un lecteur anonyme et insomniaque, que quelques-uns. Tel est le prix de l’écriture, cette assemblée de spectres.
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11 septembre 2021
Pourquoi j'ai modifié la fin de mon GRAND VARIABLE dans la nouvelle édition
Samia, l'un des personnages du Grand variable (dessin de Frédéric Guénot)
Pour cette nouvelle édition du Grand variable, j'ai légèrement modifié la fin, le centième épisode dont le sens risquait aujourd'hui de porter à confusion.
Pour m'en expliquer, je dois préciser que beaucoup n'ont vu dans ce livre qu'un récit onirique, une sorte de fantaisie, alors que l'ouvrage ne néglige pas, en filigrane, quelques thèmes de société concrets. Par exemple, les personnages vivent en retrait d'un monde dont l'évolution ne leur convient pas.
Ils s'insurgent à leur manière contre les dérives les plus absurdes du travail, l'embrigadement collectif, l'enlaidissement de l'environnement, le mensonge politique, les idéologies faussement progressistes et la langue de bois de la communication.
Je ne vais pas jusqu'à qualifier le Grand variable d'œuvre engagée car j'ai une trop piètre opinion de ce genre de littérature qui produit rarement de bons textes. Cependant, contrairement aux apparences, ce livre n'est pas hors-sol et la fin, ce centième chapitre que j'ai modifié, en témoigne.
Il ne s'agit d'ailleurs pas d'une modification mais d'une précision, d’une actualisation. Dans les premières éditions, l'épilogue du Grand variable évoquait les dangers des conséquences de l'injustice sociale sans appeler pour autant au désordre.
C'est toujours le cas dans cette nouvelle édition mais avec une dimension supplémentaire, l'urgence de porter l'étendard d'un renouveau occidental indissociable de la défense de notre monde ancien mais toujours renaissant. De ce combat de civilisation qui passe aujourd'hui au premier plan en Occident, dépendent tous les autres.
Version de la nouvelle édition (2021) :
Survint une nouvelle saison. Elle ne ressemblait à aucune autre. Des foules anonymes rejoignirent les solitudes que j’arpentais, des cohortes de splendides impatients réconciliés avec leur monde ancien mais toujours renaissant. Les grandes fleurs qui me nourrissaient exhalèrent une odeur d'orage. Pour qui en verrait l’accomplissement, c’était une belle saison qui commençait dans la fureur et dans la joie. Pour qui en verrait le lendemain, c’était un jour flamboyant.
Version de l'ancienne édition (2002) :
Survint une nouvelle saison. Elle ne ressemblait à aucune autre. Des foules anonymes rejoignirent les solitudes que j’arpentais, des cohortes de splendides impatients peu enclins au pardon. Les grandes fleurs qui me nourrissaient exhalèrent une odeur de sang. Pour qui en verrait l’accomplissement, c’était une belle saison qui commençait dans la fureur et dans la joie. Pour qui en verrait le lendemain, c’était un jour flamboyant.
Informations :
- Broché : 168 pages
- ISBN-13 : 979-8452583851
- Poids de l'article : 245 g
- Dimensions : 12.7 x 1.07 x 20.32 cm
- Prix : 12,66 €
Informations :
Commandes :
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