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12 mars 2020

Carnet de lecture / À propos de W. H. Auden (1907-1973)

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Pour un esprit aussi irrémédiablement français que le mien, fréquenter la poésie de W. H. Auden n’allait pas de soi. Pourtant, j’y reviens toujours, en traduction bien sûr, ce qui n’est pas l’idéal mais je n’ai pas le choix.

Pour une approche, le volume de poésies choisies dans la collection Poésie / Gallimard fait parfaitement l’affaire. On y ajoutera avantageusement le mince recueil récemment paru aux éditions Points Dis-moi la vérité sur l’amour suivi de Quand j’écris je t’aime. Attention, ces deux brefs ensembles, quatre-vingt pages en tout, n’ont rien de ces sucreries que peuvent laisser supposer leurs titres !

Entre parenthèses, en plein flop du Printemps des poètes, cette plaquette vous détournera utilement du frai plus ou moins consanguin de ses apparatchiks.

En France, la poésie de Wystan Hugh Auden a gagné des lecteurs en plus grâce à l’excellente et populaire comédie sentimentale Quatre mariages et un enterrement de Mike Newell avec Hugh Grant, Andie MacDowell, James Fleet, Simon Callow, John Hannah et Kristin Scott Thomas. Dans la scène de l’enterrement, le poème récité est Funeral Blues qu’on retrouve dans Dis-moi la vérité sur l’amour.

Dans l’édition Poésie / Gallimard, le poème est cité en préface. Avec l’édition Points, on pourra constater les différences entre les deux traductions.

J’ai du mal à expliquer précisément mon intérêt pour la poésie d’Auden. Elle me résiste souvent (à moins que ce ne soit l’inverse) mais elle me parle quand même. Pour ma part, je ne suis pas venu à l’œuvre grâce au film Quatre mariages et un enterrement mais en découvrant voici maintenant bien des années l’opéra d’Igor Stravinsky, The Rake’s Progress (La Carrière du libertin) dont un des deux librettistes est Auden.

 

11 février 2020

Carnet / « L’espérance poétique est-elle encore de ce monde ? » Ma réponse décevante à cette question un peu au-dessus de mes moyens !

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À partir de son texte intitulé Du spirituel en poésie, l’ami et poète Japh' Eiios me propose une réflexion sur le thème l’espérance poétique est-elle encore de ce monde ? L’être bassement matérialiste que je suis va donc essayer de s’y coller en évitant de se montrer trop long par égard pour ses lectrices et lecteurs et pour sa propre paresse à laquelle il tient beaucoup.

Je dois tout d’abord avouer que je ne suis guère porté vers le spirituel, que le mot poésie me pose depuis pas mal de temps un problème tout comme la notion d’espérance assez problématique elle aussi. Le rapport que peuvent entretenir ensemble ces trois mots m’inspire aussi une grande perplexité.

La poésie est-elle indissociable de différentes formes de spiritualité ? À mes yeux, pas forcément. Ne parlant qu’à l’aune de mon expérience personnelle donc limitée, je peux affirmer pour ma part que la poésie, qu’on la lise ou qu’on l’écrive, peut être une manière d’être au monde parmi d’autres et qui peut se vivre en dehors de toute spiritualité élaborée. C’est aussi en ce sens que je la considère comme un genre littéraire parmi d’autres, rien de moins, rien de plus, un genre littéraire au service de l’expression des différentes formes de l’expérience de l’humaine condition.

Sur ce point, la fameuse formule de Friedrich Hölderlin me tracasse : « Plein de mérite, c’est pourtant poétiquement que l’homme habite sur cette terre. » Voilà qui me renvoie à une question liée à l’étymologie du mot poésie issu en grec du verbe poiein (faire, créer). S’il s’agit pour le poète de créer, de faire, d’être un fabricant, la spiritualité n’est dans ce cas qu’une option.     

La poésie est aujourd’hui un genre littéraire tombé en relative désuétude dans le grand public, ce qui ne l’empêche heureusement pas d’être encore considérée par un lectorat majoritairement composé des poètes eux-mêmes, du moins ceux qui se prétendent tels à juste titre ou non, et d’être publiée par de grands éditeurs pour qui elle est devenue une danseuse mais aussi par de modestes maisons qui veulent encore œuvrer à sa défense et à son illustration.

Le mot poésie me pose problème car il définit de nos jours une production littéraire qui relève à mon avis plutôt du récit parce qu’elle a rompu avec les formes fixes du genre (prosodie et versification, pour faire court). Plus elle s’est écrite, plus la poésie a rompu avec le chant et ce ne sont pas les tentatives de réinvestir ce chant (et ce champ) qui permettent de ralentir voire de contrer cette inévitable évolution, encore moins lorsqu’il s’agit de pratiques aussi folkloriques que le slam ou pire, de sous-genres aussi stérilement commerciaux que le rap, surtout quand la substance de ce dernier se limite à l’appel au meurtre. Dans ce dernier cas, des formulations telles que du spirituel en poésie  ou l’espérance poétique est-elle encore de ce monde ? sont évidemment inopérantes ! Aucun espoir de ce côté-là !

Maintenant, j’aimerais qu’on m’explique ce que signifie la notion d’espérance poétique en ce monde. S’agit-il de s’interroger sur la capacité de la poésie à tenir un plus grand rôle dans la vie des êtres humains ou bien d’élargir la question sur un plan philosophique ? C’est, me semble-t-il, beaucoup demander, notamment à l’avenir, à un genre littéraire qui nous a déjà énormément donné dans le passé, en particulier avec les grandes épopées anciennes (Odyssée, Iliade) et modernes (Lusiades) qui sont quant à elles autant de récits qui continuent de nourrir notre expérience.

J’en reviens à ce terme de récit pour illustrer ma proposition de départ selon laquelle je crois la poésie distante de la spiritualité, de la philosophie et de l’espérance, ce qui n’empêche nullement les mystiques et les philosophes d’avoirs recours à la poésie pour exprimer leurs croyances et leurs concepts.

Après cette tentative de réfléchir sans doute un peu au-dessus de mes moyens de simple raconteur d’histoire à ce vaste sujet, on comprendra au moins pourquoi la mention récits apparaît de plus en plus souvent sur la couverture de mes recueils en apparence poétiques et pourquoi j’ai de plus en plus de mal à accepter qu’on me colle l’étiquette de poète, d’autant que j’en connais (de loin) un certain nombre auxquels je n’ai pas envie de ressembler. Si nous étions sur terre pour nous aimer les uns les autres, cela se saurait, et c’est particulièrement vrai pour les poètes !

Illustration : un de mes carnets avec reproduction du tableau de Giorgio de Chirico, La nostalgie du poète.

 

05 février 2019

Carnet / Magique !

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L’hiver est décidément une bonne saison pour travailler à mes deux chantiers de roman. Pour oublier la neige, rien de mieux que de rédiger les scènes d’été. La pratique du roman a ses avantages quand on fait partie de la morne confrérie des météo-dépendants, poètes et boulimiques à leurs heures. C'est aussi une forme de narration qui peut souvent marcher toute seule comme si tous les matins, la cafetière venait d'elle-même remplir le bol par la seule grâce d'une rêverie routinière.

 

Le roman, c’est vraiment la double vie, une de ces petites libertés qui font oublier que ce mot tant galvaudé n’a de sens réel qu’au pluriel. Dans ce cas-là comme dans d’autres, (amour, bonheur, désir) il est amusant de constater que le pluriel n’est pas augmentatif mais diminutif. Les libertés ne sont pas la liberté, les amours ne sont pas l’amour, les bonheurs ne sont pas le bonheur, les désirs ne sont pas le désir.

 

Il arrive que les amis qui ne lisent pas et qui, de ce fait, ont une excellente raison de ne pas me lire, s’aventurent quand même parfois à me questionner sur ma perversion (l’écriture). La question qui revient le plus souvent est d’ordre technique : as-tu un plan ? Je recommande à l’auteur qui a encore l’âge, le statut social ou l’obligation professionnelle de se prendre au sérieux (ou de faire semblant) de répondre oui, ce qui rassurera la majorité du public dont les valeurs seront toujours l’effort, la peine, le boulot, le turbin, la tâche, le défi, le challenge, enfin bref, tout le saint-frusquin.

 

N’ayant plus aucune de ces obligations, j’ai le plaisir d’affirmer que lorsque j’écris un roman, je ne veux surtout pas établir un plan. Cela m'arrive pour la nouvelle dont le format requiert éventuellement plus de rigueur alors que dans le roman, on peut à mon avis se permettre de se vautrer avec autant d’aisance qu’un sanglier dans une belle ornière pleine de boue bien épaisse.

 

Par exemple, intégrer à la scène romantique le menu du restaurant où dînent les amoureux m’enchante, ce qui présentera d’ailleurs peut-être plus d’intérêt que ce qu’ils ont à se dire dans un tel moment avec le risque élevé d'un fragment de salade coincé entre les incisives.

 

Ah ! La magie de la littérature !

 

Image : ma cafetière volante photographiée par Marie